Arte, Tsipras et la tragédie grecque
Arte diffusera le mardi 21 juillet à 22h20 un documentaire sur Alexis Tsipras dans le cadre de ce qu’on sait tous [1] des derniers actes de la tragédie grecque.
Sur son site internet TV Arte annonce la déprogrammation d’un documentaire sur le Brésil en raison de l’actualité grecque. Un documentaire présenté comme un profil inédit d’Alexis Tsipras le remplacera. Pour avoir plus de précisions sur le documentaire en question, il faut ouvrir le communiqué qui est en lien sur le programme. Ca frise le sensationnel, l’urgence.
Roulement de tambours, suspens, perles de sueur, ouvrons le communiqué : il nous y est donc expliqué qu’il s’agit de "L’espoir selon Alexis Tsipras" réalisé en 2014 par Alexandre Papanicolaou et Emilie Yannoukou et qu’il fait 55 mn. Sa description : "ce documentaire revient sur l’irrésistible ascension de Syriza, prémices de sa victoire électorale en janvier dernier. Nous suivons depuis les coulisses Alexis Tsipras son président et son entourage - de la campagne de juin 2012 à la lutte pour les élections européennes en 2014, jusqu’à sa nomination en tant que premier ministre en janvier 2015. Un portrait sans concessions, dans lequel Tsipras livre sa vision - et ses espoirs - sur l’avenir de son pays et sa place dans l’Europe. "
Arte confirme ainsi qu’elle est bien la chaîne citoyenne qui décape, qui révèle "sans concessions". Wéch. Il va s’en prendre plein la tête Alexis. Promis. Et puis, il a l’habitude dans les média ; mais c’est selon : un inconscient, une catastrophe quand il refuse le remboursement de la dette et les injonctions prédatrices de la Troîka (ex) / un responsable exemplaire quand il obtempère. Alexis Tsipras est une espèce d’homme à géométrie variable dans le monde de l’information. Objet de rejet puis d’accolades. Et son inverse.
Ce qui est somme toute curieux, c’est que ce documentaire est présenté d’une toute autre façon sur un autre site : Persona Production qui est le site de la production française de ce film (co-produit avec Elibo, Grèce).
D’une part, le titre original c’est : "Espoir sur le fil". D’autre part, il fait 73 mn et non 55. Et le résumé n’indique pas les mêmes temporalités politiques ni même les contenus en dehors de la personnalité politique exposée : " Espoir sur le fil suit au jour le jour le Président de Syriza, Alexis Tsipras, une année durant, en commençant pas sa seconde campagne décisive pour les élections de juin 2012 jusqu’à la fermeture de la radiotélévision publique grecque ERT en juin 2013. Le film met en lumière la personnalité d’Alexis Tsipras, détaillant ses opinions politiques et ambitions. En parallèle se déroulent différentes scènes du parti. D’étage en étage, militants ainsi que des membres haut placés, se battent pour la campagne ou sinon débattent des stratégies à adopter, témoignant des décisions prises concernant le pays et sa place en Europe. De la personnalité politique en première ligne, Alexis Tsipras, jusqu’au bureau des affaires politiques du parti, les lignes politiques évoluent et se construisent, un futur alternatif pour la nation est timidement imaginé. Et, au sein de toute cette tourmente politique, les citoyens cherchent en urgence des réponses à leurs questions fondamentales et dramatiques. La Grèce est en sursis, sa place en Europe ne tient qu’à un fil, tout comme l’espoir de ses citoyens."
C’est à se demander s’il s’agit bien du même documentaire. Et question : quelles sont donc les 18mn qui auront manifestement été coupées dans le documentaire que diffusera Arte dans le contexte de ces derniers jours ? Ce qui passera sur Arte va jusqu’à sa nomination alors que le documentaire initial va jusqu’à la fermeture de ERT. Deux années de différence entre les 2 versions. La seconde est plus courte alors qu’elle couvre plus de temps. Serait-il hâtif d’en conclure que la deuxième livraison du documentaire est un remaniement de circonstances pour influencer notre lecture -présumée maléable- de l’épopée ? Quant à connaître l’origine de la demande de modifications, c’est une autre histoire. Quoiqu’il en soit, la formule d’Arte dans son esquisse efface les citoyens grecs. Un engagement de la chaîne européenne dans le dégagement ? Un débat suivra le documentaire avec notamment le correspondant à Berlin de la télévision ERT. Bigre, voilà qui pimentera certainement la controverse.
À préciser que le documentaire original faisait l’objet d’une communication le 9 mars 2014 sur Syriza-fr-Paris.org.http://syriza-fr.org/2014/03/09/esp.... Et que le 20 janvier 2015, Mediapart permettait de le visionner jusqu’avant les résultats des élections. Il est également passé dans quelques petites salles de cinéma.
Étonnante démarche d’Arte que de passer un film tronqué et titré autrement. Chaîne de qualité au demeurant, il y a de quoi s’interroger sur le dessous des cartes de ce procédé journalistique qui ne peut qu’ajouter de la confusion à la confusion. D’Arte, on attendrait au contraire qu’elle évite de sombrer dans cette misère.