Le 23 septembre 2010, on y était
Jamais, dans l’histoire de la cinquième république, un Président n’a été aussi impopulaire [1] et embourbé dans des scandales [2]. Jamais dans l’histoire de cette même cinquième république, un gouvernement n’a tenté d’imposer une telle régression sociale. Les conditions semblent donc idéales pour mobiliser la population et faire échec à ce projet. Pourtant, le recul de l’âge légal de la retraite a bien été voté à l’Assemblée Nationale [3].
Bien sûr, l’UMP dispose de la majorité à l’assemblée, et peut donc voter ce qu’elle veut. Bien sûr, Sarkozy, après avoir déclaré qu’il n’a pas été élu pour augmenter l’age de départ en retraite [4], a pour la énième fois menti, pour en faire LA réforme de son quinquennat. Pourtant, malgré des manifestations monstres [5] et une population aux trois quarts hostile au projet [6], l’augmentation de la durée de cotisation pour la retraite a bien été votée à l’Assemblée Nationale.
Ca aussi, c’est une première sous la cinquième. Contre le CPE en 2006 [7] , plus de 2 millions de personnes dans la rue avaient fait reculer Chirac. En 1995, plus d’un million de personnes ont fait échec au plan Juppé [8] sur la sécurité sociale. Contre la réforme de l’enseignement privé en 1984 [9] , plus d’un million de personnes dans la rue avaient fait reculer Mitterrand. C’est que jusqu’alors, le Président de la République était le garant de la cohésion du pays, et savait retirer un projet qui divise par trop le pays. Sarkozy, lui, ne se conduit pas en chef d’Etat, mais en chef de clan.
Son clan, à lui, c’est les banques et le CAC 40. Ce sont eux qui l’ont mis au pouvoir. Il fait son job [10], il n’est pas au service des Français. Pas question pour autant de remettre en cause la légitimité de son élection [11]. Mais il n’a pas pour autant obtenu un blanc seing. Si l’élection de Sarkozy est légitime, les grèves et les manifestations contre sa réforme des retraites le sont tout autant. La résistance à l’oppression est un droit imprescriptible. Car il s’agit bien d’une oppression : « mauvais traitement systématique d’un groupe social avec le soutien des structures de la société oppressive » selon Wikipedia. Le « mauvais traitement systématique » ce sont les réformes Sarkozistes qui sont à chaque fois des régressions sociales. Le groupe social oppressé, c’est celui qui n’a que sa force de travail à vendre. La société oppressive, ce sont les possédants qui ne possèdent jamais assez. La structure, c’est l’État Sarkoziste.
Dans un pays démocratique, les grèves et les manifestations ne devraient pas être le seul recours. L’opposition aussi devrait faire son job. Et là, force est de reconnaître qu’il n’y a pas vraiment d’ardeur au travail. A part quelques gesticulations « grand guignolesques » pour retarder l’heure (juste l’heure !) du vote à l’Assemblée [12], pas grand chose. Ségolène Royal déclare "solennellement," que le PS reviendra sur cette loi si son candidat est élu [13] ? Comment croire celle qui a avoué, après sa défaite en 2007, ne jamais avoir cru au SMIC à 1500 euros, alors qu’elle le défendait pendant sa campagne [14] ? Et le « contre-projet » socialiste de Martine Aubry ne prévoit-il pas 41,5 années de cotisation pour obtenir une retraite pleine [15] ? Le « meilleur » candidat socialiste à la prochaine Présidentielle n’est-il pas Dominique Strauss Kahn [16], patron du FMI qui a ruiné tant de pays ?
Côté syndical, c’est guère mieux. A part le train-train des manifs automnales et printanières, rien. A part faire perdre de l’argent à ceux qui font grève, elles n’ont eu aucun résultat. On fait une manif pour fixer la date de la prochaine manif. Et la prochaine, c’est le 23 septembre prochain. Que faire, y aller ou laisser tomber ? Y aller, bien sûr ! Ne pas y aller reviendrait à capituler en rase campagne. Y aller moins nombreux signifierait résignation à cette réforme inique. Il faut donc y aller, et plus nombreux. Nous étions près de 10 000 à Bourges et près de 3 millions en France le 15 septembre. Dépasser ces chiffres, c’est le seul moyen dont on dispose pour forcer les syndicats et la gauche parlementaire à prendre vraiment conscience du refus des Français de voir appliquée cette réforme des retraites. Sinon, c’est mort. Et la prochaine fois qu’on descendra dans la rue, ce sera pour s’opposer au projet de ramener de 5 semaines à 4 la durée des congés payés. Car après les retraites, c’est aux congés payés qu’ils s’attaqueront [17]. C’est la logique capitaliste. Celle qu’on appelle la lutte des classes.
[2] affaire Woerth-Bettencourt, affaire Clearstream, affaire Karachi, voir liste (incomplète) ici
[4] Dans un entretien à RTL en mai 2008, à propos du relèvement de l’âge légal de départ en retraite : "J’ai dit que je ne le ferai pas. Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour cela."
[11] Sarkozy a été élu en 2007 avec 53,06% des voix et un taux de participation de 83,97%