Le modèle bourgeois
Avertissement : les propos tenus dans cet article ne sont pas toujours très cohérents. Veuillez en excuser son auteur qui vous livre en vrac ses dernières divagations sous influences médicamenteuses.
Pendant que nos élus locaux étaient en vacances à Porto Alegre pour montrer « qu’ils en sont » de la lutte contre la mondialisation j’étais chez-moi à regarder sur le bord de ma fenêtre un petit oiseau qui semblait me scruter derrière la vitre d’un il accusateur comme si j’avais fait une omelette avec sa famille. Trop flippant. C’est tout ce qui m’a marqué ces derniers jours. Il y a aussi un truc que j’ai entendu dans un bus : une petite mémé ne s’était pas acheté de pain depuis le 1er janvier parce qu’elle avait peur de payer en euros. Pour le reste, elle ne payait que par carte bancaire.
A part ça, il y a le grand cirque des élections présidentielles qui commence à se mettre en marche. Faudrait que je demande à Patrick Poivre d’Arvor pour qui je dois voter. Lequel de Chirac ou Jospin, fera quelque chose pour moi ? Car moi, ce que je voudrais, c’est un train électrique. Avec la gare, le passage à niveau et un tunnel. Mais les élus son beaucoup trop éloignés des préoccupations des gens. Et surtout des miennes. Alors, je ne voterai pas.
Il y a tout de même des trucs vachement plus importants que ça dans la vie. Payer son loyer, ne pas oublier la date d’anniversaire de sa grand-mère, trouver un cadeau pour l’être aimé à l’occasion de la Saint Valentin. Faire les poussières, le repassage, manger, travailler, dormir. Et là, j’ai vraiment du mal à savoir moi-même si je fais dans l’ironie ou pas.
Est-ce que ça vaut le coup ? Je veux dire, d’essayer de changer les choses ? C’est sans doute une manière de se donner l’illusion d’un quelconque intérêt à sa propre vie. On peut faire du ping-pong, du saut à l’élastique ou de la politique. Il n’empêche : on va tous crever un jour ou l’autre. Rejoignez ma secte : cest 1000 euros par semaine pour l’adhésion.
Avec L’Agitateur, c’est ce que l’on s’efforce de faire, modestement, à notre petit niveau. Changer les choses. Ça vaut largement un bulletin de vote dans une urne pour un gars qui ne nous a jamais invité à bouffer chez-lui.
Je ne suis pas de ceux qui portent en grande estime les hommes politiques. Ils me paraissent manquer trop souvent désintéressement personnel. Et puis aujourd’hui, un gars qui affirmeraient agir dans l’intérêt commun, ça paraîtrait un peu louche.
En revanche, j’ai toujours eu la faiblesse de penser que le changement pouvait venir des gens eux-mêmes. Et bien je crois que je me suis trompé. La société capitaliste moderne est bien trop forte. Elle formate les esprits et réduit les gens au simple rang de consommateurs préoccupés avant tout par le confort de leur petite vie minable. Le rêve d’une vie bourgeoise s’est imposé jusque dans les couches les plus fragiles de la société. Les gens ne veulent pas « changer les choses ». Ils veulent avoir une maison, une famille, une voiture, de l’argent sur leur compte en banque, un lecteur DVD. Ils veulent aller au cinéma, se rendre à des concerts, dîner dans les restaurants Certains veulent avoir des enfants mais c’est de plus en plus rare : c’est quand même chiant, les enfants ; il faut s’en occuper jusqu’à ce qu’ils rentrent à la maternelle. La société ne donne pas encore le biberon, c’est bien regrettable.
Porto Alegre, c’est ça : des gens qui veulent partout dans le monde pouvoir vivre comme des bourgeois, mais qui perçoivent très bien que la société mondiale ultra-libérale est en train de leur piquer leur chaîne hi-fi, et bientôt les sacs poubelle qui leurs servent à faire le toit de leurs taudis.
Changer les choses. Changer quoi d’abord ? C’est quoi au juste cette idée d’un bonheur universel ? Se bat-on pour un modèle bourgeois ? Moi, mon idée du bonheur, c’est de voir des gens qui chantent, qui dansent, qui font de la peinture ou n’importe quoi d’autre qui puisse les kiffer, sans être obligé d’avoir un boulot à la con à côté. Un bonheur individuel à partager avec les autres. C’est par rapport à ça que l’on peut voir que Porto Alegre, ce n’est pas du domaine de l’utopie. C’est même particulièrement terre à terre et matérialiste.
Le principe de la délégation de pouvoir mis en évidence dans « Le Contrat Social » de Jean-Jacques Rousseau, pouvait apparaître comme un bienfait pour nos civilisations modernes. Aujourd’hui, j’ai plutôt tendance à le concevoir comme une manifestation de passivité et de lâcheté. Donnons à d’autres la responsabilité et le pouvoir de nous rendre heureux. C’est une manière de se débarrasser d’un sacré boulet. Et puis si ça ne marche pas, on sait sur qui taper. Il suffit d’élire ensuite d’autres abrutis pour recommencer à zéro dans la quête du bonheur commun.
« Alors, qu’est-ce qu’il faut faire, toi qui es si malin ? »
Il faut voter pour soi-même.
Et tout casser.