Les caricatures du prophète et l’omelette au lard

samedi 7 février 2015 à 07:00, par bombix

Un des motifs du grand désarroi qui a frappé la société française, après les attentats de Paris au mois de janvier 2015, tient dans un sentiment d’impuissance face au fanatisme criminel, accompagné de la crainte qu’un tel fanatisme ne produit pas que du dégoût et un sentiment d’horreur dans la population, mais aussi une forme de fascination dans certaines têtes faibles. La réponse — nécessaire — de la mobilisation de masse pour défendre nos valeurs comme les tentatives — louables mais un peu ridicules — de passer à la contre-offensive par des entreprises de dé-radicalisation sembleront toujours insuffisantes. Quel discours tenir aux violents qui ne soit pas peine perdue ? Dans la fable, le loup aussi raisonne avec l’agneau. Aux meilleurs arguments, on peut toujours trouver des contre arguments ; c’est un jeu, que le loup rompt quand il lui plaît, pour finalement dévorer sa victime, « sans autre forme de procès ».

Peut-être la meilleure réponse, après le rappel à la loi et la détermination inflexible de la faire appliquer, tient-elle dans le simple mépris. Quel intérêt de renchérir dans l’escalade et de répondre en miroir aux provocations ? Face à un adversaire sot, on est en grand danger de devenir un crétin. Etre libre, c’est peut-être être libre d’offenser les croyances des autres, mais c’est aussi être libre de ne pas le faire quand on sait que cela ne servira à rien, ni à personne. À cet égard, on pourrait s’inspirer de la sagesse de ce gentilhomme libertin du XVIIème siècle qui préféra sacrifier son omelette au lard. Voici l’histoire : elle se passe dans une auberge un Vendredi saint. La vieille aubergiste, à qui le chevalier a commandé une omelette au lard, renâcle. Elle lui objecte que c’est le jour anniversaire de la mort de Notre Seigneur, et qu’il est sacrilège de faire gras. Le libertin insiste. Elle s’exécute en maugréant et en marmonnant des prières épouvantées. À cet instant, la foudre tombe tout près et la vieille redouble ses signes de croix. Alors le gentilhomme se lève, ouvre la fenêtre et jette l’omelette dehors. « Que de bruit, s’exclame-t-il, pour une omelette au lard ! »

Laissons l’omelette, le lard, et les caricatures du prophète à Dieu et aux croyants fanatisés et manipulés. Et nous, gardons la meilleure part ; celle qui fait de nous des êtres humains : notre raison, et notre dignité.


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