EDITORIAL MAI 2002

L’hiver sibérien de la presse locale

dimanche 21 avril 2002 à 19:54, par Charles-Henry Sadien

Le contenu lénifiant de la presse quotidienne régionale fait trop rarement l’objet de critiques acerbes de la part des « professionnels de la profession ». Ce qui devrait être un instrument fondamental de la démocratie locale est le plus souvent un outil de publicité gratuite pour quelques figures emblématiques du cru. Dernière illustration en date : le traitement médiatique du Printemps de Bourges.

« Pourquoi les intellectuels ne s’interrogent-ils pas sur la qualité très discutable des quotidiens régionaux français ? Les actualités locales, souvent ringardes, sont réduites à n’être que la chronique d’événements futiles. » L’ouvrage de Jean-Pierre Tailleur, Bévues de presse est l’un des seuls de ce type à accorder une large place à la critique des organes de presse quotidienne régionale. L’auteur parle d’articles se rapprochant de ce qu’il appelle « la publicité institutionnelle » où le rédacteur se contente de retranscrire les propos de personnalités locales, le plus souvent avec de nombreuses bévues : erreurs sur les noms et les fonctions, retranscriptions erronées, erreurs d’illustrations

Feuilletez un peu la presse locale berruyère. Vous y trouverez nombre d’articles promotionnels : élections d’une miss locale, compte rendu d’un salon professionnel ou d’une kermesse, annonce d’une exposition d’artiste, inauguration par le maire d’un distributeur de sachets pour ramasser les déjections canines, quelques faits divers et comptes-rendus au vitriol d’audiences au tribunal correctionnel, publication de communiqués de presse plus ou moins bien découpés, sujets sportifs Le reste est composé de dépêches de l’AFP, sans que cela ne soit mentionné et sans signature. Aucune enquête approfondie, aucune révélation « maison ». Est-ce cela, le journalisme ?

« En France, les rares reporters qui tentent de décortiquer les fautes de leurs confrères ont généralement droit à des insultes, à la moquerie ou à lindifférence », écrit plus loin Jean-Pierre Tailleur. Il fut un temps où nous en avons fait les frais même si ce nest plus le cas aujourd’hui, notre longévité et notre audience grandissante induisant une forme de respect plus ou moins forcé.

Rappelons néanmoins que l’objectif d’un magazine en ligne comme L’Agitateur de Bourges n’est pas de dénigrer le travail de « concurrents » de la presse papier, mais de les inciter et (n’ayons pas peur des mots), de les encourager à des comportements plus professionnels pour une plus grande qualité des contenus.

Le traitement médiatique de Printemps de Bourges est symptomatique de l’amateurisme de la presse locale. Alors que le festival berruyer se présente comme un panel représentatif des musiques d’aujourd’hui, on n’a trouvé par exemple aucune enquête ou reportage sur l’état de santé de la musique dans l’hexagone. Il y avait pourtant tous les interlocuteurs nécéssaires à la rédaction d’un bon papier suffisamment étayé : managers, musiciens, organisateurs de spectacles, représentants des maisons de disque, structures associatives, médias, public

Pareillement, plutôt que de rédiger un petit compte rendu assez ridicule sur la venue de Jean-Michel Jarre à Bourges, peut-être aurait-il été plus judicieux d’ouvrir une page sur l’histoire des musiques électroniques, Bourges ayant été il y a plus de trente ans le berceau des musiques et créations électroniques grâce à l’IMEB qui demeure encore aujourd’hui une plate-forme reconnue au niveau international.

Pourquoi ne pas avoir mis en lumière les événements marquants de certains spectacles, comme celui de Yann Tiersen dont les gradins avaient été réservés entièrement à des personnes invitées, reléguant le vrai public qui payant, dans la fosse, suscitant une importante vague de mécontentement qui a été passé sous silence par la presse locale ?

Pourquoi ne pas avoir ouvert le débat des « vraies-fausses découvertes du Printemps de Bourges » où les jeux sont faits d’avance. Allez dire à Mister K de Jack the Ripper est une découverte du Printemps de Bourges : il vous rigolera au nez, tout comme la plupart des critiques rock du pays pour qui la formation parisienne bénéficie depuis plusieurs mois déjà d’une très grosse cote.

Pourquoi ne pas avoir abordé quelques sujets qui fâchent, comme le nombre effarant de personnes accréditées sur le festival, les milliers d’invités et de passe-droit ? En dehors du maire et du maire adjoint à la culture, en quoi les passe-droit pour les autres représentants de la municipalité de Bourges se justifient-ils ? Et après, certains s’étonnent des difficultés financières du festival et des subventions à rallonge de la municipalité. Le citoyen berruyer paye deux fois : en tant que contribuable et en tant que festivalier. Et il se retrouve debout, lors des spectacles, dans la fosse, comme un chien, pendant que d’autres qui ne connaissent pas grand choses sur les musiques actuelles se promènent de salles en salles impunément avec leur carte VIP. Il faut dire que la presse a également ses entrées dans la mesure où elle ne se montre pas trop critique avec le festival. Nous en savons quelque chose !

Au lieu de cela, la couverture médiatique du Printemps de Bourges a été un assemblage de compte rendus élogieux des spectacles proposés, rédigés avec une grande légèreté de ton, masquant parfois difficilement une méconnaissance de la musique des artistes programmés. Tout juste certains rédacteurs se sont-ils permis avec une prudence excessive de mentionner les conditions d’écoute « parfois limites » des spectacles se déroulant sous le chapiteau alors qu’elles étaient la plupart du temps exécrables. La Nouvelle République s’est bien essayée à un gentillet billet d’humeur quotidien, mais il s’agissait plutôt d’un « billet d’humour », sans grande profondeur ni intérêt.

Si bien qu’aujourd’hui, Le Berry Républicain et La Nouvelle République ressemblent davantage à des fanzines fortunés à grand tirage qu’à de vrais journaux professionnels. La PQR n’est pas plus mauvaise à Bourges qu’ailleurs. C’est ce qui est finalement le plus inquiétant. La France, ce modèle de démocratie, de liberté de la presse et de la liberté d’expression génère des journaux de proximité distrayant mais d’une indigence assez rare dans le contenu et dans le traitement de l’information. La presse berruyère saura-t-elle montrer le bon exemple ?

commentaires
L’hiver sibérien de la presse locale - Electrospirit - 8 août 2006 à 09:19

Pareillement, plutôt que de rédiger un petit compte rendu assez ridicule sur la venue de Jean-Michel Jarre

Et en quoi cela serait-il ridicule ? J’aime beaucoup ce que fait Jarre et si vous connaissiez un tant soit peu son boulot, vous auriez découvert que la prestation qu’il a réalisée à Bourges - je vous laisse le bénéfice du doute quant à savoir si vous étiez présent ce jour-là - est aux antipodes de ce qui a fait son succès. Bref, encore un pseudo journaliste en quête de postérité...


#5189
> L’hiver sibérien de la presse locale - Isabelle la bien-nommée - 21 avril 2005 à 15:42

J’ai souvent entendu des journalistes prétendre que ceux qui disent du mal d’eux sont souvent des journalistes n’ayant pas réussi à se faire un nom dans les grands titres de la Presse Française... Et donc qu’en désespoir de cause, ces malheureux évincés du Système se sont reportés (vengés ?...!) sur ce genre de publication, (à très fort tirage les webzines !), puisque mondialement lus !!


#2074
> L’hiver sibérien de la presse locale - Jean-Michel Pinon - 21 avril 2005 à  17:46

En l’occurence, je ne crois pas que de travailler dans la presse locale soit très enviable. Personnellement, je m’éclate beaucoup plus avec l’agitateur que si je me retrouvais au Berry Républicain ou à la Nouvelle République en "service commandé" pour rédiger des articles sur l’élection de Miss Berry, l’ouverture de nouveaux commerces et la réalisation de micro-trottoirs. De plus, les webzines ont un lectorat potentiel beaucoup plus important. Sur l’agitateur, qui n’est pourtant pas le plus célèbre des webzines, nous recevons davantage de courrier de lecteurs que le BR et la NR réunis. L’impact - malgré l’absence de moyens - me paraît donc loin d’être négligeable. Je ne pense pas être trop partisan en affirmant que la PQR française est particulièrement mauvaise.

#2075 | Répond au message #2074
> L’hiver sibérien de la presse locale - Nicko - 20 juin 2002 à 18:19

Sans etre totalement en désaccord avec cet article, je trouve malheureusement qu’il perd toute sa crédibilité après cinq minutes de navigation sur le site, que j’avais connu plus ouvert et intelligent. Le nombrilisme dont fait preuve JMP (qui c’est çui la ?) frole le culte de la personnalité, façon grand siècle soviétique. Au fait, monsieur le rédacteur en chef (excusez moi de pouffer) , plutot que de signaler de ses initiales en fusillant tout ce qui bouge, ce serait-y pas plus malin de donner ton vrai nom. parce qu’accuser la moitié du monde de : cons, fachos, abrutis, vendus au pouvoir, mongoliens dégénérés du bas-berry....(au choix), en se cachant derrière l’anonymat, c’est faire preuve d’un courage époustouflant. Quant à la revue de presse, c’est la seule que je connaisse où on ne cite pas un seul journal...Faudra relire les définitions : une revue de presse, c’est pas un éditorial...Dommage, tout ça gache la crédibilité de l’agitateur . A revoir donc, mais en conservant l’esprit (un peu) irrévérencieux.
Quant à la presse locale, c’est un sujet qu’il faudra sans doute réaborder dans un prochain numéro.
Amicalement
Au fait, François L. te file un coucou amical...


#235
> > L’hiver sibérien de la presse locale - JMP - 20 juin 2002 à  19:08

Bonsoir, Nicko X (toi aussi tu es très courageux !)

Ben j’espère qu’il va bien François L. parce qu’il a l’habitude de bien cartonner !

Ceci dit, je trouve ça marrant que lorsque l’on critique le travail des journalistes on se fasse tout de suite insulter. Jean-Pierre Tailleur (l’auteur de Bévue de presse), me disait la même chose il y a quelques jours. Son bouquin fait l’objet d’un ahurissant boycotte.

Sur l’anonymat : il te suffit d’aller tout en bas de la page, de cliquer sur le logo "légal". Y-a même mon adresse et mon numéro de téléphone. Vu que j’écris 90% des articles, JMP, ça fait moins lourd, non ?

Ton avis sur l’agitateur tranche avec l’avis général. Au début, l’Agitateur était un mag d’enragés. Maintenant, les internautes pensent qu’il est plus (trop) posé. Je ne pense pas que ta critique soit valable aujourd’hui.

Nombriliste ? Ben tu peux avoir cette impression car j’ecris 90% des articles. Mais c’est vrai que j’adore la russie. Alors si on pouvait réaliser une statue à mon éffigie, ça serait le rêve ! Plaisanterie mise à part : il faut de nouveaux rédacteurs à L’Agitateur. Sinon bye ! parce que ça devient hard pour moi : j’ai quand même un boulot à côté : les 35 heures, je les fait en trois jours et demi.
Et puis j’ai envie de faire plein d’autres trucs, mais l’agitateur me bouffe le reste de mon temps.

La revue de presse : c’est un truc interessant à lire pour les internautes, mais pour moi, c’est une corvée à faire. Je m’en occupe depuis 1997, ça devient vraiment chiant et rébarbatif à faire. De toutes façons, il y a à Bourges le BR et la NR, c’est tout. Et dans la NR, il n’y a presque jamais rien ; Donc l’essentien de la revue de presse provient du BR.

Puisque t’as plein d’idées interssantes sur ce que doit devenir ce site, je veux bien te laisser sans pouffer mon poste de rédacteur en chef (avec la gloire, l’argent et les filles dévouées à ta cause qui vont avec)

Non, mais, sérieux : si tu veux écrire dans l’agitateur, et le faire évoluer c’est no problemo !

#236 | Répond au message #235
> > > L’hiver sibérien de la presse locale - 21 juin 2002 à  16:39

Re-salut
Pan sur mes doigts...Mea culpa pour mon nom tronqué.

Assez d’accord avce toi pour le boulot que représente une revue de presse. Je pense surtout qu’il vaudrait mieux changer le titre de la rubrique.

Pour le poste de rédac chef, je veux en plus une voiture de fonction avec, des grosses enceintes, et une casquette, pour passer rue Moyenne le samedi après-midi en frimant.
C’est vrai que quand on cartonne les journalistes, y a des réactions. mais essaie de critiquer un employé d’EDF, France telecom ou autre entreprise publique, et tu te feras traiter de fasciste ulta-libéral, avec 5000 mecs qui descendront dans la rue pour demander ta peau. et je parle meme pas des commerçants et autres charmants lobbies. Tout le monde défend son rosbiff, c’est humain. mais j’ai pas dit que j’étais contre ton point de vue...
A+

#237 | Répond au message #236
> Lhiver sibérien de la presse locale - Patrick - 22 avril 2002 à 10:37

Et s’il y avait encore que la presse locale pour lobotomiser par le bas les lecteurs, mais la télé au-secours... La preuve Le peine à jouir peut-être au pouvoir si la conscience existait dans les medias cela ne devrait arriver...Je suis triste salut !


#186
> > L’hiver sibérien de la presse locale - JMP - 22 avril 2002 à  19:07

Même si ce n’est pas le sujet de cet édito, la presse dans son ensemble et plus particulièrement les médias télévisés portent une grande responsabilité dans la qualification de Le Pen au second tour des Présidentielles. Cela fera l’objet d’un article dans l’agitateur pour les jours prochains.

#188 | Répond au message #186