Hold-up municipal et Étatique à la MCB ?

dimanche 28 septembre 2008 à 19:22, par Charles-Henry Sadien

C’est en marche : par la simple volonté municipale, la vénérable Maison de la Culture de Bourges qui fonctionne actuellement sous le régime juridique d’une association de type "loi de 1901", devrait changer de statut pour devenir un Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC). C’est une véritable révolution culturelle qui s’annonce. Et une page qui se tourne : celle de l’esprit de Malraux qui voulait faire de la MCB une maison ouverte, dotée d’un fonctionnement démocratique. Place désormais à une vision beaucoup plus étatique de la culture où le Préfet et le maire pourront imposer leurs choix culturels à tous les berruyers.

Hold-up municipal et Étatique à la MCB ?

Au cours de la campagne électorale pour les municipales, Serge Lepeltier, candidat à sa propre succession s’était montré étonnement critique à l’égard de la Maison de la Culture de Bourges. « La Maison de la Culture concerne une population qui n’est pas particulièrement socialement défavorisée (...) c’est de l’anti-distribution sociale (...) Il est quand même normal que sur le plan culturel, on puisse aussi dépenser de l’argent qui va concerner l’ensemble de la population. (...) Que défendent les bons conservateurs de gauche ? Des institutions conservatrices qui ne sont pas des institutions de redistribution sociale. (...) Il suffit de regarder la composition de la salle : ce ne sont quand même pas les quartiers nord qui sont là. (...) On a aujourd’hui une population qui se considère psychologiquement comme une population plutôt progressiste, mais qui est on ne peut plus conservatrice et qui est figée sur des choses qui datent d’il y a quarante ans ! ». Voilà ce qu’il avait notamment déclaré dans l’Agitateur.

Après le “diagnostic” souverain, voici donc venir la solution destinée peut-être à « défendre une forme de culture qui est le Printemps de Bourges qui va beaucoup plus loin dans l’irrigation de la population », selon les propos tenus par le maire de Bourges juste avant sa réélection. Et cette solution se nomme : « Etablissement Public de Coopération Culturelle ».

Etablissement Public de Coopération Culturelle

Un Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) est un « établissement public constitué par une collectivité territoriale ou un Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour gérer un service public culturel ». (source Wikipédia). Les EPCC ont été créés par la loi du 4 janvier 2002.

Il existe deux formes d’EPCC qui influent sur son mode de fonctionnement : administratif (EPA) ou industriel et commercial (EPIC). Le choix s’effectue en fonction de l’objet de l’activité et de son mode de gestion. Une circulaire datant d’avril 2003 précise que les théâtres et autres lieux de spectacles vivants, peuvent être qualifiés d’EPIC tandis que les établissements d’enseignement et à mission patrimoniale ont davantage vocation à être des EPA.

C’est le préfet qui est compétent pour créer, par arrêté, un EPCC, sur présentation de statuts approuvés par l’ensemble des personnes publiques participant à sa création. Le Conseil d’Administration doit être composé en majorité des représentants des personnes publiques fondatrices de la structure, de représentants de l’Etat, de "personnalités qualifiées désignées par les personnes publiques fondatrices" et de représentants du personnel. Le maire de la commune où siège l’établissement peut être membre du CA mais uniquement s’il en effectue la demande.

Le directeur de l’EPCC est nommé par le Conseil d’Administration. Dans le cadre d’un EPIC, le directeur peut procéder au recrutement du personnel alors que dans le cadre d’un EPA, il ne peut formuler qu’un avis consultatif. Le directeur dispose assez classiquement de la responsabilité de l’élaboration d’une programmation et d’un projet d’établissement, de l’ordonnance des recettes et dépenses...

Le personnel d’un EPCC lorsqu’il fonctionne sous la forme d’un EPA est soumis au droit de la fonction publique territoriale, tandis qu’il est relève du droit privé dans le cadre d’un EPIC, à l’exception du directeur (qui peut bénéficier d’un statut contractuel de droit public) et du comptable qui est un comptable direct du Trésor ou un agent comptable

Dans le cas du passage d’une association à un EPCC, le transfert du personnel s’impose pour les agents contractuels de droit public. Pour les personnes de droit privé, il n’est effectif qu’à leur demande expresse. Cependant, des dispositions particulières existent selon que l’établissement est un EPIC ou un EPA et selon que les contrats sont des CDD ou des CDI.

Recul démocratique et récupération ?

A l’origine, la loi créant les EPCC visait a lutter contre le détournement de l’esprit de la loi de 1901, en particulier par les collectivités locales responsables de la création de nombreuses pseudo-associations para-municipales leur permettant d’échapper aux contraintes de comptabilité publique, particulièrement dans le secteur culturel.

Centre Culturel de rencontre de Noirlac
Dossier de presse d’information sur le Centre Culturel de Rencontre de Noirlac, constitué en EPCC.

C’est ainsi que le Centre Culturel de Rencontre de Noirlac a été créé par le Conseil Général du Cher, sous la forme d’un EPCC afin de permettre une certaine souplesse de fonctionnement sans déroger aux règles de rigueur de la gestion du service public.

Or, comble de l’ironie, la loi du 4 janvier 2002 est parfois elle-même détournée de l’intention du législateur puisqu’elle permet à des collectivités territoriales de s’emparer de vraies associations fonctionnant dans l’esprit de la loi de 1901, d’en prendre le contrôle pour en imposer leurs choix.

C’est par exemple le cas du Centre Régional Breton du Livre qui s’est battu en 2007 contre la volonté du Conseil Régional de Bretagne de transformer cette association en EPCC.
« Étrangler les centres régionaux du livre et les authentiques associations qui jouent un rôle de fond dans le domaine de la vie culturelle régionale, c’est mettre la main sur notre patrimoine par un détournement de la loi de 2002 de sa vocation réelle. Cette mauvaise action des administrations et des élus politiques qui se prêtent à une telle manœuvre contre la démocratie participative, quoiqu’ils puissent prétendre, n’est autre qu’une attaque contre la vie associative », écrivait un collectif de défense.

La création d’EPCC a pour effet de donner aux artistes et aux authentiques acteurs culturels un rôle subalterne pour offrir les pleins pouvoirs à des fonctionnaires de la DRAC, des élus et des personnes cooptées qui ont avant tout une approche administrative et comptable de la culture qu’ils utilisent généralement comme un instrument de communication politique.

La transformation de l’association de la Maison de la Culture en EPCC fera-t-elle autant de vagues ? Et puis, l’association de la MCB entrait-elle plutôt dans le cadre d’une "vraie" association respectant l’esprit de la loi de 1901 ? Au regard de la liste des membres du Conseil d’Administration, comportant essentiellement des élus et des fonctionnaires de la culture mais très peu de vrais acteurs culturels de la ville, il est possible d’en douter. Néanmoins, cette association au fonctionnement démocratique parfois discutable n’en compte pas moins de nombreux adhérents qui assistent aux assemblées générales, élisent les membres du conseil d’administration et le bureau.

En remplaçant l’association par un EPCC, le maire de Bourges, Serge Lepeltier souhaite sans doute mettre fin à l’hypocrisie d’une structure dont le fonctionnement démocratique n’était qu’une façade. Mais au lieu d’imaginer un système qui aurait permis à la MCB d’être plus démocratique et plus ouverte, il a au contraire décidé de s’emparer littéralement de la structure et de la confisquer définitivement aux citoyens berruyers et aux acteurs culturels locaux. Selon nos informations, le Conseil Général du Cher, partenaire majeur de la MCB, a même été mis totalement à l’écart de cette décision de création d’un EPCC qui est véritablement un choix imposé à l’association de la MCB par la seule volonté souveraine du Maire de Bourges. Certains adjoints - et pas des moindres - y seraient opposés.

Méfiance à l’égard des associations

Le Centre Régional Breton du Livre dénonçait dans sa transformation forcée en EPCC, la méfiance et la crainte à l’égard du monde associatif. Il y percevait aussi une forme d’archaïsme et une vision étatique de la culture ainsi qu’une « méconnaissance des réalités de la société d’aujourd’hui qui va à l’inverse de l’évolution de la plupart des autres pays d’Europe ».

Le maire de Bourges risque de prêter très facilement le flanc à ce type de critiques. Depuis plusieurs années, le secteur associatif berruyer a été volontairement fragilisé et conditionné dans une dépendance malsaine à l’égard de la municipalité. Par ailleurs, la ville de Bourges n’en est pas à sa première récupération et appropriation d’événements associatifs locaux. On peut citer par exemple la fameuse Foire d’Art Contemporain qui a été outrageusement municipalisée. La volonté de confier le Marché de Noël à une société privée pour un coût exorbitant (qui devrait être d’ailleurs en nette augmentation pour 2008-2009...) plutôt qu’à un collectif d’associations qui organisaient un événement semblable rue Bourbounoux (avec une subvention municipale d’un montant dérisoire...), peut également être interprétée comme un signe de méfiance, voire de défiance à l’égard du monde associatif. S’ajoute à cela les déclarations sans doute un peu déplacées et indécentes d’adjoints affirmant vouloir « mettre fin à l’artisanat associatif » et le peu de publicité faite à une “Fête des Associations” agonisante cette année (où le maire a fait une visite éclair).

Les moyens considérables mis au services d’événements purement municipaux (Festival "Un Eté à Bourges", Festival du film écologique etc...) sont encore un signe que la municipalité entend se positionner en organisateur de spectacle en se substituant aux associations et en écrasant toute initiative personnelle ou citoyenne. En tout cas, cette transformation de l’association de la MCB en EPCC est en contradiction évidente avec les déclarations de campagne de Serge Lepeltier qui affirmait vouloir associer les berruyers à la vie locale, s’appropriant même les idées et méthodes participatives de Ségolène Royal !

Il faudra pourtant bien rendre un jour Bourges aux berruyers...