Coup de gueule

Arte : l’effroyable caricature

La face sombre du journalisme télévisuel
mercredi 10 février 2010 à 12:30, par bombix

« Encore plus caricaturale que ce que l’on pouvait redouter. » Numérama donne le ton ce matin, dans un encart à l’article que le site consacrait lundi 8 février à l’enquête de Ted Anspach, « Les effroyables imposteurs ». Ce simple intitulé, référence explicite au titre du livre du très controversé Thierry Meyssan « L’effroyable imposture », qui fait donc l’amalgame entre l’information citoyenne et collaborative et les thèses complotistes et la désinformation organisée en dit déjà long sur les intentions du réalisateur. Diffusé hier soir sur Arte, le film et le débat qui a suivi confirment les attentes : « Les effroyables imposteurs » est une vile caricature du rôle d’internet dans la révolution de l’information, par une télévision aux ordres et une presse aux abois. Risible et lamentable.

Arte : l'effroyable caricature

« Tout ce qui est exagéré est insignifiant. » disait Talleyrand. En regardant le reportage [1] diffusé hier soir par Arte, on se demande vraiment, tellement le message : « internet est une immense poubelle, il faut au plus vite le contrôler ! » était outrancier et caricatural, si le but poursuivi n’est pas l’exact inverse de celui annoncé ! Car enfin, à défendre avec autant de maladresse, de grossièreté pataude une cause, ne travaille-t-on pas en réalité contre son camp ? Dans le match télé et presse contre internet, Arte a marqué hier un but contre elle-même.

Un procès instruit de façon partisane

Allons, Messieurs d’Arte, est-ce bien sérieux ? Certes, si on rencontre le meilleur on rencontre aussi le pire sur le net. Mais peut-on comme vous le faites réduire le problème de l’information citoyenne et collaborative 1) au combat obscur et obscurantiste de quelques illuminés qui luttent contre la vaccination – comme si au passage « l’affaire de la grippe A H1N1 » se réduisait à ce seul aspect des choses ? 2) Aux thèses complotistes de Thierry Meyssan [2] concernant le 11 septembre, relayées il est vrai sur internet, mais aussi dans les médias « mainstream » [3] comme vous-mêmes, ne craignant pas de vous contredire, le montrez ! 3) Au travail d’une agence pro-islamiste très organisée qui relaie des informations en provenance du Proche-Orient dans une optique anti-sioniste revendiquée ?
Que des sectes, des activistes, des groupes politiques organisés s’emparent d’internet, faut-il s’en étonner ? Une fois qu’on a dit ça, le sujet de l’information citoyenne et collaborative a-t-il seulement commencé à être traité ? En aucune façon.

Donc il est difficile de discuter, puisque le problème qui était censé être abordé, n’a pas reçu l’ombre d’un début de commencement de traitement. Vous épinglez Le Post.fr parce qu’il laisse passer un article tendancieux. Fort bien. Quelle conclusion en tirer ? Que la totalité des contenus du Post.fr sont de cet acabit ? Que le projet d’un site comme Le Post.fr [4] est nul et non avenu ? Le procès est un peu vite mené, non ? Une seule pièce au dossier, pas d’instruction, et interdiction à la défense de prendre la parole. Attention, on pourrait vous appliquer les mêmes méthodes. Arte avec ce reportage présente ce qu’il y a peut-être de plus mauvais à la télévision française : soumission veule aux pouvoirs (politiques et économiques) [5], aveuglement, bêtise crasse ... Faut-il cesser désormais de regarder Arte ?

Qui fait de la propagande ?

Bien. Que dire d’autre ? Peut-être ceci : ce reportage est de « la propagande », au sens étymologique du terme : propager la foi. Quels sont les articles de cette foi ? L’information est un métier. Il y a ceux qui savent, et ceux qui ne savent pas. Les premiers, professionnels, ont droit à la parole, les seconds, consommateurs, ont le droit d’écouter le discours autorisé qui tombe d’en haut, dûment estampillé, de le croire pieusement, et de se taire.

Mais dans quel monde vivez-vous pour raisonner encore ainsi ? Que vous le vouliez ou non, que vous continuiez de vous aveugler ou que vous décidiez de vous dessiller les yeux, plus personne n’accepte désormais ce schéma. Vous êtes les prêtres d’une religion disparue. La lecture des journaux n’est plus la prière du matin de personne. Tout est discuté. Tout est discutable. Personne n’a plus le privilège d’une position de surplomb, autorisée et inamovible. Et les journalistes moins que quiconque. Vous serez jugés, comme l’arbre, comme tout et comme tous, aux fruits que vous porterez.

Et ces fruits, les vôtres, sont parfois, sont souvent, passablement pourris. Vous parlez une larme dans la voix des liens consubstantiels qui lient notre bienheureuse démocratie et le sacro-saint devoir d’information. Faut-il vous rappeler le nombre de fois où la presse a manqué à ses devoirs les plus élémentaires ? Et les conséquences ? Cela ne date pas d’aujourd’hui ! Relisez Karl Krauss – qui ne cesse dans son oeuvre de vilipender une presse qui a menti sur les causes de la guerre de 14-18, sur son déroulement, sur les responsabilités dans la défaite allemande, une presse qui a préparé la matrice fictionnelle délirante dans laquelle le nazisme n’eut plus qu’à s’installer, relisez Benda, relisez Bourdieu et Halimi ...

Les français se méfient des médias, à qui la faute ?

On dit que les gens n’ont plus confiance en la presse ou la télévision ? A qui la faute ? Aux bloggeurs ou aux blagueurs qui signent dans de grands titres ou présentent le « JT » (au passage : Fotorino et Pujadas, même combat ! il fallait quand même oser) Qui a menti sur le nuage de Tchernobyl ? Qui a fait une fausse interview de Castro, sans en subir le moindre dommage dans la poursuite de sa carrière ? Qui a diffusé les fausses images de Timişoara ? Comment la guerre du Golfe de 1990 est-elle apparue dans les médias ? Ne vous rappelez-vous pas que ce sont les militaires eux-mêmes qui livraient les images et proposaient les commentaires ? De quel silence coupable la presse française n’a-t-elle pas couvert le génocide rwandais, pendant son déroulement, et aujourd’hui encore, alors que le devoir de mémoire exigerait que la lumière soit faite sur la nature et l’origine de cette ignominie. Etc. etc... Pour ne pas vous faire honte davantage, arrêtons ici la liste.

Un mouvement irréversible

De toutes façons, on ne va pas contre l’histoire [6]. Vous ne pourrez pas stopper un mouvement puissant et qui ne peut pas s’arrêter. Les gens informent sans demander la permission. Les gens s’informent et choisissent leurs sources, autorisées, ou non. Il ne faut pas en conclure que tout est merveilleux dans le monde d’internet, qu’une partie importante de ce qu’on y trouve n’est pas à interroger, voire à suspecter. Beaucoup de questions se posent et doivent être posées. Justement, vous aviez une occasion de le faire, hier soir. Vous l’avez manquée. Aux internautes qui s’expriment et ne se contentent pas de vous croire sur parole de reprendre le débat et de le traiter, avec un peu de sérieux, puisque les professionnels – ou ceux qui se prétendent tels — en semblent incapables.

Ironiquement, s’il fallait prouver qu’internet est désormais nécessaire à la démocratie et à l’exercice de la citoyenneté, « Les effroyables imposteurs » d’Arte, vile caricature d’une télévision aux ordres, en a fait la démonstration mardi 09 février 2010.

L’information serait-elle chose trop sérieuse pour être confiée à des journalistes ?... [7]

[1Les effroyables imposteurs, Ted Anspach, Arte 2009

[2Journaliste de profession ...

[3J’utilise ce mot à dessein, car je l’ai entendu hier soir dans le reportage discuté ici. « Mainstream » désigne chez les anglo-saxons la littérature académique, officielle, noble, reconnue, par opposition à ce qui est considéré comme de la sous-littérature : le fantastique ou la science-fiction particulièrement. Un écrivain comme P.K. Dick, auteur de science-fiction génial, a toujours souffert de cette non reconnaissance, et pourtant, il compte désormais davantage dans le paysage culturel américain que de nombreux auteurs de romans sérieux, ennuyeux et oubliés. Le public qui lisait de la science-fiction dans les années 50-60 ou les « pulp » avant guerre (qui publiaient un auteur aussi important que Lovecraft), n’attendait pas l’autorisation des professeurs d’Université et des critiques littéraires autorisés pour choisir ses lectures. Aujourd’hui, le public n’attend pas l’autorisation de M. Elkabach, de M. Val ou de M. Fotorino pour s’informer auprès de Maître Eolas. Et il a bien raison !

[4Au passage, le reportage révèle que Le Monde est principal actionnaire de ce site. Sans relever la contradiction, et sans s’émouvoir ... La meilleure façon de résoudre un problème est encore de ne pas le poser

[5La date de diffusion de ce reportage, la veille de la discussion de l’inique loi Loppsi2, n’aura échappé à personne

[6Ce qu’a réaffirmé avec force Edwy Plenel, intervenant après le reportage avec d’autres ténors de la presse. Seule éclaircie d’intelligence dans le concert d’idioties entendues hier soir, Plenel qui dirige Mediapart, un pur « player » (site d’informations en ligne, sans support papier), pouvait il est vrai difficilement adopter une autre position. Au passage on remarquera en effet que, dans le débat qui a suivi le film, un seul point de vue était autorisé à s’exprimer. Arte pour un soir s’était transformé en Pravda.

[7cf. Georges Clémenceau : « La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires »


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commentaires
Arte : l’effroyable caricature - echt - 16 février 2010 à 23:32

Merci pour cet article. Il me semble en effet qu’une démocratie, pour reprendre la pensée de Cornélius Castoriadis, existe lorsqu’on est capable de gouverner et de se laisser gouverner : qui s’entend, en l’appliquant au domaine de l’information, par : être capable de produire de l’information, tout comme être capable d’en recevoir de l’analyser, etc. Les "porte-micros" et hommes puissants (politique/économie) de l’Occident expriment une angoisse face à ce qu’entraîne l’utilisation d’Internet par un nombre de personnes toujours croissant, autrement dit, une esquisse de la "vraie démocratie".
C’est pour cela qu’il faudra se battre pour conserver cette liberté d’expression internaute, pour que du virtuel advienne le réel.


Arte : l’effroyable caricature - papagayo - 16 février 2010 à 03:56

Les gens se méfient des médias car les médias se méfient des gens. Si les médias étaient plus proches d’eux, il n’y aurait pas cette distance un peu condescendante des premiers vis à vis des seconds. Maintenant, comment avoir une presse indépendante quand elle n’a pas d’indépendance économique par manque de capitaux, de lecteurs, de publicités ? Il y a la solution de refuser la pub, mais on doit sacrifier la pagination, la distribution. Le net ? Quel est son modèle économique ? Ensuite, l’indépendance elle s’acquiert individuellement, on peut l’être dans un média bridé et vice versa, c’est une question d’attitude, d’état d’esprit et surtout de professionnalisme. Si les journalistes ne confondaient pas attaché de presse et carte de presse on aurait déjà franchi de grands pas...


Arte : l’effroyable caricature - bombix - 16 février 2010 à  07:23

Les gens se méfient des médias car les médias se méfient des gens. Si les médias étaient plus proches d’eux, il n’y aurait pas cette distance un peu condescendante des premiers vis à vis des seconds. Maintenant, comment avoir une presse indépendante quand elle n’a pas d’indépendance économique par manque de capitaux, de lecteurs, de publicités ?

Bizarre quand même d’identifier « les médias » et « la presse ». Il n’y aurait pas des problématiques spécifiques par hasard, selon les medias ?

Ensuite, l’indépendance elle s’acquiert individuellement, on peut l’être dans un média bridé et vice versa, c’est une question d’attitude, d’état d’esprit et surtout de professionnalisme.

Ah la la, le mythe du « grand professionnel » ; indépendant parce que professionnel. Tiens, Sarkozy ne dit rien d’autre. C’est pour ça qu’il va subventionner à donf’ les purs players comme Mediapart. C’est des grands professionnels, donc ils sont indépendants, donc on subventionne ! Pour renforcer leur indépendance, hein !

Il y a la solution de refuser la pub, mais on doit sacrifier la pagination, la distribution.

Il y a un journal qui s’appelle le Canard Enchainé qui vit sans pub depuis des décennies. En sacrifiant sa pagination et sa distribution, il faut bien dire ...

Si les journalistes ne confondaient pas attaché de presse et carte de presse on aurait déjà franchi de grands pas...

M’est avis qu’ça arrive même parfois aux « grands professionnels ».

Répondre à ce message #25802 | Répond au message #25800
Arte : l’effroyable caricature - papagayo - 16 février 2010 à  12:34

Professionnalisme s’entend en terme de travail pas en terme de carte de presse. Cela se saurait s’il suffisait d’une carte de presse pour être journaliste... Il est vrai aussi que la télé n’est pas la radio ni la presse écrite et internet. La télé sert de la soupe populaire, la radio joue l’instant, la presse écrite devrait analyser et internet faire tout en même temps...
Enfin pour Un Canard Enchaîné, combien de morts vivants ?
Et le Canard n’est pas d’une liberté extrême...

Répondre à ce message #25807 | Répond au message #25802
Arte : l’effroyable caricature - bombix - 16 février 2010 à  13:27

Cela se saurait s’il suffisait d’une carte de presse pour être journaliste...

En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il faut être journaliste professionnel pour avoir une carte de presse.

La télé sert de la soupe populaire, la radio joue l’instant, la presse écrite devrait analyser et internet faire tout en même temps...

Merci pour ces distinctions. Dans l’émission d’Arte, M. Fotorino semblait faire le même travail et avoir les mêmes problèmes que M. Pujadas.
Maintenant on pourrait aussi interroger la tripartition que vous proposez. La télé pour le peuple, donc soupe (=contenus de merde), parce que le peuple — c’est bien connu — il n’est ni très malin, ni très exigeant. Un peu méprisant quand même, non ? De plus, il y a quand même eu des tentatives de télé de bonne qualité, avec feu la 7, qui était présidée par Georges Duby, excusez du peu, et même avec l’actuelle Arte qui n’a heureusement pas que des défauts. La radio ne joue pas toujours "l’instant" ; d’ailleurs, c’est quoi l’instant, c’est quoi, ça vaut quoi une information qui n’est pas un minimum contextualisée ? D’après mon expérience d’auditeur de radio, la radio c’est quelque chose qui est de l’ordre du récit, et le récit oral, qui passe par la voix, a une temporalité très particulière. Enfin assez d’accord pour la presse écrite d’analyse. Avec le conditionnel. Et sans oublier le fait divers quand même. Suffit de regarder ce que la presse, y compris la PQR, affiche en devanture des bureaux de tabac pour attirer le chaland.

Répondre à ce message #25810 | Répond au message #25807
Arte : l’effroyable caricature - bombix - 16 février 2010 à  13:46

Et puis j’oubliais quand même l’essentiel : les conditions économiques de production. Un webzine ne coûte pratiquement rien ; une radio locale peut tenir avec les moyens ordinaires d’une asso ; un journal local, même modeste dans son tirage, n’est pas à la portée de bourse d’une association ; il a fallu les moyens d’un des plus gros groupes industriels pour racheter la première chaine de télévision ... Pour le coup, l’échelle fait le phénomène ! Pouvoir intervenir dans la fabrique de l’opinion, sans passer par les fourches caudines du dieu argent, c’est sans doute ce qui pose le plus de problème au pouvoir actuellement. Je l’ai dit, je le répète : c’est 2005 qui a été déclencheur dans cette prise de conscience. Il faut trouver des moyens de réguler et de contrôler tout ça autres que la pompe à fric. Et il ne faut pas considérer ici uniquement la production d’information. Mais aussi qu’internet sert de relais. Par exemple, il n’est pas du tout certain que sans internet, un auteur comme Badiou serait si populaire. Les gens ne lisent pt être pas "Logique des mondes", mais ils ont lu "De quoi Sarkozy est-il le nom ?" Ou pour prendre un autre exemple, qu’un bouquin comme Storytelling aurait dépassé l’audience d’un nombre très restreint de spécialistes de la communication.

Répondre à ce message #25811 | Répond au message #25810
Arte : l’effroyable caricature - papagayo - 16 février 2010 à  19:23

je ne fais que constater la daube servie par la télé, je ne méprise pas le peuple, c’est la télé qui le méprise haut la main. Mais le peuple a aussi tendance à s’abrutir lui même, malheureusement pour lui et heureusement pour le pouvoir.
Quand je dis qu’il ne suffit pas d’avoir une carte de presse pour être journaliste c’est parce que l’homme fait la fonction, pas l’inverse. Cette carte ne profère aucun pouvoir magique, si ce n’est une petite ristourne des impôts sur des salaires qui ne sont pas en réelle rapport avec le rôle social de cette profession décriée mais pourtant essentielle...

Répondre à ce message #25815 | Répond au message #25810
Arte : l’effroyable caricature - Paul Emique - 16 février 2010 à  19:56

Très bonne réponse Tatayoyo. A vous relire avec plaisir . Je partage entièrement votre point de vue sur novely.

Répondre à ce message #25817 | Répond au message #25815
Arte : l’effroyable caricature - Yannix - 12 février 2010 à 00:44

Oui. C’est bien d’Arte qu’il s’agit et que je regarde comme beaucoup
via les offres "triple-play" des FAI (donc via ce coupe-gorge
d’internet). Le public de cette chaîne audio/visuelle ne s’y trompe
pas, car si tu lis les commentaires en suivant l’url http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/Main-basse-sur-l-info/3044562.html , tu vas vite constater comment Daniel Leconte
c’est planté en beauté ! : Un commentaire qui m’a beaucoup
interpellé :

Meinungsmacher | Fred.H

10.02.2010 - 12h41

Détail intéressant : dans le programme allemand d’Arte, le titre "8
journalistes en colère" a été traduit par : "Frankreichs
Meinungsmacher packen aus" (les faiseurs d’opinion en France
s’épanchent). Notez bien le glissement sémantique : on passe du
journaliste, en principe fabricant d’information, à un producteur
d’opinions. Pourtant « journaliste » est l’un des mots les plus
faciles à traduire en allemand, puisque ça donne "Journalist" ! Il me
semble que le traducteur (qui donc a pris cette initiative ?) a eu un
souci d’honnêteté. En effet, journalistes, nos 8 « grandes plumes
 » (ou grandes voix) le sont si peu. Cela fait bien longtemps qu’ils
ont quitté le monde des "vrais" journalistes de terrain, ceux qui
collectent et vérifient l’information. Alors oui, c’était un film sur
les états d’âme de leaders d’opinion-stars, mais seul le public
germanophone d’Arte a eu droit à la vérité : ils ne parlent pas en
tant que journalistes.

Maintenant, il ne faut pas jeter le bébé (le média Arte) avec l’eau du
bain (l’animateur/producteur Daniel Leconte). Je souhaite ardemment
que la direction allemande de la chaîne fasse pression sur la
direction française pour virer sans indemnités ce parasite. A défaut
de quoi, pour résister à cette "fabrique du consensus" de la partie
française, je ne vois plus que le broadcast illégal en France d’Arte
version allemande sous-titrée en français : "Ici Berlin, les français
parlent aux français" !

X.


Arte : l’effroyable caricature - Mister K - 11 février 2010 à 17:12

J’ai regardé cette émission hier et j’ai été très vite surpris par une chose : la plupart de ce dont on parle n’a aucun rapport réel avec internet ; internet est éventuellement uniquement un support de diffusion supplémentaire, ni plus ni moins. Mais ce qui m’a choqué, c’est que quand on nous montre une émission de BFM TV, qui n’est rien d’autre qu’une chaine de télévision traditionnelle, on nous la montre à travers un navigateur internet et un écran d’ordinateur. Bizarre, non ?

Au final, c’est comme si on prenait des torchons people pour qualifier l’ensemble de la presse écrite. Et aussi comme si les internautes n’étaient pas capables de distinguer ce qui est sérieux, ce qui est douteux et ce qui n’est pas du tout sérieux. Un internaute est potentiellement aussi un lecteur de la presse écrite, un auditeur, un téléspectateur : il ne perd pas son esprit critique devant son écran d’ordinateur.

Globalement, ce reportage n’est pas sérieux. Le coup de gueule des journalistes n’est pas terrible, seul effectivement Edwy Plenel s’en sort. Le débat ensuite tient un peu plus la route, le journaliste Allemand et le journaliste Anglais semblent avoir un peu plus les pieds sur terre que leurs collègues français.

Bon, globalement, outre le coté partial du premier documentaire qui charge le coté participatif d’internet, ce Théma était effectivement de médiocre qualité. Sur internet, on retrouve de bien meilleurs constats et réflexions sur le journalisme que ce que l’on a vu dans cette émission.


Arte : l’effroyable caricature - Andreani Marie-Catherine - 11 février 2010 à 16:49

J’ai regardé l’émission : à vomir. Alors qu’Arte nous avait habitué à un peu mieux. Ce n’était pas même digne de TF1
Moralité : il faut penser comme on te dit de penser.


Arte : l’effroyable caricature - coco_des_bois - 11 février 2010 à 12:44

qu’est-ce donc qu’une thèse complotiste ... c’est un truc super élaboré dans l’esprit du rédateur(rice) ou est-ce de la simple formule pour un vague truc à la con ?
c’est dommage de balancer une énormité pareille au milieu d’une belle démonstration ...


Arte : l’effroyable caricature - bombix - 11 février 2010 à  13:49

Bonjour,

Qu’est-ce qu’une thèse complotiste ? La chose me semble claire — n’est pas une « énormité » comme vous dites —, mais puisque vous posez la question, autant préciser. Le complotisme ou conspirationnisme est un mythe politique moderne. On y explique l’histoire universelle par l’action de sociétés secrètes ; la politique mondiale serait secrètement dirigée par de « redoutables manipulateurs ». Le complotisme a longtemps été l’apanage de l’extrême droite (cf. Les protocoles des Sages de Sion), mais elle s’étend désormais à un public qui n’est pas nécessairement politisé. En se mélangeant avec des thèmes issu de l’ésotérisme, le complotisme devient un phénomène culturel. Comment expliquer autrement le succès d’un aussi mauvais livre que le Da Vinci Code ? (86 millions d’exemplaire vendus !) On doit aussi mettre le complotisme en rapport avec le recul des grandes idéologies politiques — chute du communisme particulièrement — et avec le recul de l’influence des grandes religions monothéistes. Bref, le complotisme supplée de façon fantasmatique au manque de sens. Un mythe c’est cela : une production imaginaire qui donne du sens au réel.

La plupart des idées soutenues par Thierry Meyssan me semble relever d’une construction qui s’apparente au complotisme. La thèse soutenue par son livre, « L’effroyable imposture » ne me semble pas tenir debout. La logique est ailleurs que dans le contenu du livre. Le 11 septembre a relancé l’imaginaire du grand complot et l’a nourri de nouveaux thèmes. L’idée circule d’un « complot américano-sioniste », et on la retrouve aussi bien dans la littérature d’extrême droite que dans la littérature d’extrême gauche.
C’est ce qui est intéressant avec le complotisme contemporain. Il déborde — largement — les clivages politiques habituels.

Ce que je voudrais ajouter par rapport au contenu de mon article, c’est qu’il y a une correspondance évidente entre la logique de la rumeur et la logique du complot. Dans les deux cas, on est en présence d’une exigence de sens qui trouve à s’assouvir par une construction imaginaire. Comme la rumeur, le complot est un récit, une fiction qui vient combler un désir, désir de donner du sens aux événements.

Internet est forcément sensible aux rumeurs. Les théories complotistes s’y étalent avec délices. Mais il m’a semblé profondément malhonnête, de la part du réalisateur, de réduire le contenu des productions des internautes, dans leur totalité, à des mythes fabriqués par des manipulateurs, ou leur simple chambre d’écho amplificatrice. Dans ces productions, dans les blogs, dans les webzines comme celui que vous êtes en train de lire, il y a des informations, il y a des analyses, il y a des efforts d’explication et d’élucidation. Bref il y a de l’intelligence collective à l’oeuvre, et pas simplement de la bêtise grégaire livrée à elle-même.

Le débat méritait d’être posé dans toute sa richesse. A la place on a eu une soirée caricaturale qui fait honte à ses concepteurs — et qui témoigne d’abord de leurs préjugés, ensuite de leur ignorance, enfin de leur mépris. Qu’internet bouscule ce petit monde bien au chaud dans sa tour d’ivoire est profondément réjouissant.

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