Hollande, on n’en fera pas tout un fromage...
Qui l’eut cru ? Qui pouvait penser début 2011 que François Hollande serait en passe de devenir Président de la République à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle 2012 et à un peu plus de deux semaines du second tour ? Personne. Peut-être même pas lui. Une femme de ménage new-yorkaise et une primaire socialiste plus loin, l’impensable est devenu possible. On s’attendait à ce que le favori des sondages depuis des mois se fasse secouer pendant la campagne et perde son statut de favori. Il n’en a rien été. Comment expliquer cela ? Difficile. En tout cas, ce n’est certainement pas son programme qui justifie son succès virtuel jusqu’à présent.
Il l’a dit, il s’est préparé à cette campagne présidentielle, psychologiquement et même, physiquement. François Hollande a également tiré du programme tiédasse du Parti Socialiste, son propre programme. Un programme qui se veut raisonnable pour un candidat normal, un candidat que l’on peut même qualifier de quelconque tellement il est fade, sans goût et sans saveur. Depuis le début de la campagne, François Hollande cherche à en dire le moins possible et tente de tirer parti au maximum du rejet massif de Nicolas Sarkozy. Il mène donc une campagne pépère. Il déroule ses 60 propositions tranquillement, on pourrait presque oublier qu’il est socialiste.
Un programme de gauche pâle
Alors 60 propositions, c’est déjà le double par rapport au président sortant, Nicolas Sarkozy. C’est pratiquement deux fois moins que les 110 propositions pour la France de François Mitterrand en 1981, le dernier président issu du Parti Socialiste. Voilà pour la quantité. Quant à la qualité, le jugement est plus compliqué.
Comme l’autre François, Bayrou, François Hollande veut redresser la France [1]. Mais il ajoute « dans la justice » ce qui sied certainement à la messe socialiste. Le redressement de la France, ce sont 13 mesures pour « relancer la production, l’emploi et la croissance », « défendre l’agriculture française », « mettre les banques au service de l’économie », « redresser nos finances publiques » et enfin « réorienter la construction européenne ». Parmi ces mesures, rien de révolutionnaire que du gestionnaire et du bien sage : création d’une banque publique d’investissement (style Oséo ?), engager un mouvement de relocalisation des usines, soutenir les nouvelles technologies et l’économie numérique, préserver les entreprises publiques, séparer les activités d’investissement des banques des activités spéculatives, rétablir l’équilibre budgétaire d’ici 2017 etc.
Viennent ensuite les mesures de « justice », comprendre justice sociale. Ce sont pas moins de 18 mesures qui sont proposées à cet effet. Tout d’abord, François Hollande se fait plaisir et propose « une grande réforme fiscale ». La fiscalité, c’est son dada. Alors, bien sûr, on rétablit la justice fiscale en faisant payer plus les plus fortunés. C’est aussi la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG et l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 25% avec en parallèle la baisse du quotient familiale des plus aisés. Au rayon justice sociale, on trouve également la « renégociation d’une nouvelle réforme des retraites » [2], « renouer avec l’excellence de notre système de santé et renforcer l’hôpital public », « construire plus de logements », « faire prévaloir la justice au travail », « réinstaurer la justice dans tous nos territoires »,
« lutter sans concession contre toutes les discriminations et ouvrir de nouveaux droits ». Le volet « justice » du programme de Hollande est légèrement plus convaincant que le volet économique avec par exemple la construction de 2,5 millions de logements et le droit au mariage et à l’adoption des couples homosexuels. Mais là encore, les mesures proposées sont très prudentes, on ne s’autorise aucune folie.
Deux autres grands thèmes composent le programme de François Hollande : il veut « redonner espoir aux nouvelles générations » (12 propositions) et « une république exemplaire et une France qui fasse entendre sa voix » (14 mesures). Dans le premier thème on retrouve la priorité donnée à la jeunesse et à l’éducation avec la mesure phare de création de 60 000 postes dans l’éducation nationale. La volonté est de combattre le chômage des jeunes mais aussi celui des seniors. Dans le second, on retrouve la laïcité, l’impartialité de l’État, l’intégrité des élus, la démocratie...
Hollande, l’imposture du changement
Une chose est certaine, avec François Hollande, la vie ne change pas. Mais elle pourrait légèrement s’adoucir. Clairement, à la lecture de son programme, on peut dire que le slogan de François Hollande, « le changement c’est maintenant » est une imposture si on prend ce changement pour changement de la vie des français. Il est exact si on le prend pour changement de Président de la République...et c’est d’ailleurs certainement de cette façon que le comprennent les français.
Un programme de second tour
Le programme de François Hollande est sage, très sage. Il ne bouscule rien. Il ne devrait pas déplaire à grand monde. Mais il ne va pas soulever les foules, ça c’est certain. Avec Hollande, on va retrouver un Chirac de gauche. Finie la république hystérique de Sarkozy. C’est bien cela qu’on lit à travers le programme de François Hollande. Hollande, c’est la France paisible, celle qui dialogue, qui écoute, qui prend son temps. Mais malheureusement, c’est aussi une France qui mettra du temps à résorber le chômage et la crise...si toutefois elle y parvient. Conclusion, le programme de François Hollande est un programme calibré pour le second tour de l’élection présidentielle, un programme calibré pour ne pas fâcher mais donner un peu espoir...un peu seulement. Ce n’est pas un grand programme de gauche même s’il est fortement teinté de social. C’est un programme de centre-gauche, social-démocrate. Pour un vrai programme de gauche, il faudra certainement se tourner vers d’autres candidats. S’il est élu, ce sera certainement sans illusion pour la majorité des français. Hollande président, on n’en fera pas tout un fromage...