Patrick Cohen et Greenpeace qui décohenne...

mercredi 14 mars 2012 à 16:24, par Cyrano

Le séisme près des cotes japonaises, et le tsunami qui s’ensuivit, c’était y’a un an. Sur France 5, pour l’émission "C à vous", le vendredi 9 mars 2012, Patrick Cohen avait invité l’auteur d’un documentaire diffusé sur Canal + et Sophia Majnoni chargée des questions nucléaires pour Greenpeace.

Un échange entre Patrick Cohen et Sophia Majnoni me semble bien illustrer la relativité des informations qu’on nous propose.

Patrick Cohen : Y’a pas eu de morts – il faut quand même le rappeler – par radiation. Y’ a eu 16.000 morts du fait du séisme et du tsunami, mais pas de morts par radiation du fait de Fukushima, du fait de l’explosion de la centrale.

Sophia Majnoni : C’est intéressant en fait la façon dont vous présentez les choses. Je pense que ça révèle exactement là où est le problème. On est face à un sujet qui est très technique, face auquel on a une parole institutionnelle que parfois on a un petit peu trop tendance à prendre pour la vérité. Par exemple, vous dites : "Il n’y a pas eu de morts dus aux radiations". Bon, on sait qu’il y a eu plusieurs décès sur le site de Tepco, de travailleurs. Et, en effet, la communication permanente de tepco est de dire que ces morts ne sont pas liés aux radiations. De la même façon, l’ancien président de Tepco – que vous montrez dans votre documentaire – a un cancer aujourd’hui – qui n’est pas lié aux radiations, toujours d’après Tepco. C’est toute la difficulté de ce sujet.

Patrick Cohen : Vous, vous dites qu’il y a eu des morts par radiation ?!..

Sophia Majnoni : Moi, ce que je vous dis c’est que on a...

Patrick Cohen : : On ne peut pas prouver le contraire ?

Sophia Majnoni : ... une vision très biaisée de ce sujet. Tout simplement parce que on a un niveau à partir duquel on a une expertise scientifique et technique. On sait que à partir de 100 milli-sieverts d’exposition, on augmente le risque de cancer et on sait de combien on l’augmente. Ce qu’on ne sait pas c’est en dessous qu’est-ce qui se passe. Et la réglementation elle est faite en partant du principe qu’en dessous les effets sont proportionnels, et donc qu’il y a des effets. Donc, quand on dit, quand quelqu’un dit...

Patrick Cohen : Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas d’effets, j’ai dit qu’il n’y avait pas de morts. C’est...

Sophia Majnoni : Eh bien vous n’en savez rien ! Quand Tepco vous dit...

Patrick Cohen : Mais vous : vous ne savez pas le contraire ?

Sophia Majnoni : Eh bien exactement, mais moi je ne le présente pas de façon aussi affirmative.


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Patrick Cohen et Greenpeace qui décohenne... - bombix - 14 mars 2012 à 20:34

Des informations qui ne sont pas "relatives", mais tristement objectives et consternantes, ce sont celles qui filtrent sur la gestion du nucléaire au Japon en général, et sur les responsabilités de Tepco, la société en charge de la production d’électricité nucléaire en particulier.

Fukushima : un rapport accable les autorités et Tepco titre le Figaro. Extraits :

Impréparation :

Le QG de crise de l’exploitant était abrité dans un bâtiment qui n’était pas équipé pour résister à un niveau élevé de radiation. Aucun filtre d’épuration à air n’était installé. Tepco n’a pas envisagé de scénarios où plusieurs catastrophes survenaient en même temps (tremblement de terre, panne de courant). La préparation des employés sur les systèmes de secours à mettre en marche a été insuffisante. Ils ne disposaient d’aucun manuel. Le 12 mars, lendemain du séisme, les ouvriers de Tepco ont ainsi passé deux heures à chercher une prise pour connecter un tuyau amenant de l’eau dans le réacteur n°1. Impossible de trouver un plan.

Bordel complet :

Faute des connaissances nécessaires, les équipes au sol ont commis des erreurs. D’après le rapport, la fusion du combustible dans les réacteurs et les rejets de substances radioactives auraient pu être limités si les techniciens avaient procédé à des relâchements de pression dans les réacteurs 1 et 3 et commencé à injecter de l’eau plus tôt. Or d’après le document, les employés ne maitrisaient pas le fonctionnement du système de refroidissement d’urgence du réacteur n°1 et ne sont pas rendus immédiatement compte que la coupure du courant le rendait inopérant.

Au réacteur numéro 3, les ingénieurs ont coupé un système de refroidissement sans s’assurer qu’un moyen alternatif avait été mis en place. Le réacteur en surchauffe a été laissé sans eau pendant sept heures. « Submergés par les rapports, nous n’étions plus capables de distinguer les informations importantes qui nous auraient alertés sur ses dysfonctionnements »

Mais le plus grave n’est pt être pas encore là. Dans un autre article du Figaro (désolé, je prends l’info où je la trouve ...) on apprend en effet :

À l’emplacement du site se dressait, en effet, une falaise côtière s’élevant à environ 40m d’altitude que les Japonais ont méticuleusement découpée et creusée, au début des années 1980, pour installer leurs réacteurs à seulement 7m au-dessus du niveau de la mer. Soit quasiment les pieds dans l’eau et, en tout cas, trois à cinq mètres plus bas que la vague meurtrière…

Pourquoi avoir détruit cette protection naturelle, bien plus efficace que n’importe quelle digue, dans une région pourtant réputée pour sa sismicité et la survenue fréquente de tsunamis ? Essentiellement, pour ne pas avoir à pomper l’eau de mer sur une trop grande hauteur car l’opération, coûteuse en énergie, aurait grevé le rendement futur de la centrale. Certes, mais quitte à perdre un peu de rentabilité, les ingénieurs japonais auraient très bien pu préserver quelques mètres supplémentaires de falaise et mettre ainsi les réacteurs hors d’atteinte…

Pour résumer : imbécillité + incompétence, joints à la volonté de faire un maximum de fric quitte à prendre des risques ahurissants (le Japon est le pays des tsunamis ... c’est dans leur culture et leur histoire ... ils ne peuvent pas ne pas y penser ... or ces centrales ont été fabriquées par des japonais) conduisent au résultat qu’on connaît. Le nord du Japon sinistré pour des dizaines de milliers d’années, des tonnes de déchets radioactifs rejetés dans la mer, des centaines de milliers de cancers à venir, des dizaines d’années pour réhabiliter le site.

Quelqu’un disait que la guerre était une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires. L’électricité nucléaire est aussi une chose trop sérieuse pour la confier à des industriels capitalistes. Sarkozy a répété que Fukushima n’était pas un "accident nucléaire" mais une "catastrophe naturelle", façon de dire que la technologie n’était pas en cause. Comme si "la technologie" pouvait être considérée isolément du système dans lequel elle s’intègre ! En un sens, oui, Fukushima n’est pas un « accident nucléaire ». C’est bien pire et bien plus inquiétant : c’est un accident inhérent à l’industrie nucléaire et à ses modes de fonctionnement.

Plutôt donc que d’ironiser sur les peurs irrationnelles qu’engendre le nucléaire chez des gens de Greenpeace — après tout possibles — il serait plus utile de focaliser sur les angoisses très rationnelles que l’on peut éprouver lorsqu’on sait qu’on laisse des Tepco et des Areva — dont l’objectif est encore et toujours : le profit, le profit, le profit — jouer avec la santé de l’humanité, sans contrôle aucun sur leurs activités dangereuses.

Il faut rappeler en effet, avant toute discussion sur le nucléaire, que le problème se présentait (au passé) ainsi : risque infini pour probabilité infime. Or, après Fukushima, on sait que "probabilité infime" était un acte de foi et non une connaissance. Le nucléaire c’est désormais probabilité non négligeable et risque infini. Or, nous prenons des risques non seulement pour nous, mais pour ceux qui viennent après nous. C’est à dire sans leur demander leur avis. C’est à dire sans en avoir le droit.


Patrick Cohen et Greenpeace qui décohenne... - bombix - 15 mars 2012 à  07:50

Chernobyl legacy : Le travail de Fusco nous oblige à nous souvenir d’un cauchemar majeur que nous voulons oublier — oubli qui met en péril et notre moralité, et notre futur.

D’autre part l’affirmation selon laquelle il n’y a pas eu de morts par radiation à Fukushima est fausse. Il y a eu au moins plusieurs morts parmi les ouvriers qui travaillent sur le site — les liquidateurs — dont on ne parle jamais. D’autre part, c’est fallacieux, et pour tout dire malhonnête, quand on sait le mode d’action des rayonnement ionisants. La catastrophe est continuée, à la différence du tsunami. Les morts, les malades et les infirmes, c’est pour demain.

C’est pour cela qu’il n’est pas inutile de revenir sur Tchernobyl ... dont on n’est toujours pas sorti. Il faut rappeler qu’aucun bilan n’a été fait pour les pays européens. Sans thermomètre, pas de maladie.

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Patrick Cohen et Greenpeace qui décohenne... - Cyrano - 15 mars 2012 à  10:34

« ... dont on ne parle jamais. »... Mais pas vraiment jamais alors ? puisque ça permet de dire que « l’affirmation selon laquelle il n’y a pas eu de morts par radiation à Fukushima est fausse. » Et voilà, et on se retrouve exactement comme dans l’émission dont je citais un extrait... Comme quoi, l’extrait est bien symptomatique d’un mode de communication. Et où sont ces morts ? Je n’arrive pas à comprendre pourquoi on a besoin de morts à tout prix, quitte à peut-être les inventer.

En Inde, à Bhopal, dans une entreprise de pesticides du groupe américain Union Carbide, l’échappement d’un gaz toxique fait plusieurs milliers de morts en 1984. Ou bien, tout bêtement, en 2004, l’explosion d’un gazoduc en Belgique fait 24 morts. Et chez nous, l’explosion dans l’usine AZF de Toulouse en 2001 entraîne la mort de 30 personnes. Voilà, ça, se sont des morts, des vrais.

Avoir un point de vue sur un sujet qui tient à coeur, c’est légitime, mais pourquoi se servir de la langue de bois ? Et on invente 10.000 manifestants quand y’en a 5.000 – c’est le même processus pas honnête. Même pour une cause qui me serait chère, je ne serais pas d’accord avec cette petite tricherie de la réalité - comme la porte-parole de Greenpeace semble s’accommoder.

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Patrick Cohen et Greenpeace qui décohenne... - bombix - 15 mars 2012 à  13:18

En Inde, à Bhopal, dans une entreprise de pesticides du groupe américain Union Carbide, l’échappement d’un gaz toxique fait plusieurs milliers de morts en 1984. Ou bien, tout bêtement, en 2004, l’explosion d’un gazoduc en Belgique fait 24 morts. Et chez nous, l’explosion dans l’usine AZF de Toulouse en 2001 entraîne la mort de 30 personnes. Voilà, ça, se sont des morts, des vrais.

Et Tchernobyl, pas de morts, pas de vrais morts ? Pas de gens empoisonnés, liquidés, éreintés ? Pas une région, l’Ukraine, éreintée par la charge financière de maintenance de la zone de mort, pendant des dizaines, voire des centaines d’années ?

L’explosion de Fukushima n’a pas fait de morts sur le moment. OK. Et alors, on en déduit que l’industrie nucléaire n’est pas dangereuse. Que les milliers de tonnes d’eau contaminées déversées dans la mer n’auront pas de conséquences ? Que le terres du nord du Japon contaminées n’empoisonneront pas les gens ? Suffit de faire comme l’autruche : enfoncer sa tête dans le sable et ouvrir bien grand son fion en répétant : l’industrie nucléaire est une énergie propre. Continuons. Et fin de la conversation.

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