2nde partie

L’affaire des boues d’Achères

Les éléments d’une controverse
jeudi 18 février 2010 à 09:19, par Le plumitif arcandier

Le projet d’épandage des boues de la station d’épuration d’Achères provoque l’inquiétude et soulève de nombreuses questions. Mais la Préfecture du Cher reste de marbre, invoque le respect des normes et se retranche derrière la réglementation en vigueur. De leur côté les anti boues alertent sur le risque de pollution, les dangers pour la santé et pour l’environnement. Des positions irréconciliables, en somme.

L'affaire des boues d'Achères

Comment le Préfet "informe" les esprits.

Selon le Préfet, « les esprits ne sont pas assez informés sur l’épandage des boues » (numéro du 6 janvier du Berry Républicain). Et madame Delmas-Comolli de se livrer à une démonstration qui est pour les anti boues de la langue de bois et une tentative d’enfumage... des esprits. Le Préfet déclare « il y a un vrai débat dans le Cher pour savoir dans quelles conditions on peut permettre l’épandage des boues de la région parisienne ou de plus loin ». Il semble difficile de parler de débat, alors que le Préfet refuse les arguments des associations, rejette les avis des Conseils municipaux, celui du commissaire enquêteur, ignore le vote du Conseil général, fait annuler les arrêtés des maires de Blancafort et Méry-ès Bois, et maintient son arrêté d’autorisation.
« Il y a une vraie opposition au projet d’épandage des boues du Siaap dans le Cher, mais je n’en tiens aucun compte, » serait une meilleure traduction !

Opposition Paris province, solidarité nationale, aménagement du territoire...

Il faudrait accepter les boues-déchets de la région parisienne au nom de la solidarité nationale, ne pas tomber dans l’opposition Paris/Province. Selon la Préfecture, « il n’est pas envisageable de raisonner uniquement localement et d’opposer milieu urbain et milieu rural. » Mais c’est précisément ce postulat simpliste qui voudrait que la région parisienne se débarrasse de ses déchets polluants dans le département du Cher, sans rechercher d’autres solutions. La Préfecture semble jouer un mauvais rôle, celui d’un acteur de l’opposition Paris Province.
Des terres agricoles il y en a partout en France, pourquoi notre département recevrait-il spécialement les boues de la station d’Achères ? À cause des volumes qu’elle produit ? Or, le Cher produit déjà des boues, et les diverses stations d’épuration du département devront évoluer vers plus d’efficacité, se moderniser. Et pour faire évoluer les stations d’épuration locales il faut des financements qui incomberont en partie aux collectivités concernées, (donc au bon emploi de nos impôts locaux...).
Dans l’état actuel, quelle est la contrepartie solidaire aux épandages du SIAAP qui viennent ajouter 14 000 tonnes par an aux 5 500 tonnes du Cher ? Cela paraît disproportionné, en fait c’est le Cher seul qui assume, et on n’annonce pas de contrepartie. Autoriser les épandages du Siaap relève bien d’une conception "unilatérale" de l’aménagement du territoire.

Invoquer le respect de la réglementation en vigueur est insuffisant.

Pour les anti boues, invoquer les “limites réglementaires” est insuffisant, car au contraire de la Préfecture (qui abrite son autorisation sous le parapluie des règlements), ils se déterminent en vertu du principe de précaution, et dans l’intérêt de la santé publique.
Les limites réglementaires et les normes évoluent, et ce qui hier était jugé “conforme aux limites réglementaires” est jugé aujourd’hui dangereux. C’est ainsi que, après des années de déversement des effluents de la région parisienne (conformes aux "limites réglementaires" de l’époque), il faut dépolluer dans les plaines de Bessancourt (Val-d’Oise) et d’Achères (Yvelines), et la préfecture y interdit la commercialisation des cultures maraîchères.
Tous les ans, on retire l’AMM (autorisation de mise sur le marché), à des pesticides et phytocides qui étaient antérieurement autorisés. Finalement, l’État se borne à constater les dégâts : une fois le mal fait, il assouplit la limite de tolérance de certaines normes, ou il élargit le nombre d’interdictions. Dans le Cher, la triazine et les nitrates dont l’usage était encadré par des normes ont pollué les eaux, et le périmètre des zones dites “vulnérables” a été étendu. Les épandages de boues du SIAAP aggraveraient encore cette situation.

Les boues, il faut bien les mettre quelque part, on ne peut pas faire autrement....


- Il n’est pas vrai d’affirmer que l’épandage est l’unique solution. Les boues peuvent être traitées selon diverses méthodes, à condition d’en avoir la volonté politique et d’y consacrer les moyens financiers.
- On peut améliorer le tri des effluents en amont des stations en séparant les rejets domestiques et les rejets industriels.
- On peut traiter les effluents industriels à l’origine de l’émission avec des stations d’épuration dans l’entreprise.
- On peut exploiter les autres filières connues (combustion dans les centrales et les cimenteries).
- On peut développer la transformation des boues en granulats inertes.
- On peut mettre en oeuvre l’incinération à très haute température, un procédé utilisé en Suisse plus performant que les techniques d’incinération utilisées en France. Ce que la Suisse peut faire, la France en est capable !
- Il faut développer la recherche pour mettre au point de nouveaux procédés : Il est urgent de le faire, car les industries produisent de plus en plus de déchets et de polluants.

Ça coûterait trop cher.

Pour éviter le débat sur les autres solutions possibles, le Préfet affirme que "l’épandage est moins coûteux que l’incinération". Voila l’argument du "trop cher" ou "plus économique" maintes fois ressassé à propos de tout et n’importe quoi par les gens à court d’arguments ! Pour affirmer que l’épandage est moins coûteux que l’incinération, il faudrait le prouver en publiant des comptes et s’exposer à la contradiction. Le Préfet ne semble pas en mesure de le faire !

On ne peut à la fois être juge et partie.

Un cadre préfectoral a déclaré le 8 octobre "nous sommes entrain de travailler avec la Chambre d’agriculture et d’autres partenaires (lesquels ?), à la mise en place d’un organisme indépendant qui aura pour vocation de travailler et de contrôler l’ensemble des plans d’épandage" (disposition qui figure dans l’arrêté préfectoral du 6 février 2009). Cette méthode n’est pas crédible : comment la Chambre d’agriculture peut elle être considérée comme "indépendante", alors qu’elle milite en faveur des épandages et défend les intérêts des vingt cinq agriculteurs qui ont signé des contrats avec le SIAAP ? À l’inverse, la définition et le contrôle par les élus du département d’un tel organisme pourrait en assurer l’indépendance, si on associait les maires des communes concernées à ce contrôle, ainsi que les associations de défense de l’environnement et les associations de consommateurs.

Le plan d’épandage est inapplicable dans l’état.

Interrogé par la Présidente lors de l’audience du Tribunal Administratif d’Orléans du 21 août 2009 (pour la suspension des arrêtés municipaux de Blancafort et Méry ès Bois), un cadre de la Préfecture du Cher, reconnaissait l’existence d’erreurs dans le dossier, mais il les qualifiait de : "quelques erreurs minimes pouvant être corrigées à la marge".
Or, pour le collectif des associations anti boues, ces erreurs sont beaucoup trop nombreuses pour être considérées comme "minimes", ou "marginales". L’énumération semble longue, en effet...
- La liste des parcelles cadastrales du plan d’épandage contient de nombreuses anomalies (des parcelles n’existent pas, d’autres ont changé d’appellation, de contenance ou de destination).
- Des mêmes lots de parcelles cadastrales sont répétés deux fois et identifiés comme des lots d’épandage différents, qui plus est avec des surfaces différentes.
- Des parcelles drainées s’écoulent directement dans la Nère sans aucune précaution restrictive.
- Des parcelles de tête de talweg en zone Natura 2000, interdites par la loi à l’épandage, ne font l’objet d’aucune restriction.
- L’épandage est autorisé sur les parcelles au pH de 5, alors que la loi l’interdit.
- La définition des périmètres de captages est incohérente.
- Des effluents d’origine avicole sont déjà stockés en bordure de parcelles alors qu’il est interdit de superposer des épandages.
- Les lieux d’entreposage ne sont pas clairement identifiés alors que la réglementation l’exige : ainsi, des parcelles ne sont pas accessibles de part la limitation de tonnage des routes.
- Des parcelles comportant des pavillons habités sont incluses dans le plan d’épandage (Oizon).

Pour le collectif des associations anti boues, l’arrêté préfectoral est impossible à appliquer en l’état actuel de sa rédaction.

Comme l’inquiétude et la protestation ne faiblissent pas et que de nouvelles actions sont prévues, l’Agitateur en reparlera sans doute encore dans les prochains mois. Fin provisoire du chapitre.

Voir aussi : L’affaire des boues d’Achères - 1


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commentaires
L’affaire des boues d’Achères - J-P Coffe - 19 février 2010 à 20:06

Cette affaire illustre bien l’obstination imbécile des technocrates qui nous gouvernent.
Au moment où de plus en plus d’agriculteurs se réorientent vers le bio, permettre l’épandage de ces boues gorgées de métaux lourds et de produits chimiques indéterminés est une véritable aberration.
Quant à Mme Delmas-Comolli, dans le cas présent, elle a l’air d’avoir autant d’intuition que dans son précédent job aux casino Barrière, et cela a mal fini pour elle.