Rien changer pour que tout change

lundi 7 avril 2014 à 08:48, par bombix

« Tout changer pour que rien ne change. » On connait la célèbre maxime de Tancrède dans Le Guépard [1]. Hollande vient d’inventer son inverse : « Rien changer pour que tout change. » En nommant un gouvernement identique, ou presque, au précédent, le Président de la République dit clairement qu’il veut poursuivre la politique qu’il a engagée depuis son arrivée à l’Elysée. Et qu’importe la sanction des urnes. Nous vivons en régime monarchique, le bon vouloir du Roi prime. Hollande a d’ailleurs pris soin de museler la gauche du PS en nommant Hamon et Montebourg à des postes clés. C’est donc ça, la fameuse synthèse « hollandienne » : s’appuyer sur les ambitions personnelles des ténors pour mettre en veilleuse les idées. Le cas Walls est à cet égard intéressant. A peine installé, il a fait allégeance à sa Majesté. Sa feuille de route est pourtant paradoxale et impossible à tenir : réduire les déficits, mais relancer l’économie en préservant la justice sociale. Distribuer de l’argent, mais en faire rentrer. En même temps. Donner à tous, aux patrons mais aux salariés aussi. Et surtout : maintenir notre modèle social, mais le réformer en profondeur, afin que la France s’aligne enfin sur un modèle libéral pur, façon Blair, le modèle on le sait du nouveau premier ministre. Pascal Lamy donne le ton : il faut faire sauter le verrou du SMIC pour relancer la machine. Nous avions des chômeurs faméliques. Nous aurons bientôt des travailleurs miséreux [2] . Vive le progrès ! Tout cela ne peut mener qu’à la catastrophe, non seulement du PS, mais du pays.
Devant un tel bilan et de telles perspectives, on ne doit pas attendre de sursaut des élus PS ligotés. Du côté du Front de gauche, il n’y a pas grand chose à espérer non plus. Pour le PCF, un bref moment revigoré par le score de Mélenchon à la présidentielle, il est également urgent de ne rien changer pour que tout change. Son obsession : maintenir ses élus ! Cette idée fixe a fait vaciller l’unité d’un rassemblement hétéroclite. Car comment se poser en critique radical d’une politique au niveau national, tout en contractant des alliances avec ceux qui la mènent au niveau local ? Et pour quel résultat ? Le PCF continue de perdre des villes et des élus. Si ce n’est pas encore Waterloo, c’est quand même la Bérézina. Quant à l’extrême gauche, elle est désormais aux abonnés absents. Le NPA a disparu des écrans radars. LO ne se remet pas d’avoir perdu Arlette Laguiller qui malgré des résultats électoraux modestes permettait de faire entendre une autre voix dans l’espace public.

Le nouveau conseil municipal élu à Bourges reflète à sa manière cette situation. Colette Cordat (LO), la seule voix d’opposition, n’y siègera plus. Les communistes, à peine le résultat connu, s’exonèrent de toute responsabilité dans la défaite et désignent leur ancienne alliée comme la cause unique de la déroute. C’est un remake de 2008. Ici encore, on semble croire qu’il ne faut surtout rien changer pour que tout change. Quant à Irène Félix, en centrant dimanche son intervention sur le contexte national, et en semblant maintenir sa volonté de diriger l’opposition à Bourges, elle non plus ne semble pas disposée à changer quoi que ce soit. Elle devrait pourtant savoir que le potentiel de voix existe à Bourges pour virer la fine équipe qui la dirige. Alors quoi ? L’opposition berruyère a, on ne peut plus le nier, un problème de leader.
En l’absence d’une prise de conscience de cette situation, Bourges, la belle endormie, pourrait sombrer dans un coma profond. Et ce n’est pas Pascal Blanc qui va la réveiller. Il ne veut surtout rien changer ! Et sa maxime serait plutôt « Rien changer pour que rien ne change ». Où l’on voit que c’est quand même un original le Pascal ! Et pourquoi changerait-il après tout, puisqu’en dépit d’échecs cuisants et de projets menés de façon désastreuse, les électeurs lui renouvellent leur confiance ? Un internaute malicieux demande s’il faudra qu’il abatte par mégarde la cathédrale de Bourges pour que les berruyers remarquent son incompétence !

Mais cette prise de conscience, comme celle de l’impéritie de François Hollande, risque d’arriver bien tard.

[1La citation exacte est : « Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi ! »

[2C’est la crise pour tout le monde : l’ancien directeur de l’OMC s’est vu refusé une augmentation de 32 % en 2009. C’est vrai qu’avec un salaire maintenu à 480 000 francs suisses annuel (316 000 euros) auquel s’ajoute une cotisation de 15 % du montant de son salaire pour sa retraite, Monsieur Lamy sait ce que faire des sacrifices veut dire ... et peut donc demander aux smicards d’en faire ! Source : Le Monde


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commentaires
Rien changer pour que tout change - Luchino V. - 8 avril 2014 à 20:12

Si ma mémoire est bonne, dans le Guépard, c’est le prince Salina qui prononce cette phrase culte.
En fait, c’est la définition même du mot révolution : après un cycle, les choses reviennent à la même position.
Ces élections municipales ont donc été une révolution complète pour Irène : elle est revenue à sa place intiale.


Rien changer pour que tout change - epujsv - 7 avril 2014 à 20:10

Le PCF est à l’initiative de l’appel à une marche contre l’austérité le 12 avril à Paris "Maintenant ça suffit". Le Front de Gauche a suivi ainsi que le NPA. Puis différentes organisations. Par contre, au niveau de la CGT, il semble qu’il y ait un problème
Pourquoi une marche et pas une manifestation ? Pour boiter ?


Rien changer pour que tout change - epujsv - 8 avril 2014 à  20:27

OK. C’est en fait une marche pour les Européennes.
Au FDG ils se sont mis d’accord aujourd’hui :
Européennes : le Front de gauche peut enfin se lancer en campagne.
NPA et FDG ensemble pour les européennes ?
Européennes 2014 : Mélenchon et Besancenot unis dans un front commun de l’extrême gauche ?

Répondre à ce message #39661 | Répond au message #39658
Rien changer pour que tout change - epujsv - 14 avril 2014 à  13:15

25000 selon la police. 50 à 100000 selon les organisateurs.
"Cette manifestation est aussi l’occasion pour le Front de gauche de se lancer bruyamment dans la course aux européennes. A l’avant du cortège, les têtes de liste sont présentes. « Bien sûr qu’on souhaite que ce mouvement se traduise dans les urnes le 25 mai », admet Pierre Laurent. Mais si le NPA marche aujourd’hui aux côtés du Front de gauche, il fera campagne seul. « Les élections européennes, ce sera dur pour nous, admet Philippe Poutou. On ne s’entend pas avec le Front de Gauche. On sera marginalisé et on fera un petit score mais on sera là. » Du côté du Front de gauche, on rêve d’un score à deux chiffres et de doubler le nombre de députés européens de la gauche européenne. "

Il y a des chances pour leur "rêve" soit déçu.

Répondre à ce message #39689 | Répond au message #39661
Rien changer pour que tout change - epujsv - 12 avril 2014 à  12:48

Sur la marche du 12 avril contre le pacte de responsabilité il existe un site : 12 avril 2014

Répondre à ce message #39678 | Répond au message #39658
Rien changer pour que tout change - epujsv - 12 avril 2014 à  12:58

Puis un autre : démosphère

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