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Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir une action publique importante pour enrayer la crise de l’internet et des télécoms en France !"

dimanche 20 octobre 2002 à 19:47, par Charles-Henry Sadien, Mister K

Troisième et dernière partie de l’interview de Aurélien Sallé, maire adjoint délégué aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il est question ici de l’évolution du site internet de la ville de Bourges, de la "polémique" sur les accusations de spamming de la part de certains berruyers contre la newsletter du maire, de la sécurité du réseau et du respect des libertés individuelles des internautes, de logiciels libres ou encore de l’avenir de l’internet en France et dans le monde.

Est-il envisagé la possibilité de remplir des formulaires administratifs sur le site de la ville de Bourges et de renforcer l’interactivité du site ?
Je n’ai pas eu le temps de me pencher sur le site de la ville de Bourges. Bruno Béquignon qui est le webmaster travaille malheureusement seul. J’avais demandé en préalable à ce que l’on embauche une autre personne, un technicien, et que l’on prenne la main sur le serveur qui doit être hébergé chez nous pour que l’on ait une vraie puissance de feu informatique. Comme ce n’est toujours pas fait, j’ai laissé un peu en blanc le site de la ville. Mais je pense que cela se fera dans le cadre de l’agglomération. Pour l’instant, on laisse le site de la ville comme il est puisqu’il fonctionne bien, qu’il est bien fréquenté et actualisé régulièrement. Et puis on met des formulaires en ligne qui ne servent qu’à l’élite de ceux qui savent s’en servir, cela ne va pas dans l’intérêt commun et ne peut donc être une priorité. Quand il y aura 20 ou 30% de la population de connecté, on sera obligé de le faire. Ce n’est donc pas ma priorité. Je fais le travail d’un "sous-marin" qui évolue très profond sous la mer. Ça ne se voit pas, mais j’essaye de faire avancer la cause de Bourges. Je rencontre souvent des jeunes qui me font part de leurs projets, je leur dit "allez-y, j’ai pas de pognon, mais j’ai de la bonne volonté, on va essayer de monter des choses ensemble." Là, par exemple, on va essayer de monter une grosse fête de l’internet parce que cette année cela a été un flop. J’aimerais faire une "collecte" de vieux ordinateurs que l’on pourra retaper pour les redistribuer aux associations. On va aussi essayer de monter une nuit du jeu en réseau avec 200, 300, 400 gamers, peut être davantage. Il y aura des colloques, des conférences... Il faut que l’on sache qu’il se passe des choses à Bourges pour que les entreprises aient envie de s’y montrer. Microsoft qui travaille déjà avec nous dans le cadre de l’école de l’Internet, est partant pour d’autres projets professionnels.

Le reproche qui est souvent fait au site de la ville, c’est son côté "carte postale" ainsi que sa conception "encyclopédique" qui correspond à l’état d’esprit des sites première génération, aujourd’hui totalement dépassés...
C’est pour cela que j’avais souhaité mettre en place le Chat, afin de rendre le site plus interactif. Il y a également la newsletter que j’ai amené au moment de la campagne électorale pour les municipales avec Serge Lepeltier. En très peu de temps, on a récupéré plus de mille mails. L’amélioration du site réclame un investissement en matériel et donc un budget. Que je n’ai pas. Ce n’est de toute façon pas ma priorité à l’heure actuelle. J’ai "vendu" un projet sur cinq ans à mes collègues de la mairie dans lequel il a effectivement la possibilité de remplir des formulaires administratifs sur le site de la ville de Bourges. Déjà, il n’y a plus de Fiche d’Etat Civil, donc, ça en enlève un ! (rire). Mais il y a beaucoup plus important que de remplir des formulaires administratifs au niveau municipal - quoique je remplisse ma fiche d’impôts sur internet et que je sois très content comme ça !. Un projet sur lequel j’ai envie de bosser c’est le CCATS, qui est géré par le service enfance qui se charge des activités de loisirs durant les vacances. Un nombre hallucinant de gamins en profite chaque année et cela pose des problèmes d’attentes interminables au moment des inscriptions. Dans ce cadre, il faudrait mettre en place un système informatique qui permette aux gens de pouvoir s’inscrire plus facilement, quitte à installer des bornes spécifiques dans la mairie. Une autre priorité est de créer un intranet pour les services de la mairie. Actuellement, c’est d’une lourdeur biblique ! C’est dingue ! Quand on voit le gain de productivité de transmission d’information que l’on peut avoir ! Cela ne restera peut-être qu’un souhait car c’est assez lourd à mettre en place et c’est très onéreux avec le nombre d’employés municipaux qu’il y a sur la ville. Et il n’est pas question d’en laisser de côté. C’est tout le monde ou personne.

Vous parliez des newsletter tout à l’heure. Comment se passe la sélection des adresses ? Nous avons reçu des courriers d’internautes fâchés de recevoir cette newsletter sans jamais l’avoir sollicité.
C’était le même problème pendant la campagne électorale. Nous n’avons pas pris un fichier existant d’adresses pour balancer la newsletter. Les gens sont venus s’inscrire. Ce sont des volontaires. Evidemment il y a parfois des couacs. Les personnes qui se sentent agressées peuvent se désabonner sans problème. Pendant la campagne, je m’occupais de m’en excuser moi-même : on n’est pas là pour bourrer le crâne. Concernant les berruyers qui ont déménagé en dehors de la ville, moi, je trouve que c’est quelque chose de très intéressant d’avoir toujours des nouvelles de sa ville. Quand vous vous désabonnez et que deux jours après vous recevez le même truc, là, effectivement, ça gonfle ! Mais la newsletter marche bien. On doit être à environ 2000 abonnés.

Donc, vous n’avez pas récupéré les adresses e-mail sur le site Bourges.net ?
Non. Je vais vous dire ce qui s’est passé. J’avais contacté Bourges.net pour que l’on puisse faire cela éventuellement. Mais comme les responsables du site voulaient nous le faire payer, nous ne l’avons pas fait. C’est aussi simple que ça. J’ai utilisé Bourges.net pour trouver les adresses de certaines entreprises en relation avec l’internet et les nouvelles technologies, mais c’était pour le travail de la mairie. Il n’y a pas de mal à ça. Je peux vous assurer que la netiquette est très importante pour moi, malgré jeboycottepekin.com (rires) !

Vous faites également partie de la mission ECOTER. En quoi est-ce-que cela consiste ?
C’est assez simple. Ça consiste à mettre en relation les collectivités locales et les acteurs du réseau. J’en fait partie au départ pour me former et me renseigner pour la ville de Bourges sur tout ce qui concerne la câblage. Il s’agit de cycles de conférences assez décentralisées. Le président était Raffarin jusqu’à ce qu’il soit Premier Ministre. Mais il y a toutes les tendances politique, car juste avant lui, c’était un socialiste par exemple. J’ai effectivement fait élire Serge Lepeltier et je siège comme vice-président. L’objectif est de rester en contact avec les professionnels du secteur. Ça fait partie de la stratégie de la ville de Bourges pour faire connaître ce que l’on fait dans la ville, pour prendre position, demander conseil... Ça permet de se former, d’être toujours au courant de ce qui se passe.

Est-ce que vous vous intéressez au domaine de "l’informatique libre" ?
J’ai été "forcé" de m’y occuper pendant la campagne présidentielle pour le programme de Madelin. Le chef des lobyistes des logiciels libres en Europe m’a envoyé un mail très bien tourné nous disant que l’on avait mis sur le site de Madelin un Lien Hypertexte et que ce n’était pas libre parce que cela avait été déposé par telle boîte, et donc qu’on allait être attaqué en justice. Ce mail était une sorte de politique-fiction réalisé de façon assez marrante. Cela a fait paniquer les gens pendant deux ou trois minutes. Après on s’est rendu compte que c’était une forme de lobying pur et simple mais très intelligent. J’ai pris contact avec eux, et comme on était de "grands méchants libéraux supos de satan américains, donc nécessairement pro-microsoft", ils croyaient que l’on était favorable au brevetage du logiciel. Mais comme on était justement contre, ils étaient bien emmerdés (rires) ! Nous avons pris position le 20 février sur la proposition de la commission de la communauté européenne sur le brevetage des logiciels. Tous les partis politiques français ont été contre ce brevetage... Y compris les grands méchants libéraux ! Pour une raison simple : nous sommes là pour favoriser au maximum la concurrence, il est hors de question que de grosses entreprises rachètent à coup de dollars des logiciels créés par des petits génies qui travaillent dans leur cave. Il n’est pas question de se faire bouffer par les américains. Je pense qu’il y a une voix européenne à avoir là-dessus. Bien qu’il faille protéger les inventeurs de logiciels. Le système Linux est très bien. La personne qui invente un logiciel doit pouvoir le breveter et le vendre, c’est normal. Par contre il faut sortir du système que l’on connaît dans les pays anglo-saxons pour éviter que deux ou trois boîtes prennent le secteur en mains et que l’on se retrouve pieds et poings liés. C’est un débat et une question à des dizaines de milliards de dollars. C’est pas neutre. L’implication de chacun est importante. Madelin a été à l’origine d’une proposition de loi suite au problème de altern.org qui avait été condamné pour une photo d’Estelle Halliday à poils ! Il s’agissait d’une loi qui visait à soustraire la responsabilité des hébergeurs des contenus des sites qu’ils hébergeaient. C’est en grande partie grâce à Madelin que je me suis intéressé à internet et à tout ça, bien que mes premières missiond remontent à 1993-1994 au Conseil Général de Touraine qui n’avait pas de site internet à cette époque. Pour revenir au problème des logiciels libres, il y a une réflexion à mener pour savoir comment on pourrait organiser et hiérarchiser tout ça, afin d’offrir davantage d’assurances aux personnes qui travaillent là-dessus pour éviter qu’ils se barrent au Etats-Unis. C’est super complexe. Je me suis mis dedans, mais je n’ai pas tout compris. C’est très technique et très juridique. Mais c’est passionnant !

Auriez-vous des propositions à faire pour protéger les libertés des citoyens-internautes souvent mis à mal actuellement ?
Je ne sais pas si vous avez vu l’émission Tracks sur Arte où l’on voyait des jeunes qui se baladent dans les ville et qui "piquent" du réseau en faisant des antennes avec des boîtes de conserves. C’était assez excellent ! Mais cela pose le problème du piratage. Il faut quand même un système de cryptage. Et puis il faut que le ministère de la défense donne plus de fréquences pour faire passer plus de débit. Il faut sécuriser le réseau. Il y a tellement de gens qui hésitent à payer par carte bancaire sur internet ! Moi, je paye toujours par carte : il a toujours moins de risques que de se faire pirater son téléphone portable ! Dans les statistiques, on fait peur à la France entière avec le nombre de délits qui a augmenté avec l’internet. Tout ça parce que des petits malins récupéraient les numéros avec la date d’expiration sur les tickets des distributeurs d’argent, qu’ils allaient se connecter sur un site de cul en tapant ce numéro et puis l’affaire était dans la poche ! Mais il ne s’agissait pas d’un "piratage informatique" : on ne vous a pas piqué votre numéro sur internet. C’est vrai qu’il y a le problème de la recrudescence des virus. J’en reçois une dizaine par jour. C’est pour cela que l’école de l’internet de Bourges est indispensable. Il se pose également le problème de confidentialité et d’éventuels Big Brother dans le système. C’est clair qu’il s’agit d’une grosse question. J’ai fait tout un rapport sur "Echelon", les grandes oreilles américaines en Angleterre... Ça peut faire peur. Il est évident que l’on peut vous suivre facilement sur internet. Mais il ne faut pas vivre dans la paranoïa. Si vous n’êtes pas terroriste, islamiste, si vous ne vendez pas des kilos de cocaïne, il y a quand même peu de chances que le ministère de l’intérieur s’intéresse à votre cas. Bon, si vous faites de la politique, c’est autre chose (rires). Nous sommes quand même dans un pays très démocratique et soucieux des libertés individuelles. Il existe des contres-pouvoirs. Si nous étions tous espionnés, cela éclaterait vite au grand jour. Ceux qui ont préparé les attentats du 11 septembre ont pu le faire sans trop de soucis. Vous pouvez encore écrire des trucs pas possibles sur "jeboycottepekin.com" sans être emmerdé par la gendarmerie (rires) !

A l’avenir, comment voyez-vous le développement de l’internet à la fois au niveau local, national et international ?
J’ai peur que le curseur, après avoir été très haut, retombe trop bas. Nous rentrons, au niveau économique dans une crise profonde qui va toucher l’Europe et toute la planète de façon assez dramatique. Il va falloir faire très attention à ce que l’on fait et à ce que l’on dit. On n’est pas dans un trip où la priorité va être donnée à "l’internet pour tous". Malheureusement. Il y aura un renforcement des inégalités si les boîtes ferment et que les gens n’ont plus de boulot. Ces inégalités ne se creuseront pas nécessairement au niveau mondial. Parce que la crise dans laquelle on entre actuellement est essentiellement financière. Cela ne va pas forcément toucher le domaine de la production. Peut-être que des pays du Tiers-monde pourront s’en sortir, pour peut qu’on leur ouvre nos frontières. Voyez ce qui se passe en Inde où les ingénieurs sont allègrement utilisés par l’Allemagne. Je suis d’ailleurs assez contre ces pratiques. On sait pertinemment que l’on aura besoin en France de 30.000 à 60.000 ingénieurs de haut niveau en informatique. On en forme peut-être seulement un tiers à l’heure actuelle. Plutôt que d’aller dépouiller des pays du tiers-monde de leur intelligence... Qu’on en forme ! Il y a plein de jeunes qui ne savent pas quoi foutre. On a des boulots d’avenir à leur proposer mais pas les formations adéquates ! Eh bien qu’on mette ces formations en place ! C’est ce raisonnement que l’on a avec l’école de l’internet de Bourges. Si l’Université d’Orléans nous fout des bâtons dans les roues parce qu’elle estime que le site universitaire de Bourges c’est l’IUT et pas Lahitolle, c’est que c’est des balles, quoi ! Ils sont sur leur quant à soit, leurs petits machins... C’est l’horreur ! Heureusement qu’il y en a qui sont moins cons que d’autres ! Pour en avoir parlé avec les gens de l’opposition actuelle, notamment Yann Galut (PS) qui connaît ça par coeur, on sait qu’il faut vraiment se battre ! Pour une ville comme Bourges, c’est important, en particulier dans le cadre du télétravail. On n’est pas là que pour bosser et Bourges offre un cadre de vie agréable que l’on ne retrouve pas à Paris, je parle en connaissance ! Malheureusement, ce n’est pas la priorité du gouvernement à l’heure actuelle. Et c’est normal, avec tout ce qui se passe. Mais si on veut enrayer la crise de l’internet et des télécoms en France, il va bien falloir une action publique importante. Cela se fera peut-être dans le cadre de la régionalisation. Si on a la possibilité de gérer le FEDER comme il en est question avec la loi sur la décentralisation, on va quand même avoir des budgets suffisamment conséquents pour insuffler de l’activité et porter des projets. Je suis un régionaliste et un décentralisateur forcené : normal, je suis un libéral ! Ce que l’Etat ne donnera plus - et ce n’est pas plus mal - on pourra le retrouver sur la région qui sera beaucoup plus apte à bien gérer les choses - même si elle ne fait que des conneries en ce moment - et aider au développement de l’internet et du réseau.

Bon, euh... l’interview est terminée. Merci !
Ça y est ? Vous avez tout ? Bon, j’espère que vous n’allez pas me tailler un costard comme d’habitude hein !?? (rires)

1ère partie : "l’internet n’est pas un gadget !"

2ème partie : vers une élite européenne de la sécurité internet...

3ème partie : action publique contre la crise de l’internet

commentaires
> Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir une - Bernard Javerliat - 1er novembre 2002 à 11:52

Je tiens à préciser, comme cet article le laisse croire, que Bourges.net ne VEND PAS sa base de données d’email.

Par contre il nous arrive de VENDRE L’ENVOI d’un message aux internautes inscrits, ET par nos soins, pour le compte d’un tiers. C’est CELA qu’Aurélien Sallé a refusé.

Par contre, il est manifestement évident que certaines adresses email de la news-letter de la ville de Bourges ont été pompées sur Bourges.net durant la dernière campagne des municipales. Les militants ont du coeur à l’ouvrage et... du temps ;-)

Bernard Javerliat


Voir en ligne : Bourges.net
#493
> > Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir un - 1er avril 2003 à  10:18

Pour m’être occupé de gestion de la mailing liste lor des dernieres elections municipales, en aucun cas bourges.net n’a été une source, les 1100 inscrits se sont inscrits de plein gré !

#914 | Répond au message #493
> > > Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir - 1er avril 2003 à  11:50

Bon, on va dire 1098 alors, car je connais au moins deux personnes qui n’avaient rien demandé !

Bon, l’éthiqu et l’honnêteté vont théoriquement de pair... ;-))

#916 | Répond au message #914
> Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir une - Patrick - 21 octobre 2002 à 15:59

Oui, oui, vive internet et tout et tout. Allo internet j’ai besoin d’un plombier : Vous attendrez 3 ans il n’est pas encore formé.
Les nouvelles technologies créent des besoins que je trouve très superficiel, alors que les besoins réels ne sont pas encore rendus. Peut-être je suis vieux con mais une encyclopédie en ligne d’accord, le flipper en ligne fait chier... En plus cela rejoint bien mes derniers propos à ce sujet, il y a un pauvre gars qui travaille tout seul pour le site, et puis peut-être un deuxième, alors qu’il faudrait être 10...

Bon, c’est difficile de discuter en écrivant. Bonsoir !


#412
> > Aurélien Sallé (3ème partie) : "il va falloir un - 22 octobre 2002 à  20:13

sur amstrad, il y avait un jeu de flipper qui s’appelait "Macadam Bumper" qui était excéllent !

#416 | Répond au message #412
> > > Aurélien Sallé (3ème partie) : \"il va falloir - Patrick - 23 octobre 2002 à  08:33

Tu as certainement raison, par moment je me prends vraiment au sérieux !

#420 | Répond au message #416