Nous, on peut !

mardi 20 septembre 2011 à 07:28, par B. Javerliat

C’est sous ce titre provocateur que Jacques Généreux, économiste et secrétaire national du Parti de Gauche, publie son dernier livre [1]. "Livre" est un bien grand mot car, à l’instar de « Qu’ils s’en aillent tous ! » de Jean-Luc Mélenchon [2], il ne comporte que 140 pages et, pour une grande partie, il reprend des extraits des précédents ouvrages de J. Généreux autrement plus consistants [3]. Il s’agit plutôt d’un « précis d’économie politique à l’usage du simple citoyen ».

Nous, on peut !

Si le titre n’est pas sans rappeler le fameux « Yes we can » d’Obama, il est surtout le contre-pied de la « rengaine de l’impuissance » qui voudrait que face à la mondialisation, le politique ne puisse plus rien. Alors que d’un côté chacun reconnaît –- « en dehors d’une minorité de profiteurs cyniques et d’oligarques indifférents à l’intérêt général » -– que la mondialisation du capitalisme et la finance déréglementée sont bien à l’origine de tous nos maux, de l’autre, tous les partis s’accordent à dire qu’il s’agit là « de réalités indépassables, un état du monde naturel et immuable, » et qu’on est obligé de faire avec ce système fauteur de crise. «  Dans un monde en guerre économique permanente, la nécessité d’être compétitif nous contraint à faire ce qu’on peut pour rester dans la course, à sacrifier les acquis sociaux trop coûteux ou les biens publics au dessus de nos moyens, et à travailler plus pour gagner… moins ». Telle est la rengaine, des conservateurs aux sociaux-démocrates, en passant par les centristes et nombre d’écologistes. « On aimerait bien faire autrement mais, soyons réalistes, on ne peut pas. Il n’y aurait pas d’alternative [4] . » Jacques Généreux souligne l’énormité véhiculée par ce discours ordinaire : Si les élus ne peuvent plus rien, si leurs orientations sont déterminées par la pression des marchés et des gestionnaires de capitaux, alors «  une démocratie, même minimale est impossible ! »

Selon leur sensibilité, les partis politiques ne proposent plus que trois solutions, qui ne sont que des impasses :
— la soumission au mondialisme néolibéral (UMP),
— le repli nationaliste (FN),
— la construction d’une démocratie mondiale pour soutenir une autre mondialisation (PS et EELV).

Pour Jacques Généreux, la troisième est une fausse issue de secours aussi théorique que lointaine : personne ne croit en effet que l’on puisse infléchir les forces du marché ou la finance globale par la simple négociation ! «  Car pendant qu’ils négocient ou attendent que leurs partenaires veuillent bien négocier quelque chose, le rouleau compresseur néolibéral accomplit son office ! ». Comme la première de ces voies est celle, insoutenable, qui nous entraîne dans l’abîme d’une régression générale, et que la seconde est l’autre régression où nous mèneront tout droit des révoltes populaires si elles ne trouvent pas de débouché politique, on comprend mieux l’abattement et la résignation des populations !

Jacques Généreux propose, avec le Parti de Gauche, une quatrième voie, « celle qui combat le néolibéralisme, qui ne renvoie pas le progrès aux calendes grecques d’une démocratie mondiale, et qui refonde la souveraineté populaire sans s’abîmer dans le nationalisme » à partir des constats suivants :
— Le régime actuel n’est ni naturel ni invariable. Il est issu d’un rapport de force entre une oligarchie et les peuples.
— Toutes les contraintes économiques soit-disant incontournables ont été mises en place par les gouvernements eux-mêmes.
— Le but de ces contraintes est de briser la résistance des peuples au modèle néolibéral
— Dans les pays initiateurs de ce processus le pouvoir de l’Etat n’a pas reculé, mais a été privatisé au profit d’une minorité.

«  Ce n’est donc pas le pouvoir du politique sur l’économie qu’il faut restaurer  ». Il n’a jamais disparu. « Mais le pouvoir souverain des citoyens sur leurs gouvernements.  »

Si les dégâts sociaux sont déjà visibles de tous, le but des néolibéraux est loin d’avoir été atteint. C’est bien pour ça que « depuis quelques années, les néolibéraux tentent le passage en force [5], bravant l’impopularité, assumant le risque de perdre les élections, du moment qu’ils peuvent arracher, ici un pan supplémentaire du bien commun, là un bout de nos retraites, du moment qu’ils parviennent à livrer aux marchands un peu de nos écoles, de nos hôpitaux et de nos transports collectifs. »

S’ils prennent ce risque, c’est que le temps presse : malgré 30 années de travail de sape, les résistances des peuples sont encore importantes. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Ils comptent aussi sur l’inconsistance idéologique de la sociale-démocratie qu’ils jugent « suffisamment haïe des classes populaires pour remporter des élections  ». Au pire, en cas de victoire d’une coalition des sociaux démocrates et des écologistes, « ceux-ci n’oseraient jamais revenir sur les « réformes » néolibérales, voire y sont en partie favorables » !

Jacques Généreux n’est pas un politique mais un économiste. Vous ne trouverez donc pas dans son livre un programme ou une liste de réformes à mener. Ce programme, élaboré avec les autres composantes du Front de Gauche, a été dévoilé le 17 septembre dernier [6]. L’objet du livre — où les mythes du néolibéralisme y sont consciencieusement démontés — est de démontrer que la prétendue mondialisation n’est pas une calamité divine, mais bien un projet politiquement construit, qu’un contre-projet progressiste peut déconstruire. Sinon, c’est sûr, nous allons « boire la mondialisation jusqu’à la lie »

[1Jacques Généreux « Nous on peut ! » préface de Jean-Luc Mélenchon, éditions du Seuil

[2Qu’ils s’en aillent tous ! Editions Flammarion

[3« La Dissociété »,2006, « L’Autre Société », 2009, « La Grande Régression », 2010 Editions du Seuil

[4There is no alternative (TINA « il n’y a pas d’alternative » en français) est un slogan politique couramment attribué à Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre du Royaume-Uni qui signifie que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l’échec.

[5Passage en force du Traité Européen en 2008, passage en force de la réforme des retraites en 2010, par exemple

[6« L’Humain d’abord » Programme du Front de Gauche et de son candidat Jean-Mélenchon - Éditions Librio - 2 euros. Des extraits sont ici.


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commentaires
Nous, on peut ! - B. Javerliat - 15 février 2012 à 10:47

Pour ceux qui n’ont pas lu ce livre ou qui préfèrent la vidéo, voici des séquences où Jacques généreux parle des différents sujets de son bouquin :

http://www.placeaupeuple2012.fr/entretien-avec-jacques-genereux/

Sujets abordés :
Partie 1/14 : La mondialisation financière a-t-elle réduit les pouvoirs des États ?
Partie 2/14 : Pourquoi les États ont-ils réduit leur marge de manœuvre ?
Partie 3/14 : Une partie de la gauche ne gouverne-t-elle pas comme les libéraux ?
Partie 4/14 : D’où vient la crise ?
Partie 5/14 : Le vain interventionnisme affiché lors des G-20 n’est-il pas la preuve de la perte de pouvoir des chefs d’État ?
Partie 6/14 : Pourquoi les gouvernements n’agissent pas vraiment contre la crise ?
Partie 7/14 : Une cure d’austérité est-elle inévitable ?
Partie 8/14 : Que faire de la dette ?
Partie 9/14 : Faire marcher la planche à billets devrait entrainer de l’inflation ?
Partie 10/14 : Comment distinguer une dette illégitime d’une dette légitime ?
Partie 11/14 : L’euro n’est-il pas le grand responsable de la crise ?
Partie 12/14 : Et si on gardait une monnaie nationale ?
Partie 13/14 : Avec une banque centrale nationale on peut reprendre la main dans la politique monétaire, non ?
Partie 14/14 : Le bouleversement des possibles ?


Nous, on peut ! - rrrrr - 20 septembre 2011 à 20:48

Généreux n’est pas un politique mais il sera le ministre de l’économie du Président Mélenchon.
Un économiste ministre de l’économie cela va nous changer de Baroin l’avocat.