Le Tigre, hebdomadaire curieux
D’abord, il faut saluer le courage des fondateurs du Tigre, Laetitia Bianchi et Raphaël Meltz, qui après une histoire alphabétique de 5 ans avec la revue R de Réel se sont lancés dans une nouvelle aventure, celle de la presse, avec une périodicité qui nécessite du souffle, puisque l’animal de papier sort chaque vendredi dans les kiosques.
Dans la jungle des titres de presse alternatifs, Le Tigre est à part ; c’est une alternative aux alternatifs. Un contenu généraliste, intelligent, plein de curiosité(s) sous une maquette élégante [2], originale et décalée, voilà comment se présente l’animal. Si l’on rajoute une éthique irréprochable et le choix courageux de vivre sans publicité, on peut dire que Le Tigre a du caractère, un caractère qu’il imprime chaque semaine en noir et blanc sur papier recyclé. Que lit-on dans les 24 pages du numéro 15 du Tigre [3] ? Un entonnoir temporel sur ATTAC [4], les commentaires de Mexique-Angola par Jean-Louis Farah Touré pour la radio Africa 1, une revue de presse de la presse anti-foot, un dossier "Sauvez Libé" à la dent dure, une rubrique géopolitique avec escales photographiques, une chronique de la vie ordinaire d’un chef d’agence de travail temporaire spécialisé dans le gros oeuvre en bâtiment, un feuilleton BD, un almanach façon 19ème siècle, un roman photo, des mots croisés tigrés, une rubrique sur la vie de l’encyclopédie participative Wikipédia ; le tout sur un ton bien souvent décalé, plein d’ironie qui fait le charme du tigre. Ce décalage semble pencher très discrètement vers la gauche même si officiellement il n’en est rien. Et c’est bien ce qui fait la spécificité du Tigre par rapport à d’autres journaux dits "alternatifs", c’est qu’il n’est pas militant. Le Tigre a choisi un militantisme plus discret, celui d’une remise en cause du journalisme ou de la presse d’actualité tel qu’on les connaît ; il propose d’autres formes, plus raffinées, plus artistiques peut-être. Pratique peu courante, la totalité des rédacteurs du Tigre apparaissent sous des pseudonymes.
Le Tigre est donc inclassable dans le paysage de la presse française. Et cette absence d’étiquette est sûrement l’une des sources des difficultés qu’il connaît actuellement ; ne bénéficiant pas du soutien "naturel" des réseaux militants comme ceux du Plan B, il peine à se faire connaître et se vend trop peu pour pouvoir continuer à rugir. Alors, après avoir lu les anciens numéros [5], si vous trouver le journal séduisant, n’hésitez pas à le réclamer en kiosque [6], à vous abonner et à en parler autour de vous afin que cet animal rare de disparaisse pas prématurément. A noter qu’un numéro d’été de 64 pages sortira le vendredi 30 juin 2006... voici une bonne idée de lecture pour vos vacances.
[1] Enfin, presque bimestriel...
[3] 23 au 29 juin 2006
[4] Qui part de la proposition de James Tobin en 1972 de créer une taxe sur les transactions de devises pour aller jusqu’à l’élection le 24 juin 2006 du nouveau Bureau d’ATTAC
[5] Les numéros 0, 3 et 6 sont téléchargeables gratuitement
[6] Le Tigre coûte 2,50 €