Arobases et démocratie
La ville de Bourges a récupéré la troisième arobase des villes labélisées « Villes Internet » [1]. Bon, ça nous apporte quoi, à nous, les Berruyers, d’avoir 3 arobases pour l’année 2008 ?
Ca nous fait déjà un joli panneau « Ville internet @@@ » [2] à chaque entrée de la ville, coincé entre le panneau « Ville fleurie » et le panneau « Ville sous surveillance video »
Ok. Et quoi d’autre ? La fiche de la ville de Bourges sur le site des « Villes Internet » va peut-être nous en dire plus. On y lit : « Initiatives : de nombreuses formations à l’IMEP ». On clique fébrilement et que trouve-t-on ? « De nombreuses formations à l’IMEP : La volonté des élus est de développer ces formations, afin qu’elles soient plus nombreuses et accessibles à tous. Pour l’année 2000-2001, l’Institut Municipal d’Education Permanente a organisé 11 stages "utiliser Internet" et 2 stages "création de site web". » Vous avez bien lu : « pour l’année 2000-2001 » Depuis, rien. [3] Il ne s’est rien passé de nouveau depuis 2001, et c’est donc pour ça que la ville a eu une troisième arobase en 2008. Avis aux autres communes qui ne savent pas comment obtenir des arobases : il suffit de ne rien faire !
La réponse viendra peut-être du site de la ville : hélas, le moteur de recherche reste muet, aucune page ne parle de cette superbe arobase gagnée de haute lutte. L’émotion, sans doute ...
Tournons-nous vers la presse locale. Car si les arobases ne servent à rien, elles permettent d’avoir de magnifiques publi-reportages. Cette fois- ci, c’est le BR qui s’y colle avec un “article” en page 12 de son édition du 3/12/2008. [4] Sous le titre « La ville un peu plus net qu’avant » et illustré par une photo où l’on voit notre adjoint aux TIC actuel, Philippe Bensac, tenir fièrement une magnifique arobase en bois (ou en plastique, la légende ne précise pas), on trouve enfin la raison : « Contrairement à d’autres villes, on est près de la population. » Ca se précise ! Et c’est quoi, la proximité avec la population ? C’est « la mise en ligne des menus des cantines scolaires, des programmes des cinémas et des avis de décès ». Si, si, vous avez bien lu, les avis de décès ! La ville est tellement proche de nous qu’elle nous accompagne jusqu’à la tombe. Quel dévouement ! A quand les caveaux avec prise USB et WiFi intégré ?
A ce sujet, on apprend plus loin que notre maire-adjoint aux TIC a l’intention d’installer le WiFi dans toute la ville [5], et qu’il veut « développer l’interactivité de la ville ». Comment ? « Pas forcément avec un forum, mais avec un outil qui permette l’expression des citoyens sur des sujets particuliers comme les spectacles ou la création de nouveaux équipements. » Surtout pas des sujets qui fâchent, donc. Et c’est pas pour tout de suite, puisque « c’est quelque chose que l’on va étudier ». Qui va piano, va sano.
Pour Philippe Bensac, « ce [6] troisième arobase représente un symbole fort » (en voilà une phrase qu’elle est belle). Et d’ajouter qu’« il sera plus dur d’avoir trois arobases dans cinq ans qu’il ne l’était cette année. » Tout de suite, on sent le spécialiste, non ?
Maintenant que l’on sait tout sur l’arobase, parlons un peu de démocratie. Comme toutes les publications de la ville, le site internet doit laisser une place à l’opposition pour s’exprimer [7]. Si l’opposition a réussi à obtenir un espace dans « Les nouvelles de Bourges », ça n’est malheureusement toujours pas le cas sur le site web de la ville. C’est un truc qui coûte pas un rond, et avec un peu de chance, ça pourrait faire une quatrième arobase en 2009, non ?
[1] Villes Internet est un réseau d’élus locaux, d’agents administratifs et d’acteurs associatifs ayant décidé de capitaliser leurs connaissances de l’Internet et des technologies de l’information pour le développement de l’internet local et citoyen.
[2] Prononcer « Ville internet 3 arobases », et non pas « Ville internet, ah ! ah ! ah ! »
[3] Il faut reconnaître que l’élu chargé des TIC entre 2001 et 2008, à savoir Aurélien Sallé, avait tellement la volonté de promouvoir l’internet à Bourges qu’il a dû venir dans son bureau de la rue Jacques Rimbault 3 ou 4 fois, pas plus.
[4] L’article n’est hélas pas reproduit sur le site du journal.
[5] Pour quel coût financier ?
[6] A moins qu’il s’agisse d’une erreur de transcription du journaliste, il faut rappeller que l’arobase est un nom féminin.
[7] "L’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales prévoit un espace d’expression des conseillers qui n’appartiennent pas à la majorité municipale dans le bulletin d’information générale diffusé, sous quelque forme que ce soit, par les communes comptant 3.500 habitants et plus. L’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal peut être assurée par différents supports qui ne sont pas exclusifs les uns des autres. Ainsi, si le site internet de la ville offre une diffusion régulière d’informations « sur les réalisations et la gestion du conseil municipal », en vertu du droit que leur reconnaît la loi, les conseillers minoritaires doivent y avoir une tribune d’expression. L’exercice de ce droit est organisé par le règlement intérieur du conseil municipal, un espace pouvant être réservé soit aux conseillers à titre individuel, soit aux groupes d’élus. Dans ce dernier cas, un conseiller minoritaire qui ne serait rattaché à un aucun groupe ne pourrait se voir refuser un espace d’expression, l’article L. 2121-27-1 susvisé ne subordonnant pas le droit d’expression des élus d’opposition à leur appartenance à un groupe déterminé."