Ces communistes qui ont dit non
Remous au PCF : la fédération du Cher, après moult tergiversations, a finalement décidé de rallier le Front de gauche pour les prochaines élections régionales. Nous avons interrogé un communiste « contestataire » pour savoir ce qui s’était au juste passé ces dernières semaines. C’est parce qu’ils voulaient donner la priorité au contenu politique du programme de leur liste, et non sauver quelques places à tout prix, que ces communistes ont renâclé et monté une liste Front de Gauche — face à la proposition initiale de la direction de leur fédération de s’allier avec un PS tenté par les sirènes du MoDem.
Au final, le divorce PS/PCF consommé, au 1er tour le PC partira uni à la bataille des régionales 2010 dans une liste Front de Gauche. Mais les tractations vont toujours bon train avec les autres partenaires. Le NPA en particulier reste à convaincre.
Agitateur : — En novembre 2009 les militants communistes de la Région Centre ont décidé à 62% de partir à la bataille au premier tour sous des listes Front de Gauche. Seuls les militants du Cher ont majoritairement voté pour une liste commune PC-PS. Comment expliquez-vous cette singularité ?
Jean-Jacques Coulon : — Ca s’explique par le poids du PC dans le Cher et donc le poids de ses élus. On ne réagit pas de la même manière dans un département où il y en a quatre ou dans un département ou il n’y en a qu’un ou pas du tout. Le débat dans la fédération du Cher n’a pas posé les enjeux. Il a porté essentiellement sur la ré-élection des élus, et non pas sur la nécessité de construire sur la durée un rassemblement pour une alternative à la société dans laquelle on vit, c’est à dire au capitalisme. Les militants communistes du Cher étaient donc amenés à se prononcer sur les moyens du maintien des élus, et non pas sur un projet de rassemblement au sein du Front de Gauche.
Agitateur : — Début décembre, la Fédération du Cher du Parti Communiste déclare vouloir faire liste commune avec le Parti Socialiste dans le département dès le 1er tour. Pourquoi le Cher se désolidarise-t-il de la Région ?
Jean-Jacques Coulon : — Parce qu’aux yeux des responsables de la Fédération du Cher, c’était le meilleur moyen de conserver ses élus. Ce qui peut se concevoir si on considère que les élus sont un moyen efficace de porter les revendications et d’être force de proposition. C’était donc une décision essentiellement stratégique.
Agitateur : — Après la décision des instances dirigeantes du département, vous vous désolidarisez et vous décidez de monter une liste de gauche Front de Gauche. Pourquoi ?
Jean-Jacques Coulon : — Parce que cette décision rentrait en contradiction avec les orientations du dernier congrès national et du vote des communistes de la Région Centre. Il nous est apparu anormal de faire revoter les militants du Cher, pour une décision déjà prise par l’ensemble des communistes. La décision de la fédération du Cher nous apparaissait plus comme une démarche électoraliste que politique. Ca n’était donc pas acceptable pour nous.
Agitateur : — Quitte à créer une liste concurrente ?
Jean-Jacques Coulon : — Bien sûr ! S’il n’y a pas de liste Front de Gauche dans le Cher, il n’y aura pas de liste front de gauche dans la Région Centre.
Agitateur : — Pourquoi ?
Jean-Jacques Coulon : — Parce que ce sont des listes régionales avec des sections départementales qui doivent être faites dans tous les départements d’une région. S’il manque un département il est impossible de déposer les listes.
Agitateur : — De qui était composée cette première liste Front de gauche ?
Jean-Jacques Coulon : — Au départ, c’est une initiative du NPA, du PCOF, du M’PEP et du Parti de Gauche, qui avaient créé un rassemblement pour une alternative au capitalisme. Nous (les communistes partisans du Front de gauche, NDLR) nous sommes en quelque sorte raccrochés à ce rassemblement. Cette démarche de rapprochement de notre part est partie d’une réunion de comité des sections de Bourges et de Vierzon, où nous avons pu constater qu’un certain nombre d’entre nous n’était pas d’accord avec la démarche de la fédération. Après discussion, une trentaine de militants du Cher ont décidé de rejoindre ce rassemblement. C’est un mouvement spontané qui prouve bien qu’il y avait un vrai malaise dans le Parti. La création du Front de Gauche dans le cher devenait possible.
Agitateur : — Quelle a été la réaction des instances dirigeantes du département ?
Jean-Jacques Coulon : — Il n’y a pas eu d’agressivité. Je suis allé à un comité départemental pour expliquer qu’il y aurait une liste Front de Gauche, qu’il y aurait des communistes sur cette liste. Personne n’a fait de remarque sur le fait que des communistes puissent aller sur une liste Front de gauche. Ca s’est passé de manière harmonieuse entre guillemets.
Agitateur : — Harmonieuse entre guillemets ?
Jean-Jacques Coulon :— Notre décision a un peu étonné, peut-être même stupéfait certains participants, mais bien que ça ne soit pas le sujet de cette réunion, il y a eu du respect et j’ai pu expliquer notre décision.
Agitateur : — A ce moment là, le PC est toujours en discussion avec le PS ?
Jean-Jacques Coulon : — Bien sûr ! J’ai même quitté cette réunion en disant « bonne campagne, et rendez-vous au second tour »
Agitateur : — Fin décembre, revirement de la Fédération du Cher du Parti Communiste qui annonce sa décision de partir sous les couleurs du Front de gauche. Que s’est-il passé ?
Jean-Jacques Coulon : — La demande initiale du PC était d’avoir trois places éligibles sur la liste du Parti Socialiste, bien qu’il y ait quatre sortants. Ensuite, il a été décidé qu’il fallait en demander quatre, compte tenu du fait qu’on avait toujours un député et qu’on avait gagné à Vierzon en 2008. On estimait être en position pour demander plus. Le PS a refusé. Dans le même temps, la Fédération PC du Cher a pris conscience du fait qu’il y avait une liste Front de Gauche avec des communistes dedans, et qu’il y avait donc une autre possibilité pour les militants et les électeurs de voter à gauche. Bien que le PS ait réitéré début janvier son offre de mettre trois élus PC en place éligible sur leur liste, le Parti Communiste a dû se rendre compte que l’aspiration à un rassemblement à gauche de la gauche était vraiment très très fort dans le département. Si on rajoute à cela que le PS n’avait pas définitivement rejeté l’idée d’une alliance avec le MoDem au deuxième tour, le PC du Cher a fini par accepter de rejoindre le Front de Gauche.
Agitateur : — Le retour du PC dans le Front de Gauche a-t-il été accepté facilement par ceux qui composaient le rassemblement initial ?
Jean-Jacques Coulon : — Oui. Tout en restant très vigilants sur le fait que la Fédération PC du Cher respecte à la fois toutes les composantes du rassemblement, ainsi que la démarche entreprise. Ca oui, c’était un souci constant, et c’est toujours un souci constant.
Agitateur : — Ils n’ont donc pas demandé toutes les places éligibles ?
Jean-Jacques Coulon : — Bien sûr que non, ça ne serait pas acceptable, Les discussions sont toujours en cours, et rien n’est encore arrêté à l’heure qu’il est. Mais ça se fera dans le respect de tous.
Agitateur : — Toutes les composantes initiales sont-elles restées ?
Jean-Jacques Coulon : — Toutes, sauf le NPA. Ce qui fait obstacle au NPA, c’est la tête de liste. Le PC propose François Dumon, ça n’est pas un secret, même si c’est une proposition parmi d’autres et que rien n’est arrêté. D’autre part, le NPA ne souhaite pas venir dans le Front de Gauche, mais avec le Front de gauche, ce qui n’est pas la même chose. Mais on travaille pour que le NPA rejoigne le Front de Gauche, on le souhaite.
Agitateur : — Parlons un peu programme. Quelles sont les grandes orientations du programme du Front de Gauche pour la Région Centre ?
Jean-Jacques Coulon : — Il y a deux niveaux. Un, intégrer les régions dans un plan de résistances aux décisions du gouvernement, par exemple la réforme des collectivités ou la réforme de la sécurité sociale, et deux, au niveau de la région, appliquer des décisions concrètes, par exemple, veiller à ce que les subventions publiques aux entreprises soient soumises à contre-partie, n’aider que les entreprises qui respectent à la fois des critères sociaux et des critères environnementaux. On voudrait allers vers la gratuité des transports en commun régionaux (TER) et la gratuité des lycées. Développer aussi l’économie solidaire et sociale.
Nous voulons que les régions ne soient plus des accompagnateurs de la gestion capitaliste, en atténuent simplement ses effets. Il faut vraiment que les régions deviennent des lieux de résistance, qu’elles se mettent en réseau pour être force de proposition alternative. C’est essentiel si on veut montrer qu’une alternative politique est possible, une politique progressiste, c’est à dire anti-capitaliste, il n’y a pas d’états d’âme là-dessus. Mais si ce n’est qu’un mouvement de révolte, ça n’est pas suffisant. Il faut proposer une alternative sociétale. Les élections régionales ne doivent être que ça, une étape d’un processus qui doit continuer au-delà. Sinon, on en reste à un enjeu électoral, et c’est pas de ça dont ont besoin les Français.
Agitateur : — Et au second tour, si vous n’êtes pas majoritaire à gauche, appellerez-vous à voter PS ou vous maintiendrez-vous, si vous êtes en position de le faire ?
Jean-Jacques Coulon : — Pas d’états d’âme. On fera tout pour faire un bon score et fusionner avec les socialistes et les verts au second tour, à condition qu’il soit acté qu’il n’y aura pas d’accord avec le MoDem. Dans le cas contraire, et c’est malheureusement la direction qui semble être prise, on se maintiendra, si on est en position de le faire et si les militants le souhaitent. Ce qui est important c’est de renforcer la gauche à gauche pour être encore plus écoutés dans la Région Centre.
Agitateur : — Nous arrivons au terme de cette interview. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Jean-Jacques Coulon : — Cette élection-là doit au moins nous servir à une chose, c’est d’arriver à obtenir une convergence politique et de propositions pour les prochaines échéances. Cette étape-là est douloureuse, il faut qu’on la règle pour être en ordre de marche la prochaine fois. Il faut cesser de poser les questions dans le mauvais ordre : les places puis le programme. Non, le bon ordre c’est d’abord se mettre d’accord sur le fond et sur la forme, et ensuite, voir qui va porter ce programme. Si ces élections ne devaient servir qu’à ça, ne pas perdre de temps pour la prochaine fois, ça sera déjà bien.