SimCity Bourges
Pour ceux qui ne connaissent pas SimCity, il s’agit d’un jeu vidéo dont la première version date de 1989 et dont le but est de construire et gérer une ville [1]. Et bien depuis plusieurs années, on a l’impression que Serge Lepeltier et sa majorité municipale jouent à SimCity avec Bourges. Ils gèrent et construisent Bourges sans trop se préoccuper de l’avis des habitants. Pourtant, au cours d’une rénovation urbaine, les habitants devraient être au coeur des préoccupations.
La rénovation urbaine à Bourges, c’est du nord au sud de la ville, de la Chancellerie au quartier de l’aéroport en passant par le centre-ville. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela se passe avec plus ou moins de bonheur.
SimCity Chancellerie
La Chancellerie, c’est une partie de ce que les politiques, journalistes et habitants des autres quartiers de la ville appellent bien souvent Bourges Nord. Comme beaucoup de quartiers dits HLM, la Chancellerie a été construite en toute hâte dans les années 60, sur ce qui était alors des champs, sans trop réfléchir à la vie des futurs habitants, à l’urbanisme. Bref, à la va-vite. Pourtant à l’époque, dans un contexte de croissance importante et d’augmentation de la population française, ces logements étaient un progrès énorme puisqu’ils apportaient aux habitants ce que l’on appelait alors le "tout confort" avec entre autres l’eau courante et l’électricité. Les habitants, souvent modestes, issus de la classe ouvrière pour beaucoup, se sont peu à peu appropriés le quartier, l’on fait vivre. La Chancellerie est devenu un vrai quartier, un quartier populaire avec une vie sociale importante ; c’était certainement le quartier le plus chaleureux de Bourges. Alors évidemment, le mode d’habitat sous forme de barre de béton et l’esthétique du quartier était certes discutable et il s’est dégradé au fil du temps résultat d’un entretien minimum réalisé par les offices d’HLM. Mais ce sont surtout les conditions de vie de ses habitants qui se sont dégradées, dans un contexte de crise économique et d’explosion du chômage à partir de la fin des années 70. Au cours des années 90, la Chancellerie était le produit de tout cela, un quartier vivant, riche de ses habitants mais un quartier vieillissant, en proie aux difficultés économiques et sociales où seuls ceux qui avaient toujours vécus là ou qui n’avaient pas d’autre choix y vivaient. Rien ne va véritablement bouger pour la Chancellerie et ses habitants jusqu’en 2005, les différentes municipalités successives se contentant d’accompagner a minima le quartier. C’est en 2005 qu’est inaugurée une salle de spectacle, Le Hublot, en plein coeur de la Chancellerie. Flambant neuve, moderne, elle tranche avec le reste du quartier. La longue histoire de l’arrivée de cette salle n’arrive pas à masquer un fait : ni les habitants, ni les associations du quartier ne peuvent se l’approprier. Sa gestion par l’agence culturelle de la ville de Bourges avec une programmation abracadabrante ne satisfait que les responsables de la mairie de Bourges. Et c’est là que commence le SimCity de Serge Lepeltier pour la Chancellerie. En effet, fin 2004, Serge Lepeltier obtient l’accord de l’ANRU pour la rénovation des quartiers nord de Bourges. En guise de rénovation, c’est finalement à la destruction du quartier que l’on assiste, le tout mis en scène avant les élections municipales de 2008. Le Hublot n’allait pas avec le reste du quartier, alors on change le quartier. Sans concertation avec les habitants, c’est le prétexte de l’urgence qui est pris : il fallait utiliser la manne financière allouée par l’état au plus vite. C’est donc des bureaux de la mairie d’où sont prises les décisions alors que de toute évidence, la plupart des élus municipaux ne connaissent absolument pas le quartier, à la limite certains y ont installé leurs locaux professionnels afin de bénéficier des abattements fiscaux des zones franches. Résultat, en 2010, le quartier de la Chancellerie est mort ou presque : vidé de ses habitants "ventilés" dans les autres quartiers de Bourges, vidé de ses commerces, ce n’est plus qu’une zone de travaux qui n’en finissent pas. Il faudra certainement une bonne dizaine d’années pour que le quartier reprenne vie, si toutefois il reprend vie. L’étape finale sera certainement de rebaptiser la Chancellerie.
SimCity Avaricum
Le point commun entre Avaricum et la Chancellerie, ce sont les HLM que le politiquement correct nomme désormais logements sociaux. Ceux d’Avaricum dérangeaient la mairie de Bourges puisque très visibles, en plein centre-ville. Là encore, la rénovation a tourné à la destruction totale sans concertation avec les habitants. Celui qui joue à SimCity Avaricum, c’est encore Serge Lepeltier et sa municipalité. Au programme, on nous promet pour 2013 un centre commercial et un parking. Cela fait rêver. Mauvaise pioche, les sous-sols de Bourges regorgent de vestiges et pour l’instant, à la place des HLM d’Avaricum, nous avons une sorte de « Ground Zéro », une énorme surface en plein centre-ville qui va faire l’objet de fouilles jusqu’en octobre 2010 minimum. La chance d’Avaricum par rapport à la Chancellerie, c’est que tout pourrait encore être remis en cause. Il est peut-être encore temps de réaliser une concertation avec les habitants, de faire appel à des urbanistes, des architectes afin de faire d’Avaricum quelque chose de bien plus ambitieux qu’un pauvre centre commercial. Le problème, c’est que réfléchir prend du temps et qu’à la mairie de Bourges, on n’aime semble t-il ni réfléchir, ni perdre du temps, on préfère la précipitation, y compris pour des choses qui engagent la ville pour les cinquante ans à venir. Il est quand même étonnant qu’après l’échec de l’enclos des jacobins, la difficulté à recaser l’espace commercial laissé vide par la fermeture des Dames de France on en soit en 2010 à penser qu’il manque d’espaces commerciaux en centre-ville de Bourges.
Pour une place Avaricum ?
Quand on y réfléchit un peu, on s’aperçoit surtout que Bourges est une ville sans place centrale où les habitants pourraient se retrouver en nombre. Les places existantes sont soit très petites (place Gordaine, place Cujas), soit dédiées à la voiture ou au bus (place Séraucourt ou place de la Nation). Il est certain qu’aidé d’urbanistes, en s’appuyant sur l’histoire de Bourges, en cherchant éventuellement à valoriser le patrimoine de son sous-sol, on pourrait certainement créer quelque chose qui fasse sens pour les habitants de Bourges et pour l’avenir de la ville. En tout cas, cette grande place Avaricum pourrait être une idée parmi d’autres. Le remue méninges est lancé.
Bourges tourne en rond, point
Outre les exemples de la Chancellerie ou d’Avaricum, on pourrait prendre de multiples autres exemples afin de démontrer qu’il n’y a pas de concertation à Bourges et que la plupart des décisions sont prises de façon autoritaires sans que les habitants aient leur mot à dire. La multiplication des ronds-points dont beaucoup semblent inutiles est un autre exemple. La pseudo démarche participative mise en place depuis 2008 semble, à cet égard, être trop timide et trop encadrée pour porter ses fruits. Dans ces conditions, sauf prise de conscience de la mairie de Bourges, il y a de grandes chances que l’avenir de Bourges se construise sans et malgré ses habitants, le tout piloté dans les bureaux de la mairie. SimCity est un bon jeu. Mais construire l’avenir d’une ville et de ses habitants, ce n’est pas un jeu. Il serait bon que Serge Lepeltier et autres élus municipaux s’en rendent compte. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.