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L’empire de Daniel Colling

lundi 20 septembre 2004 à 00:00, par Charles-Henry Sadien

Chevalier de la Légion d’Honneur, Président du Centre National de la Chanson des Variétés et du jazz, Directeur du Printemps de Bourges et du Réseau Printemps, Directeur du Zénith à Paris... Daniel Colling multiplie les casquettes et les comptes en banques. A Bourges, ville sur laquelle il s’est largement appuyé, il est aujourd’hui à la tête d’un véritable empire menaçant le pluralisme culturel local.

Sur le site internet de « Bourges en Scène », pas de fioritures. Dès la page d’accueil, le consommateur est informé des lieux de location de places pour les spectacles organisés par la structure « culturelle » berruyère. Au programme pour cette année, des « stars de demain », (Jenifer, Corneille, Calogero), des « valeurs sûrs » en quête d’un nouveau souffle - comme cela se dit pudiquement (Jacques Higelin, Michel Sardou), et un spectacle grand public avec les Moines Shaolin. Après Annie Cordy, et quelques autres durant la saison écoulée, les berruyers éviteront finalement le chanteur Carlos, le pitre sympathique Corbier et quelques autres animaux du petit écran. Une programmation qui prêterait à sourire si elle n’était pas l’oeuvre d’une pointure du milieu culturel français, à savoir, Daniel Colling, directeur du Printemps de Bourges et défenseur de toujours du « spectacle de qualité ». En 2002, Tina Poulizac, la voix de son maître, affirmait ne pas vouloir tomber dans la facilité : « J’ai dit non à ’’Star Academy’’ », déclarait-elle courageusement au très conservateur et populiste magazine Le Point.

« Bourges en Scène » ne représente finalement qu’un petit morceau de l’empire de Daniel Colling à Bourges. Le voici aujourd’hui à la tête d’un vaste complexe appelé « Les Rives d’Auron ». En effet, désormais, Daniel Colling possède le Palais des Congrès (rebaptisé « palais d’Auron »), le Parc des Expositions (rebaptisé « Pavillon d’Auron », la salle Germinal (rebaptisée « 22 d’Auron », l’espace proche de la médiathèque pour les manifestations sous chapiteau (rebaptisé « Plateau d’Auron »), mais aussi le « Carré d’Auron », ou le « quai d’Auron »... La plupart des salles de spectacle de la ville appartient maintenant à une seule société : la société Coulisses de Daniel Colling. Présenté par la mairie de Bourges comme un simple changement d’appellation (journal municipal « Les Nouvelles de Bourges », février 2004), les « Rives d’Auron » sont le résultat d’une volonté délibérée d’un désengagent de la municipalité dans la gestion de ces lieux.

Bien que refusant unanimement de s’exprimer par crainte d’être en disgrâce avec la mairie et « Les Rives d’Auron », les responsables associatifs et organisateurs locaux de spectacles, sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de cette mainmise de Daniel colling sur la vie culturelle berruyère. Financièrement d’abord, ces associations sont en difficulté. Désormais, celles qui souhaitent louer une salle sont obligées de passer par l’intermédiaire direct ou indirect du Printemps de Bourges alors qu’autrefois un petit logo « ville de Bourges » sur des tracts et affiches suffisait à faire baisser le prix voire à obtenir la gratuité de ces salles, financées - faut-il le rappeler ? - avec l’argent des contribuables berruyers et qui profitent aujourd’hui à une société privée. Une situation ubuesque où les « petits » donnent aux « gros ». Pour remédier à ce déséquilibre, la mairie de Bourges, verse néanmoins une subvention pour aider les associations à louer ces salles. Mais le remède ne fait qu’amplifier le mal puisqu’il s’agit encore d’argent public indirectement versé à une structure privée.

Artistiquement ensuite, c’est le pluralisme culturel qui semble aujourd’hui menacé dans la Préfecture du Cher. Depuis un an maintenant, l’association Emmetrop qui fut naguère une concurrente acharnée et la plus farouche opposante à la politique culturelle jugée « commerciale » de Daniel Colling, est devenue une simple filière des Rives d’Auron. Désormais co-programmatrice de la salle « Le 22 », Emmetrop a dû, pour survivre, abandonner le terrain de la militance culturelle au profit d’une muselière en or massif d’une valeur de près de 550.000 euros à l’année, dont une très large part provient de fonds publics. La seule structure culturelle d’envergure à Bourges qui bénéficie encore d’une forme d’indépendance est finalement personnifiée par La Maison de la Culture, structure paradoxalement institutionnelle qui a prouvé largement ces dernières années que la qualité artistique n’était pas fatalement antinomique d’un succès populaire avec une programmation touchant la plupart des couches sociales et toutes les tranches d’âge.

Les orientations radicales voulues par le maire de Bourges et par son adjoint à la culture M. Philippe Gitton semblent avoir dilué la politique culturelle locale dans les loisirs et la communication. Ainsi, les sommes considérables versées par la municipalité au Printemps de Bourges ne se justifient pas par l’intérêt culturel de cette manifestation, mais par l’attrait qu’elle procure auprès d’un public jeune qui « s’ennuie » toute l’année (essentiellement en raison de son comportement de consommateur et non d’acteur), et par son rayonnement médiatique qui donne au plan national l’illusion que Bourges est une ville dynamique. A l’inverse, toute activité culturelle qui ne touche qu’un public restreint ou très pointu est systématiquement écartée par la municipalité. C’est le cas de l’Institut International de Musique Electroacoustique, privé de subvention municipale parce que ses activités n’intéresseraient pas les berruyers, peut-être davantage attirés par la patinoire ou le cinéma multiplex de Bourges. Finalement, Philippe Gitton ferait-il de la culture comme Patrick Le Lay fait de la télévision ?

Bénéficiant de la complaisance de la majorité municipale, Daniel Colling est devenu pour Bourges ce que Bernard Tapis est à la ville de Marseille : un marchand d’illusions. Son emprise énorme sur la ville en fait un homme qui vit au dessus des élus, lesquels semblent prêts à réaliser tous ses rêves mégalomanes. Revers du « prestige » du Printemps de Bourges et de Daniel Colling, les petites associations se retrouvent parquées sans grands moyens dans des salles des fêtes miteuses de quartier. La construction d’un Centre culturel apparemment de grande qualité dans le quartier de la Chancellerie devrait néanmoins contribuer à infléchir l’hégémonisme et la culture coca-cola de Daniel Colling. Si la culture a déserté le centre-ville, elle pourrait bien reprendre ses droits dans des zones de la ville qui avaient été jusque là oubliées. Et il est heureusement peu probable que Daniel Colling soit tenté de s’y engouffrer...

commentaires
L’empire de Daniel Colling et démission de la Présidence du CNV - 27 mai 2009 à 18:38
#23222
L’empire de Daniel Colling - 7 décembre 2008 à 09:49

La commune de Bourges a encore cette année octroyé une suvention de 70 000 euros à la société organisatrice du Marché de Noël " Bourges événement (" une filiale de Coulisses la société de Daniel Colling ).
N’est-il pas possible d’intenter un recours devant le Tribunal administratif contre cette décision ?


#14951
L’empire de Daniel Colling - 28 mai 2009 à  12:57

Vous posez là une vraie question. Seulement, on est à Bourges, alors... Par contre, concernant le fameux Marché de Noel, il serait passé en offre publique et deux sociétés (en plus de celle de Colling) seraient en lice... alors on peut espérer qu’enfin, ce sera l’honnêteté et l’objectivité qui présideront au choix de la société organisatrice !

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