Darcos veut fliquer les internautes
Les enseignants, les personnels du MEN et même les élèves s’expriment sur internet. Leur ministre est donc inquiet. À la délégation à la communication de la rue de Grenelle, on vient de lancer un appel d’offre pour surveiller le réseau. On chuchote ou on fait du chahut sur la toile ? Darcos veut les meneurs.
Décidément : pister, fliquer, et si possible contrôler l’opinion sur internet est devenu une obsession du pouvoir sarkozyen [1]. À l’heure où le Ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos mitonne une réforme du lycée qui pourrait être explosive (quelle réforme dans l’Education Nationale ne l’est pas ?) son administration qui « flippe grave sa mère » (pour parler jeun’s) aimerait sans doute en savoir un peu plus sur ce qui se trame en douce dans les allées sombres du réseau.
C’est ainsi qu’on apprend par l’intermédiaire du site Fabula.org (très savant site littéraire d’habitude fort peu revendicatif) qu’un appel d’offres en direction d’entreprises spécialisées a été lancé au MEN dont l’objet est « la veille de l’opinion dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de l’enseignement supérieur ».
Le document de référence, stupéfiant, est en ligne. On y apprend qu’il ne s’agit rien moins que de « repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte et analyser leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau, décrypter les sources des débats et leurs modes de propagation ».
Qui sera surveillé ? À peu près tout le monde. « La veille sur Internet portera sur les sources stratégiques en ligne : sites « commentateurs » de l’actualité, revendicatifs, informatifs, participatifs, politiques, etc. Elle portera ainsi sur les médias en ligne, les sites de
syndicats, de partis politiques, les portails thématiques ou régionaux, les sites militants d’associations, de mouvements revendicatifs ou alternatifs, de leaders d’opinion. »
Eh oui, puisque l’information vient de partout, il faut TOUT surveiller. Les syndicats bien sûr, mais aussi les assos, les webzines pas contrôlés (suivez mon regard), et jusqu’au simple quidam qui se permet de commenter l’actualité ou de relayer une info.
Le but de tout ça ? « Permettre un suivi précis de l’évolution de l’opinion internaute et des arguments émergents relayés et commentés » Gouverner c’est prévoir, et pour prévoir, il faut savoir. Élémentaire. Une attention particulière concerne « les vidéos, pétitions en ligne, appels à démission »
Ça fait beaucoup de travail ! Oui, mais c’est bien payé : 100.000 euros HT par an pour la mission concernant le seul Ministère de l’Education Nationale. Les personnels de l’éducation vont être contents de savoir où vont les économies réalisées grâce aux dizaines de milliers de postes supprimés. P’t’être d’ailleurs que si parmi eux certains voulaient se reconvertir ... la surveillance et le contrôle du réseau est un marché en plein essor.
Ah oui, dernière chose. Pour faire moderne et branché, le Ministère de l’Education Nationale vient d’ouvrir un forum sur son site afin que les internautes s’expriment sur la réforme du lycée en cours. Euh ... un petit conseil, si vous avez quelques remarques subversives à glisser (à supposer qu’elles échappent à la vigilance du modérateur a priori des contributions ...) prenez un pseudo et utilisez un proxy anonymiseur [2] : Big Brother is watching you, maintenant plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui.