CULTURE EN QUESTIONS

Avaric : souvenirs de ménestrels

Interview de Frank Lopez du groupe Avaric
mardi 2 novembre 2010 à 18:19, par Mercure Galant

Pour la plupart des Berruyers, Avaric, c’est avant tout l’ancien nom de la ville de Bourges. Pour quelques autres, cela évoquera également le nom d’un groupe folk-rock qui connut une petite notoriété dans cette même ville de Bourges entre 1979 et 1983. La parution, trente ans après, d’un superbe livret CD restituant les titres et l’histoire d’Avaric constitue une jolie surprise. Pour cette réalisation, deux des anciens membres du groupe se sont retrouvés afin de se livrer à un véritable travail de mémoire en exploitant les archives de l’époque. Retour sur ce parcours musical avec le chanteur Frank Lopez.

Avaric : souvenirs de ménestrels
illustration du livret anniversaire d’Avaric

L’Agitateur : Ce livret CD commencé en 2009 marque l’anniversaire des trente ans de l’apparition du groupe Avaric en 1979. Qui est à l’origine de ce projet ?

Franck Lopez : C’est Lionel Baillemont qui a impulsé ce projet au départ. Il éprouvait le besoin de revenir sur cette période. Cela n’aurait tenu qu’à moi je ne me serai pas lançé dans cette aventure. Mais maintenant je trouve globalement le résultat très sympathique. C’est comme une espèce d’album-photos souvenirs.

L’Agitateur : Depuis l’expérience d’Avaric, Lionel Baillemont est-il toujours musicien ?

Franck Lopez :Oui, à une époque il avait un label en région parisienne puis il est parti dans les Landes où il vit encore. Il écrit également...

L’Agitateur : La présentation et le contenu du livret sont remarquables. Tout le travail autour des archives du groupe a été mené par lui ?

Franck Lopez : C’est Lionel qui s’est chargé de la mise en page. Le choix des images s’est plus ou moins décidé à deux. Quant aux archives, elles étaient stockées chez lui, chez moi, ou chez d’autres personnes comme Bernard Guihard qui faisait beaucoup de photos à l’époque. Lionel a passé pas mal de temps à scanner des centaines de photos qu’il est allé chercher dans nos albums et chez les gens qui avaient gardé des traces de tout ça.

L’Agitateur : Vous avez essayé de tout synthétiser dans le livret. Avec les photos et les articles de cette période, on trouve aussi toute votre discographie.

Franck Lopez : C’est effectivement une somme sur le groupe. Avec Avaric nous avons joué partout où il était possible de jouer dans Bourges : Vieille ville en fête, Hôtel Lallemand, Palais Jacques Cœur… Nous avions un public qui nous suivait et la presse locale écrivait sur les sorties de nos albums…

L’Agitateur : Les textes sont présents également. Votre répertoire était constitué de textes extraits de la littérature ancienne.

Franck Lopez  : Oui, on n’avait pas choisi la facilité au niveau des paroles ! (rires) On voulait se détacher des textes un peu trop « folkloriques », répertoire épuisé par les groupes folk du moment. Nous avions choisi des textes anciens mais plus « littéraires ». Au début c’était des choses assez communes trouvées dans le Lagarde et Michard. Le premier album d’Avaric a été composé par des camarades de lycée, Eric Milhiet, Patrick Aubailly et moi. Nous prenions des textes étudiés en classe comme par exemple Charles d’Orléans .
Lionel Baillemont et Jean-Marie Noël sont arrivés après. Avec Lionel nous passions beaucoup de temps à la bibliothèque pour essayer de trouver des textes qui n’étaient pas trop courants.

Le groupe Avaric en 1979

L’Agitateur : Quelles étaient vos influences musicales ?

Franck Lopez : Dans les bals folk nous étions baignés par les vieilles chansons traditionnelles. J’ai ainsi commencé une collection d’instruments anciens qui ont servi pour Avaric puis pour d’autres formations par la suite [1] . Dulcimer , psaltérion , mandole, mandoloncelle, cromorne, etc… Le problème quand nous avons fait notre premier album avec Avaric c’est que la vague folk était déjà sur le déclin. [2] Cela avait surtout bien marché entre 1972 et 1980.

L’Agitateur : Pouvez vous nous expliquer comment vous vous êtes retrouvés ensemble autour de ce projet ? La séparation d’Avaric ne s’était pas déroulée très sereinement apparemment, puisque vous étiez parti pour constituer un nouveau groupe [3].

Franck Lopez : Comment résumer ça ? Les gens ont chacun leur caractère... À une période Je me suis senti attiré par d’autres expériences, sans vouloir forcément abandonner le groupe. Lionel a dû prendre ça comme une petite trahison car j’allais faire de la musique ailleurs. Je me sentais capable de mener les deux projets de front mais pour lui ça paraissait impossible. Il m’a donc demandé de choisir… alors j’ai choisi. Nous étions jeunes et nous avions des problèmes d’ego liés à cet âge … après ça passe ! (rires)

L’Agitateur : Lionel Baillemont a néanmoins poursuivi l’aventure du groupe avec un album.

Franck Lopez : On s’est séparés pendant l’enregistrement d’un disque. Lionel a donc demandé à René Serge Sivrey qui était un poète de Bourges de prendre le chant à ma place. Ce fut le dernier album d’Avaric. Lionel a toutefois ressorti des compilations en CDs par la suite... Pendant des années nous ne nous sommes plus vu, ni parlé, jusqu’au jour où il m’a fait parvenir l’un de ses premiers livres. Echange de bon procédé, je lui ai adressé nos disques. Ce furent les premiers pas de nos retrouvailles.

L’Agitateur : L’orchestration de cet album anniversaire est plutôt réussie. Rien à voir avec vos anciens albums ?

Franck Lopez  : Nos moyens techniques étaient alors restreints et les versions étaient plutôt acoustiques. On pourrait rapprocher notre son d’alors de celui des premiers albums de Malicorne, de ceux de Tri Yann ou d’autres groupes de cette mouvance. Bref cela sonnait folk ! Lionel était quant à lui un guitariste plutôt branché « rock progressif ». Des morceaux très longs avec énormément d’accords… Moi j’étais plutôt axé sur la chanson…Le mélange des deux a donné cela.

L’Agitateur : Vous disposiez alors d’un lieu privilégié pour répéter…

Franck Lopez : Jean-Marie Noël qui était notre percussionniste connaissait un garçon en première année aux Beaux Arts, propriétaire à Pigny du Château de Boisbriou où se trouvait une petite chapelle qu’il nous a gentiment prêtée pour nos répétitions. C’est là aussi que nous avons enregistré le premier album car nous pouvions bénéficier de la réverbération naturelle de l’endroit.

L’Agitateur : Les anciens fans apprécient-ils les arrangements d’aujourd’hui ?

Franck Lopez : Et bien ça dépend. Certains trouvent ça un peu trop moderne, pas assez traditionnel… mais nous n’avions pas envie de reprendre le répertoire à l’identique.

L’Agitateur : Vous restez sobre dans votre façon de chanter.

Franck Lopez : J’ai toujours chanté comme ça et ceci est valable dans toutes les formations auxquelles j’ai participées.

L’Agitateur : Pour réaliser ce livret vous avez dû procéder à des choix parmi vos anciennes compositions. Comment vous y êtes-vous pris ?

Franck Lopez : Nous avons fait une liste chacun de notre côté puis nous avons mutualisé. Certains morceaux plaisaient plus à l’un qu’à l’autre et nous avons dû faire quelques concessions mais globalement nous nous sommes retrouvés sur la majorité de ces titres. Lionel a réalisé un medley à partir de tous les morceaux qui étaient un peu dans la même tonalité. Il y a là quelques inédits et un travail de mixage très intéressant. C’est ce que je préfère dans l’album. Globalement Lionel s’est chargé de toutes les bases d’arrangement pour les claviers, guitares électriques et acoustiques , basses, etc… Moi je me suis occupé de certains instruments comme les flûtes ou les guitares acoustiques ainsi que les chants pour lesquels il y a eu beaucoup de travail.

L’Agitateur : Vous avez aussi sollicité un violoncelliste pour vos enregistrements…

Franck Lopez : Il s’agit de Jean-Philippe Martignoni que nous avions rencontré au début des années 80, fils de Robert Martignoni qui était directeur de l’école de musique de Bourges. Il est devenu violoncelliste professionnel et a joué dans différents orchestres, dans le quatuor Parisii et même fait des interventions sur des disques de William Sheller. Lionel l’a recontacté pour l’occasion…

L’Agitateur : Pour cette sortie vous avez réalisé plusieurs vidéos promotionnelles visibles sur internet. Elles sont plutôt réussies bien qu’elles revêtent un côté un peu « années 70 » dans les effets… [4]

Franck Lopez : Oui, Lionel est resté très « années 70 » ! (rires). Là encore il s’est amusé car il aime bien toucher à tout… Il est à la base de tout cet aspect technique et logistique, moi je me suis plutôt cantonné à la partie artistique…

Lionel Baillemont et Franck Lopez en 2009

L’Agitateur : Avec ce projet vous avez souhaité laisser une trace. Vous vous êtes fait plaisir car c’est un tirage à seulement 300 exemplaires ! Comment les gens qui vous avaient suivi avec Avaric réagissent-ils à l’annonce de cette parution ?

Franck Lopez : C’est effectivement un tirage très limité. [5] En général les gens sont plutôt surpris par l’objet. Pendant très longtemps je n’aurais jamais osé ressortir ces photos. Il y a une distanciation maintenant. Le livret est là pour apporter quelques réponses à ceux qui ont suivi le groupe à l’époque. C’est seulement quatre ans de ma vie mais Avaric est quand même le groupe avec lequel j’ai fait mon premier disque et c’est aussi cette expérience musicale qui m’a donné l’impulsion pour la suite.

En complément, une auto-interview d’Avaric en deux parties, accessible en ligne.

Première partie

Deuxième partie

[1Il s’agit notamment des groupes Opera Multi Steel et O Quam Tristis. Voir à ce sujet nos articles précédents ici ou

[2Patrick Aubailly et Eric Milhiet quittèrent le groupe après la sortie de ce premier disque.

[4Trois titres du CD ont fait l’objet de vidéos accessibles en ligne :
En regardant vers le pays de France, Anne d’Alençon et Belle qui tient ma vie

[5 Avaric : Digipack spécial 30ème anniversaire , en vente par correspondance aux éditions Carnets de notes. Sur Bourges le livret CD est uniquement disponible à l’enseigne Cultura.


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commentaires
Avaric : souvenirs de ménestrels - Pascal Goudy - 5 novembre 2010 à 06:58

Comme tu dis souvenirs, souvenirs...


Avaric : souvenirs de ménestrels - Mercure Galant - 5 novembre 2010 à  07:25

Comme tu dis souvenirs, souvenirs...

Bonjour,
Je profite de votre message pour rappeler que si cet article a fait resurgir quelques souvenirs ou anecdotes relatives à des concerts d’Avaric, nos lecteurs sont bien évidemment invités à les partager sur ce forum. Il sert à ça aussi ! ;-)
Bien cordialement

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