Rénovation et réflexion urbaine

SimCity Bourges

dimanche 16 mai 2010 à 08:15, par Mister K

Pour ceux qui ne connaissent pas SimCity, il s’agit d’un jeu vidéo dont la première version date de 1989 et dont le but est de construire et gérer une ville [1]. Et bien depuis plusieurs années, on a l’impression que Serge Lepeltier et sa majorité municipale jouent à SimCity avec Bourges. Ils gèrent et construisent Bourges sans trop se préoccuper de l’avis des habitants. Pourtant, au cours d’une rénovation urbaine, les habitants devraient être au coeur des préoccupations.

La rénovation urbaine à Bourges, c’est du nord au sud de la ville, de la Chancellerie au quartier de l’aéroport en passant par le centre-ville. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela se passe avec plus ou moins de bonheur.

SimCity Chancellerie

SimCity Bourges

La Chancellerie, c’est une partie de ce que les politiques, journalistes et habitants des autres quartiers de la ville appellent bien souvent Bourges Nord. Comme beaucoup de quartiers dits HLM, la Chancellerie a été construite en toute hâte dans les années 60, sur ce qui était alors des champs, sans trop réfléchir à la vie des futurs habitants, à l’urbanisme. Bref, à la va-vite. Pourtant à l’époque, dans un contexte de croissance importante et d’augmentation de la population française, ces logements étaient un progrès énorme puisqu’ils apportaient aux habitants ce que l’on appelait alors le "tout confort" avec entre autres l’eau courante et l’électricité. Les habitants, souvent modestes, issus de la classe ouvrière pour beaucoup, se sont peu à peu appropriés le quartier, l’on fait vivre. La Chancellerie est devenu un vrai quartier, un quartier populaire avec une vie sociale importante ; c’était certainement le quartier le plus chaleureux de Bourges. Alors évidemment, le mode d’habitat sous forme de barre de béton et l’esthétique du quartier était certes discutable et il s’est dégradé au fil du temps résultat d’un entretien minimum réalisé par les offices d’HLM. Mais ce sont surtout les conditions de vie de ses habitants qui se sont dégradées, dans un contexte de crise économique et d’explosion du chômage à partir de la fin des années 70. Au cours des années 90, la Chancellerie était le produit de tout cela, un quartier vivant, riche de ses habitants mais un quartier vieillissant, en proie aux difficultés économiques et sociales où seuls ceux qui avaient toujours vécus là ou qui n’avaient pas d’autre choix y vivaient. Rien ne va véritablement bouger pour la Chancellerie et ses habitants jusqu’en 2005, les différentes municipalités successives se contentant d’accompagner a minima le quartier. C’est en 2005 qu’est inaugurée une salle de spectacle, Le Hublot, en plein coeur de la Chancellerie. Flambant neuve, moderne, elle tranche avec le reste du quartier. La longue histoire de l’arrivée de cette salle n’arrive pas à masquer un fait : ni les habitants, ni les associations du quartier ne peuvent se l’approprier. Sa gestion par l’agence culturelle de la ville de Bourges avec une programmation abracadabrante ne satisfait que les responsables de la mairie de Bourges. Et c’est là que commence le SimCity de Serge Lepeltier pour la Chancellerie. En effet, fin 2004, Serge Lepeltier obtient l’accord de l’ANRU pour la rénovation des quartiers nord de Bourges. En guise de rénovation, c’est finalement à la destruction du quartier que l’on assiste, le tout mis en scène avant les élections municipales de 2008. Le Hublot n’allait pas avec le reste du quartier, alors on change le quartier. Sans concertation avec les habitants, c’est le prétexte de l’urgence qui est pris : il fallait utiliser la manne financière allouée par l’état au plus vite. C’est donc des bureaux de la mairie d’où sont prises les décisions alors que de toute évidence, la plupart des élus municipaux ne connaissent absolument pas le quartier, à la limite certains y ont installé leurs locaux professionnels afin de bénéficier des abattements fiscaux des zones franches. Résultat, en 2010, le quartier de la Chancellerie est mort ou presque : vidé de ses habitants "ventilés" dans les autres quartiers de Bourges, vidé de ses commerces, ce n’est plus qu’une zone de travaux qui n’en finissent pas. Il faudra certainement une bonne dizaine d’années pour que le quartier reprenne vie, si toutefois il reprend vie. L’étape finale sera certainement de rebaptiser la Chancellerie.

SimCity Avaricum

Le point commun entre Avaricum et la Chancellerie, ce sont les HLM que le politiquement correct nomme désormais logements sociaux. Ceux d’Avaricum dérangeaient la mairie de Bourges puisque très visibles, en plein centre-ville. Là encore, la rénovation a tourné à la destruction totale sans concertation avec les habitants. Celui qui joue à SimCity Avaricum, c’est encore Serge Lepeltier et sa municipalité. Au programme, on nous promet pour 2013 un centre commercial et un parking. Cela fait rêver. Mauvaise pioche, les sous-sols de Bourges regorgent de vestiges et pour l’instant, à la place des HLM d’Avaricum, nous avons une sorte de « Ground Zéro », une énorme surface en plein centre-ville qui va faire l’objet de fouilles jusqu’en octobre 2010 minimum. La chance d’Avaricum par rapport à la Chancellerie, c’est que tout pourrait encore être remis en cause. Il est peut-être encore temps de réaliser une concertation avec les habitants, de faire appel à des urbanistes, des architectes afin de faire d’Avaricum quelque chose de bien plus ambitieux qu’un pauvre centre commercial. Le problème, c’est que réfléchir prend du temps et qu’à la mairie de Bourges, on n’aime semble t-il ni réfléchir, ni perdre du temps, on préfère la précipitation, y compris pour des choses qui engagent la ville pour les cinquante ans à venir. Il est quand même étonnant qu’après l’échec de l’enclos des jacobins, la difficulté à recaser l’espace commercial laissé vide par la fermeture des Dames de France on en soit en 2010 à penser qu’il manque d’espaces commerciaux en centre-ville de Bourges.

Pour une place Avaricum ?

Quand on y réfléchit un peu, on s’aperçoit surtout que Bourges est une ville sans place centrale où les habitants pourraient se retrouver en nombre. Les places existantes sont soit très petites (place Gordaine, place Cujas), soit dédiées à la voiture ou au bus (place Séraucourt ou place de la Nation). Il est certain qu’aidé d’urbanistes, en s’appuyant sur l’histoire de Bourges, en cherchant éventuellement à valoriser le patrimoine de son sous-sol, on pourrait certainement créer quelque chose qui fasse sens pour les habitants de Bourges et pour l’avenir de la ville. En tout cas, cette grande place Avaricum pourrait être une idée parmi d’autres. Le remue méninges est lancé.

Bourges tourne en rond, point

Outre les exemples de la Chancellerie ou d’Avaricum, on pourrait prendre de multiples autres exemples afin de démontrer qu’il n’y a pas de concertation à Bourges et que la plupart des décisions sont prises de façon autoritaires sans que les habitants aient leur mot à dire. La multiplication des ronds-points dont beaucoup semblent inutiles est un autre exemple. La pseudo démarche participative mise en place depuis 2008 semble, à cet égard, être trop timide et trop encadrée pour porter ses fruits. Dans ces conditions, sauf prise de conscience de la mairie de Bourges, il y a de grandes chances que l’avenir de Bourges se construise sans et malgré ses habitants, le tout piloté dans les bureaux de la mairie. SimCity est un bon jeu. Mais construire l’avenir d’une ville et de ses habitants, ce n’est pas un jeu. Il serait bon que Serge Lepeltier et autres élus municipaux s’en rendent compte. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

[1Le jeu est devenu un logiciel libre sous le nom de Micropolis


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commentaires
SimCity Bourges - L’Ouvrier - 18 mai 2010 à 21:36

Hier, 17/05 les habitants du quartier Avaricum ont reçu une lettre de la mairie les invitant à une réunion de concertation afin de débattre sur le devenir du projet. Donc acte.
Mon propos est hors sujet mais je vous signale que les travaux de décapage pour la nouvelle campagne de fouille sont pratiquement terminés.


SimCity Bourges - Franck - 18 mai 2010 à 20:58

Les deux places centrale de Bourges à renforcer sont la place Gordaine et la place Cujas.

La place Gordaine doit être rendu entièrement aux piétons (cela fait 20 ans que cela devrait être fait !) afin de consolider son activité touristique et de restauration et de la rendre enfin agréable (pour cela une minéralisation doit être entreprise afin d’augmenter les vues).

La place Cujas doit devenir un lieu de rencontre type agora avec renforcement des terrasses bar et restaurant.
Pour cela il n’est pas nécessaire de la vider totalement de ses voitures mais réduire leurs voilures afin d’en faire un parking pour résidents de l’hyper centre (une centaine de place au lieu des plus de 200 actuels).
Donc il ne faut pas rendre piétons la rue Moyenne (Bourges n’a pas la taille suffisante pour se permettre cela) mais tous faire pour éviter aux automobilistes d’y passer (incitation à prendre les parkings du boulevard, changement des sens de certaine rue pour décourager de traverser l’hyper centre).

Faire une trés grande place à Avaricum serait une érreur car celle-ci serait le plus souvent une place à "tout vent", une place centrale et animée n’est pas forcément une grande place.
Par contre il ne faut pas oublier de faire une sorte de place à Avaricum, une place de ville pas une artificielle de centre commerciale.

Allé une idée complétement folle pour Avaricum, pourquoi ne pas y construire le plus haute tour de bois du monde (entièrement en bois).
Certes pas facile et couteuse à faire mais son originalité pourrait attirer les investisseurs.
Une tour constitué de commerces (rdc), bureaux(12 au 15 étages) (, logements (1 au 11), hotel (16 au 19), restaurant bar panoramique (20) et plateforme panoramique (21 soit la hauteur de la tour de la cathédrale).
Le symbole de la ville ne va rester exclusivement 8 siècle de plus la cathédrale.


SimCity Bourges - pierre effa - 16 mai 2010 à 16:52

En tant qu’habitant heureux de vivre dans ce quartier, je vous félicite pour cet article auquel je souscris pour l’essentiel. Permettez-moi d’exprimer une certaine réserve quand vous évoquez l’historique. La Chancellerie n’a été construite en toute hâte. La ZUP a été créée le 16 janvier 1960. Le plan masse de la ZUP a été approuvé le 4 février 1961 et son financement le 26 mai 1964. Le programme de construction s’est échelonné sur une durée sensiblement plus longue que celle prévue par le plan de financement. C’est une des raisons des difficultés financières des H LM en général et de ceux de Bourges en particulier. Entre la date de programmation et l’arrivée des crédits correspondants, il y a eu une inflation dont le constructeur a dû supporter le coût.

Il n’est pas exact, au cas particulier de parler de barres de bétons alors qu’il s’est agi de belles pierre de taille en calcaire comblanchien et d’immeubles qui ne dépassaient pas 4 étages et jamais plus de 100 logements. La densification s’est faite en fin de course à Pressavois, après la transformation des ZUP en ZAC.Les quelques « tours » ne répondent pas à la définition d’immeubles de grande hauteur. Exception faite de la tour « Jacques Cœur »avenue de Lattre qui est une copropriété que personne ne met en cause. Sans doute à cause de son peuplement de bon aloi.

En fait, l’habitat proposé alors était en conformité avec ce dont des citadins avaient besoin et avec les nécessités du moment présent. Au lieu de quoi, le PRU propose un étalement urbain qui va à l’encontre de ce qu’il convient de faire aujourd’hui plus que jamais. Tout ça pour flatter les rêves et les fantasmes de beaucoup d’entre nous. Cela s’appelle la démagogie. C’est le degré zéro de la politique.

Le vendredi 4 juin à 18 h au Hameau de la Fraternité, Jacques CARON viendra présenter le livre qu’il a écrit et qu’il vient de faire paraître.
Membre d’associations de locataires depuis 42 ans, maire adjoint de la ville d’Evreux de 1977à 2001, conseiller municipal de 2004 à 2008, administrateur de société de logements sociaux pendant 24 annees. Jacques CARON a débuté sa carrière à la Direction l’Agriculture de Bourges.
Il a habité et milité dans le quartier de la Chancellerie. C’est un ami. Son livre a pour titre « QUARTIERS BRISES, HABITANTS SPOLIES ».
Jacques Caron montre comment derrière une façade honorable la rénovation des quartiers de logements sociaux se cache une redoutable machine à paupériser et à fragiliser les quartiers populaires. Les destructions massives sont financées par le 1% logement auparavant réservé à la construction du logement et à son entretien. Les travaux de reconstruction font appel à l’emprunt remboursé par les locataires, ainsi l’ANRU contribue à la crise du logement de notre pays. Les dégâts sur le patrimoine immobilier existant, concentre et amplifie la détresse humaine, des personnes disposant de faibles ressources à la recherche d’un habitat à prix abordable.