À propos de « l’emprise numérique » de Cédric Biagini

Vers un retour à l’homme prénumérique ?

mercredi 17 avril 2013 à 13:33, par Mister K

Il y a quelques semaines, à l’occasion de la venue de Cédric Biagini à Bourges pour un café décroissant, Bombix nous proposait une chronique sur le livre que Cédric Biagini venait d’écrire, « l’emprise numérique » avec un sous-titre choc : « Comment internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies ». Cet article ne pouvait que nous interpeller et à sa lecture, on pouvait légitimement avoir quelques doutes sur les thèses présentées dans le livre chroniqué.

Histoire de l’achat d’un objet, un livre

Vers un retour à l'homme prénumérique ?
Heraclès en train de combattre l’Hydre de Lerne avec un gourdin. Source Wikipédia

La (re)lecture de la quatrième de couverture du livre de Biagini m’a ramené quelques mois en arrière quand dans la librairie, j’avais d’abord été attiré par le titre de cet ouvrage mais que j’avais reposé à la lecture de ce qui aurait dû m’accrocher. En cause la dernière phrase de cette présentation : « Pour rester dans la course et tenter de maîtriser un réel qui lui échappe, il [1] multiplie les machines. Mais ce sont elles qui désormais le possèdent ». Celle-ci m’avait parue excessive et j’avais donc douté du sérieux du bouquin. J’avais dû feuilleter le contenu qui m’avait paru, a priori, présenter peu d’intérêt. Quelques mois plus tard, en relisant la présentation de ce même bouquin, j’ai eu la même sensation...sauf que cette fois, je l’ai acheté pour en faire la critique.

Il s’agit d’un bouquin orange qui ne peut passer inaperçu, de plus de 440 pages notes comprises, une présentation soignée, propre, avec une couverture qui détourne les codes des anciennes publicités Apple pour l’iPod. Les codes du marketing sont repris, mais c’est pour la bonne cause on imagine. Le livre est écrit dans un français limpide et se lit très facilement. Bref, le bouquin est facile d’accès. Bien entendu, impossible d’en trouver une version numérique [2], l’objet livre s’impose même si, bizarrement, chaque chapitre commence par un titre avec une suite de mots clés, utilisant une logique très proche de ce qui est désormais utilisé sur internet afin de faciliter les recherches des internautes dans Google...sachant que sur papier, c’est à peu près inutilisable, on a du mal à comprendre l’intérêt si ce n’est s’adapter éventuellement à une lecture rapide. C’est le second paradoxe. L’ouvrage se compose de 11 chapitres répartis en trois parties, d’une introduction et d’une conclusion.

L’introduction

Dès la page huit du bouquin, on comprend que l’auteur ne présente que ce qui l’arrange et qu’il ne va pas falloir compter sur lui pour une once d’objectivité. Ce passage sur les supports musicaux est édifiant : « Jusqu’à récemment, et aujourd’hui encore dans certains domaines comme le livre, un certain type d’informations était associé à un support physique donné, qui avait ses propres caractéristiques et évoluait dans un univers culturel particulier. La presse était imprimée sur du papier, selon certains formats en fonction de la périodicité (journal, magazine, revue etc.). La musique s’écoutait à partir de disques vinyles ou de bande magnétiques, et un cours ne pouvait être délivré que par un humain en chair et en os, dans un espace dédié à l’enseignement ».
Oui, vous avez bien lu, Biagani fait tout simplement l’impasse au niveau des supports musicaux sur le disque compact, le fameux CD qui s’est démocratisé depuis le milieu des années 1980. Oubli ? Certainement pas. Le CD a certainement le gros défaut pour Biagini d’être numérique et en plus, n’a pas fondamentalement changé les habitudes des hommes via son adoption. Il a seulement permis d’enrichir les multinationales de l’industrie musicale. Sauf erreur de ma part, Biagini ne parle nul part de l’objet CD dans son livre. Il regrette seulement que « Le « nomadisme » des lecteurs MP3, en premier lieu de l’iPod, et leur capacité à stocker des milliers de chansons et à les acquérir notamment par le piratage, a fait passer la piètre qualité du son au second plan [3] ». Oui, c’est sûr que les vinyles, qui avaient certes un certain style, et surtout les bandes magnétiques rendaient une excellente qualité de son...

Dans cet introduction, Biagini présente classiquement le contenu de son ouvrage avec un esprit critique sélectif selon les sujets et surtout un vocabulaire choisi. Il n’hésite pas à parler de machines pensantes [4] même si en 2013, les machines ne pensent pas. Trouver des aspects positifs à la technique fait immédiatement de vous au choix un technolâtre, un technofanatique ou un suppôt de la technoscience qu’il accuse de ne supporter aucune critique [5]. Dès la page trente-un de l’ouvrage, on comprend que Biagini, on est avec lui ou contre lui, le passage sur Andrew Keen qui après un début de critiques sur les NTIC « rend les armes » le démontre [6]. Bref, dès l’introduction, on est un peu abasourdi par le manque d’argumentation et d’esprit critique de ses thèses. On s’attend à une lecture un peu pénible même si à ce stade, on espère beaucoup plus d’arguments dans le cœur du livre. Pour Biagini, « C’est en allant puiser dans les traditions de pensée anti-industrielles, de critique du Progrès et de la société de masse, mais aussi dans les réflexions de certaines composantes du mouvement libertaire - au sein duquel je milite depuis une vingtaine d’années - que toutes celles et tous ceux qui se revendiquent l’antiproductivisme, de l’écologie radicale ou de la décroissance pourront refonder un mouvement critique de la technoscience et de la société capitaliste. Un travail intellectuel et politique considérable reste à mener pour contrer l’emprise numérique. Espérons que ce livre, malgré toutes ses limites, y contribuera [7] ».

À ce stade, on se dit que ce n’est vraiment pas gagné...

Le déferlement du numérique

Pour illustrer le déferlement du numérique, Biagini a choisi quatre sujets qui font chacun l’objet d’un chapitre : l’e-book, la lecture numérique, l’école et Facebook.

E-book. L’obsession du choix des mots est confirmé à la page 40 quand il s’agit de choisir un nom à ce que l’on nomme couramment une liseuse : « Dans ce livre, nous avons choisi d’utiliser le mot reader plutôt que liseuse, car la connotation de ce mot renvoie à ce que nous pensons qui la définit vraiment : une carcasse pleine de microprocesseurs ». À la lecture de cette phrase, il est difficile de ne pas éclater de rire. On a l’impression que pour Biagini, un microprocesseur dans un objet c’est un peu comme trouver un rat dans sa soupe. Alors bien entendu, il n’est pas difficile de nous convaincre de la supériorité du livre sur l’e-book, pardon, le reader. Par contre, Biagini ne trouve pas le moindre point positif à cet outil éminemment technologique. Et pourtant, il y en a. On décèle chez Biagini une vision assez élitiste de la société. Par exemple quand il défend « la chaîne du livre », il y a pour lui les sachants, ceux qui font autorité (ici les libraires) et les autres [8]. Un peu plus loin, l’auteur semble regretter que « Le numérique offre la possibilité de se passer de ce type d’intermédiaires » [9]. Il semble qu’il n’est jamais venu à l’esprit de Biagini que de nombreux auteurs n’ont jamais pu être publiés du fait de ce qu’il nomme « La chaîne d’une livre » [10] qui si elle comporte des artisans, comporte aussi beaucoup d’industriels. Le monde du livre est jugé comme idéal. Bien entendu, il n’est pas si idéal que cela. Mais pour les besoins de la cause, on l’oublie. L’importance du statut pour Biagini se confirme quand il met en doute la valeur de Wikipédia puisque aucune personne prédéterminée ne peut décider de la validité des articles. [11]. Biagini préfère visiblement le statut à une intelligence collective, diffuse et non identifiable. Donc un auteur édité par un éditeur professionnel sera, pour lui, forcément plus pertinent qu’un auteur qui s’autopublie. Cette logique de statut est quand même particulièrement détestable, d’autant plus qu’après, il fait l’apologie de l’encyclopédie Britannica non pas sur son résultat intrinsèque mais sur le fait qu’il y a des professionnels à plein temps payés pour la produire [12]. Ouai, ouai, ouai...

La lecture numérique. De l’e-book, on passe en douceur à la lecture numérique. Là encore, on sombre souvent dans la caricature et dans le mélange. Biagini mélange par exemple, volontairement ou pas, la lecture d’un livre sur une liseuse et la lecture sur un site web. Il est évident que les deux types de lecture ne peuvent être mélangés. Autant un ouvrage de type roman ou essai se lit au calme de façon linéaire, autant une recherche sur internet où l’objectif est de trouver de l’information rapidement entraîne un lecture sélective. On dit d’ailleurs alors, que l’on surf sur le web, ce qui veut bien dire ce que cela veut dire. Une lecture sur le web n’interdit évidemment pas une lecture linéaire sur des supports appropriés, livres ou liseuses. Biagini attribue cette lecture-zapping aux outils numériques. Pourtant, la lecture en diagonale (ou lecture rapide) est une technique qui ne date pas du numérique et qui s’applique aussi bien aux livres. Autre méfait que Biagini attribue au numérique, le manque de concentration des élèves lors des cours [13]. Sauf que de nombreuses personnes ont été élève bien avant « le déferlement du numérique », et les occasions étaient déjà nombreuses de ne pas être concentré...ou de dormir pendant les cours. Il suffisait parfois de deux stylos et d’une feuille de papier pour que deux élèves jouent au morpion pendant de nombreuses heures de cours. Mais Biagini, lui, était certainement plus sérieux et concentré que nous...

L’école. Du livre, on passe à l’école que les nouvelles technologies sont accusées de tuer, ni plus ni moins. Bon, sans entrer dans le détail, s’il suffisait de supprimer les nouvelles technologies pour régler tous les problèmes de l’école, ça se saurait. Mais les technologies numériques ont le dos large. Par exemple, Biagini regrette que l’école prépare à l’entreprise et donc aux TIC [14]. La question est : est-ce que le numérique est vraiment responsable de ce fait ? A priori, non. La question de savoir si l’enseignement doit préparer à l’entreprise ou plutôt éduquer, cultiver l’élève n’est pas nouvelle. Le numérique n’est qu’un élément et il n’est pas central. Pour le reste, Biagini affirme mais ne démontre rien (« ses manières d’être, de sentir, de penser seront déterminées par la technologie »). Le numérique est accusé à tort et à travers, par exemple de générer la baisse des effectifs [15]. Peu importe s’il s’agissait d’un choix idéologique de Sarkozy de baisser le nombre de fonctionnaire (les profs n’étaient pas les seuls touchés) et peu importe si la dévalorisation du métier de l’enseignement, les salaires relativement faibles sont certainement des sources des difficultés à recruter aujourd’hui. Biagini n’explique pas en quoi le numérique serait responsable ou co-responsable de cette situation. Selon lui les TIC concourent à la prolétarisation des enseignants [16]. Bon, il est vraiment sérieux Biagini ? A-t-il déjà rencontré un vrai prolétaire, un ouvrier ? Il a idée de la difficulté de travailler 39 heures par semaine à la chaîne ou sur un chantier, avec des objectifs quantitatifs à atteindre, les efforts physiques que cela demande, la fatigue que cela génère ? Prof n’est sûrement pas un métier facile. Mais de là à considérer les profs comme en voie de prolétarisation, du fait du numérique ou pas, il ne faut pas déconner. Mais bon, là encore, on ne voit pas en quoi le numérique serait responsable de cela et Biagini ne l’explique pas véritablement. Il considère seulement la perte potentielle de liberté du professeur [17] qui serait plus fliqué à cause d’un cahier de texte numérique plutôt que papier. On est un peu subjugué que la connaissance des parents ou l’administration sur l’activité de la classe soit vu comme un danger potentiel. Biagini affirme que le numérique va générer une perte l’autonomie des professeurs [18]. C’est à croire que les programmes de l’éducation nationale sont arrivés avec le numérique. Comment faisait-on ou comment fait-on avec les livres ? Un prof qui gérait sa marge d’autonomie avec des livres en fera de même avec les outils informatiques. Des livres dont les contenus respectent en théorie le programme de l’éducation nationale. Et les « quelques spécialistes du secteur éducatif ayant reçu l’imprimatur de l’Éducation Nationale » sont la plupart du temps d’anciens enseignants. Bref, utiliser un livre ou un outil numérique ne changera rien. Par contre, on peut s’étonner que Biagini s’inquiète plus de l’impact du numérique sur les profs que sur les élèves. Certainement que les élèves sont de toute façon trop abrutis par Facebook ?

Facebook. Le chapitre dédié à Facebook n’apprend rien, on ne peut qu’être d’accord avec les constats de Biagini même si, sa tendance à noircir le tableau est encore bien présente.

Les illusions numériques

Nouvelles utopies technologiques. Il faut arriver à la page 204 de l’ouvrage de Biagini pour enfin, lire une objection à sa logique : « (...) ceux qui ne cessent de glorifier les nouvelles technologies, qu’ils considèrent comme porteuses en elles-mêmes d’un monde merveilleux répondent à toute critique de celles-ci par ce poncif : « Il ne faut pas incriminer une technologie en elle-même, qui n’est ni bonne ni mauvaise, mais seulement l’usage qui en est fait ». Cette aporie empêche tout débat constructif. Ce dernier ne peut découler que d’un positionnement clair : soit les technologies sont neutres et il n’y a aucune raison de prétendre que la télévision aliène tandis qu’internet émancipe, soit les technologies portent en elles-mêmes un imaginaire et créent de nouveaux agencement sociaux, et l’on peut alors en faire la critique ». Déjà, qui a dit que la technologie est porteuses d’un monde « merveilleux » ? Un des défauts du bouquin est qu’il caricature sans arrêt. En quoi, dire que la technologie n’est ni bonne ni mauvaise est un poncif ? Pourquoi l’usage qui en est fait ne serait pas un critère ? Et pourquoi ce poncif, si poncif il y a, empêcherait tout débat ? Le vrai débat, il devrait être sur les usages. Mais que les technologies soient neutres ou non, on peut en faire la critique. Mais elle nous ramènera fatalement sur les usages parce que sinon, on décrète que tout appareil numérique est potentiellement porteur de choses négatives...et on conclut éventuellement qu’il faut s’en passer totalement, y compris des bénéfices éventuels. Arrivés à la page 204 du bouquin, on ne sait toujours pas ce que veux l’auteur et où il veut nous emmener. L’auteur n’argumentant que très peu [19] mais affirmant beaucoup, il n’y a d’ailleurs pas grand chose à débattre arrivé à ce stade. Biagini veut nous convaincre que les bénéfices du numérique ne seraient qu’illusions. Et il fait feu de tout bois, sans argumenter. Il cite par exemple Eva Joly qui prône la libération des données publiques [20] et se désole de son peu d’esprit critique. Pourquoi la position d’Eva Joly serait-elle choquante ? Pourquoi est-il logique de payer par exemple des cartes IGN quand on sait que l’IGN est financé par l’argent public ? Est-il logique de devoir payer une carte IGN comme on paierait une carte Michelin ? Pourquoi le citoyen n’aurait pas accès aux données publiques ? Quelles sont les bonnes raisons d’être contre cet avis d’Eva Joly ? On le saura certainement un jour, mais pas en lisant le bouquin de Biagini qui se contente d’être contre. Pourquoi ? Ben parce que !

Alors le numérique serait la source de faux espoirs et générerait une impuissance politique. [21]. En quoi cette dichotomie entre possibilités et résultats serait spécifique au communicationnel ou au numérique ? En quoi l’impuissance politique serait liée au numérique ? Quand il y a des centaines de milliers de manifestants dans la rue contre la réforme des retraites et que cela ne change rien, n’est-ce pas de l’impuissance politique dans toute sa splendeur ? Bref, il faudrait être un peu sérieux...l’impuissance politique n’est pas d’aujourd’hui et n’a aucun rapport avec le numérique. De plus, mine de rien, un certain nombre d’informations ne passent que par le web et se propagent via le web. Un certain nombre de gens affirment ou ont affirmés que le non au TCE en 2005 était en partie lié à l’activisme de certains militants sur internet. C’est peut-être totalement faux. Mais c’est peut-être au moins en partie vrai... N’empêche qu’à l’époque, tous les médias institutionnels étaient pour le TCE et qu’au final, c’est le non qui l’a emporté.

Le mythe de l’e-révolution. Alors, Biagini tente de démonter le mythe de la e-révolution et prend l’exemple de la Tunisie [22] Bon, la Tunisie a été effectivement un exemple d’une surévaluation des effets de Twitter et Facebook. Il est évident que la plupart des tunisiens n’étaient pas équipés de téléphones portables avec accès internet et donc, que le phénomène Facebook et Twitter a été grandement exagéré. Seuls des jeunes étudiants des classes moyennes ou aisées pouvaient en être équipés. Qui, sérieusement, pourrait nier cela ou qui l’a nié ? Personne. Bref, il n’y a pas de débat. On pourra juste nuancer le propos quand même : en Tunisie, ce ne sont pas forcément les couches populaires qui ont été à l’origine du mouvement mais plutôt les classes moyennes et éduquées semble-t-il. Et on fera juste remarquer que les outils numériques ont été des outils de mobilisation parmi d’autres certainement. Mais ils ont joué un rôle, certes plus modeste que ce que l’on nous a dit dans les journaux. Le nier serait quand même un peu gros. Mais évidemment, avec ou sans Facebook, des révolutions ont eu lieu et auront lieu. Biagini nous rappelle qu’il y a eu des révolutions avant l’apparition du numérique [23]. On pourrait juste suggérer à Biagini que si tous ces outils avaient existé, nul doute qu’ils auraient été utilisés. Comme de simples outils, certes, ni plus ni moins. Alors oui, en Tunisie, « le rôle des technologies et de quelques cyberactivistes a été aussi exagéré que celui des jeunes révoltés, des syndicalistes et des militants a été minoré, tout comme a été nié l’implantation des mouvements islamistes dans les sociétés tunisienne et égyptienne » [24]. Mais il s’agit là d’un problème de traitement de l’information. On fera remarquer avec malice, qu’il s’agit d’un traitement humain de l’information. Les machines et le numérique n’y sont pour rien. Biagini rappelle qu’Internet s’il apporte parfois l’illusion du bien, apporte sûrement le mal comme la délation en Chine [25]. Oui, mais cela signifie que si la Thaïlande et la Chine, surtout le Chine, sont réticents (euphémisme) par rapport Internet, ils savent s’en servir à leur profit. On en revient à l’usage...Pour eux, il s’agit d’un outil aussi. Faudrait-il leur laisser ?

On a alors droit a un petit tacle aux Anonymous qui « (...) participent à une révolution culturelle visant à éradiquer les obstacles historiques qui empêchent la libre circulation des fichiers numériques. L’argent ne se fait plus avec les contenus en tant que tels mais avec ce que l’on paie pour y avoir accès (fournisseur d’accès, opérateur téléphonique...) et par l’achat de prothèses technologiques toujours plus nombreuses (tablettes graphiques, smartphones, consoles...). La nouvelle bourgeoisie numérique a compris qu’il fallait détruire tout ce qui pouvait freiner sa marche en avant. Notamment le droit d’auteur et les supports qui lui sont associés. » [26]. Ceci est une complète interprétation de Biagini qui affirme encore et toujours. Les Anonymous, personne ne sait exactement qui ils sont, ils sont très divers : de tous pays, de tous ages, de tous niveaux culturels et sociaux, et avec des maîtrises techniques très diverses (du simple utilisateur au hacker). Il est dès lors intéressant de voir que Biagini parle de « bourgeoisie numérique ». Les Anonymous ne sont pas tous issus de la bourgeoisie économique ou culturelle, à partir de là, le mot est choisi pour dénigrer ces gens et les associer aux bourgeois bien connus de 1789 jusqu’à nos jours. Après, dire que tous les Anonymous souhaitent la disparition du droit d’auteur est faux. Certes, leurs pratiques d’échange pourraient le laisser penser. Mais il faudrait peut-être étudier qui sont les Anonymous, leur poser des questions et on se rendrait alors compte que les motivations, les engagements et les avis sont très divers. Et donc, à partir de là, les mettre tous dans le même panier est assez abusif. Anonymous est une bannière derrière laquelle se mettent un certain nombre de citoyens pour une action ou un temps donné. Rien de plus. La logique est pour le coup, purement libertaire, incontrôlable et incontrôlée. Toutes les affirmations de ce style sur les Anonymous sont forcément fausses. Celle de Biagini ne fait pas exception.

Le renouveau des théories ultralibérales. Après tous ces dénigrements sur les actions politiques utilisant internet, comment Biagini pourrait-il définitivement décrédibiliser tous ces chantres de la e-révolution ? En les classant dans les ultralibéraux, les libertariens. Là, l’auteur se livre a un exercice particulièrement malhonnête de généralisation en partant de quelques exemples le plus souvent américains. Et pour cause, des libertariens, à part aux États-Unis, on en trouve assez peu ailleurs. Et par chance, il fait d’une pierre deux coups en dégommant Wikipédia dans le même temps : « On trouve parmi eux des gens comme Jimmy Wales, le cofondateur de l’intouchable Wikipédia, l’encyclopédie en ligne qui aurait "révolutionné l’accès au savoir" ». Alors, Wales serait un salaud de libéral ou un libertarien, conclusion, tout ce qu’il ferait serait sujet à caution. Contre un tel esprit d’ouverture, on ne peut ni discuter ni lutter. Autres militants des libertés sur internet à en prendre un coup derrière les oreilles, les militants du Parti Pirate. Cet exemple est choisi alors que le Parti Pirate ne représente pas grand monde et que surtout, il est très discuté y compris (surtout ?) parmi les technofanatiques ou les technidolâtres. Mais ce n’est pas grave : « comme les libertariens, les Pirates voient des atteintes graves à la vie privée partout et la surveillance omniprésente : « le déploiement irraisonné de la vidéosurveillance, de fichiers croisés et de bases de données interconnectées sans réel contrôle démocratique, met en place une infrastructure préoccupante qui, outre qu’elle n’a jamais fait ses preuves, pourrait facilement être un jour au service d’une société sécuritaire, voire fascisante » (déclaration de politique générale du Parti Pirate). C’est une position schizophrène : plus d’ordinateurs, de mise en réseau, de transparence et moins de fichage et de contrôle ! ». Oui, cela peut paraître étrange à Biagini, mais on peut voir des aspects positifs à la technique et y voir aussi des risques. Oui, la nuance existe. Ce n’est pas de la schizophrénie, juste l’utilisation de quelques neurones qui n’ont pas été grillés par les écrans numériques.

Le capitalisme numérique

La grande régression. C’est clairement la partie la plus mauvaise du livre et la plus pénibles à lire. Il y a tout un chapitre sur la régression des adultes : en gros, les joujoux technologiques nous maintiendraient en état d’adulescent. Bon, il ne faut pas exagérer...passé un certain age, la sur-utilisation des objets numériques s’efface derrière les préoccupations d’adulte : trouver un boulot, payer un loyer, le mari, la femme, les enfants, la voiture et le chien...Le numérique ne remet pas cela en cause. Mais Biagini aime les caricatures, pour lui, un geek passe sa vie derrière un ordinateur et ne connaît pas le monde [27]. Sérieusement, il en connaît beaucoup des gens comme cela ? Des ados, peut-être, et encore, caricaturaux à ce point, ça ne doit pas non plus courir les rues. Et de renchérir avec les fondateurs de Google accusés d’être rien de moins que le moteur du nouveau capitalisme [28]. Sur quoi Biagini se base-t-il pour dire cela ? A-t-il déjà rencontré un vrai geek ou parle-t-il d’une caricature que l’on en fait ? Là encore, l’auteur n’est pas crédible. Il parle de ce qu’il ne connaît pas. On ne peut pas faire pire.

Le temps de la démesure. Il faut dire que le numérique semble vraiment faire tourner la tête à Biagini, la démesure des chiffres qu’ils génèrent, les millions d’utilisateurs d’applications et outils l’indisposent [29]. Et 7 milliards d’êtres humains, ça ne lui fait pas peur ? Car pour remettre en perspective ces chiffres, il faut le rapporter au nombre d’habitants sur cette planète : sept milliards !

La domination des machines. Si cette partie est la plus mauvaise, c’est qu’elle comporte un chapitre sur « la domination des machines ». Pour affirmer cela, Biagini convoque les transhumanistes,« (Selon les tranhumanistes) les machines surpuissantes domineront le monde. C’est d’ailleurs une analyse que l’on peut partager, malgré ses extravagances, mais pour en tirer des conclusions contraires quand à l’action à mener » [30]. Deux choses l’une. Soit cette analyse est extravagante et on ne peut pas la partager. En fait, elle est délirante. Soit elle ne l’est pas. Mais elle arrange bien l’auteur puisqu’elle ne peut que faire peur. Et une fois que le délire a commencé, on ne l’arrête plus : « Et il semblerait que nous n’ayons pas le choix car, d’après Kevin Warwick, scientifique britannique et premier cyborg - il s’est implanté une puce dans le bras pour mieux comprendre les liens homme-machine - : « La technologie risque de se retourner contre nous. Sauf si nous fusionnons avec elle. Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur ». Bill Joy, cofondateur de Sun Microsystems, ancien grand manitou des nouvelles technologies, est beaucoup moins enthousiaste dans son texte retentissant « Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous » : « Les technologies les plus puissantes du XXIè siècle : le génie génétique, la robotique, et les naotechnologies, menacent l’extinction de l’espèce humaine. » en tout cas, celle que nous avons connue jusqu’ici... ». Oui, humain de 2013, futurs chimpanzés, vous pouvez trembler !

Conclusion

On arrive à la conclusion de l’ouvrage sans savoir précisément où veut en venir l’auteur, ce qu’il propose. Heureusement, cette conclusion nous éclaire un peu même si elle ne justifie pas un livre de plus de 440 pages.
Selon Biagini, la radicalité présente dans ce livre s’explique « Parce que nous utilisons les nouvelles technologies, les technolâtres voudraient nous interdire d’en faire la critique alors que justement, nous sommes d’autant plus virulents que nous y sommes de plus en plus contraints. Sans parler de nos enfants qui seront bientôt condamnés à apprendre sur des machines ». Il faudrait compter les "nous" quand même. Une question se pose : pourquoi ne nommerait-on pas ces "nous" de "technophobes" ou de "réactionnaires" si les autres sont des "technolâtres", des "technofanatiques", "des utilisateurs de prothèse numérique" ? Et c’est là que vient la référence essentielle, les luddites, ouvriers du début du XVIIè siècle qui pour lutter contre la mécanisation en Angleterre, brisaient les machines [31]. Pour Biagini, « chaque technologie porte en elle un usage, ce que théorisait Anders : « Les instruments eux-mêmes (...) ne sont pas de simples objets que l’on peut utiliser mais déterminent déjà, par leur structure et leur fonction, leur utilisation ainsi que le style de nos activités et de notre vie, bref [ils] nous déterminent » » [32]. Sauf que pas de chance, avec un ordinateur, on peut faire des milliers de choses différentes. Donc la théorie ne se vérifie pas pour tout. Pour lui, « nous devons donc dépasser la simple dénonciation des mauvais usages des technologies, car elle empêche de mener une analyse critique radicale du système technicien dans son ensemble. De plus, cette dénonciation des "mauvais usages" se trouve souvent à l’origine d’une véritable surenchère dans la mesure où on cherchera souvent une solution technologique à des technologies dont les effets se révèlent néfastes » [33]. Oui, mais si on ne peut parler d’usages, alors on ne peut pas parler de grand-chose. Pour Biagini, « de fait, la production industrielle contemporaine nécessite des agglomérations humaines de taille gigantesque pour pouvoir subsister » [34] (...) « nous devons donc nous dégager de la technologie pour nous rendre maître, autant qu’il est encore possible, des conditions matérielles de notre existence, par la réappropriation des arts, des sciences et des métiers, des savoir-faire et des activités productives à la portée des personnes, dans une perspective critique vis-vis du monde moderne » [35] (...) « Dans le mesure où cette tâche commande de renouer avec un passé enfoui sous le poids mort de la civilisation capitaliste et industrielle, elle suppose aussi d’"arracher aux traditionalistes le monopole de la Tradition" »(...) « Mais nous devons inscrire ces formes de résistance dans ce qui reste de l’espace public, sans nous replier dans les ghettos militants » [36].

On en conclut donc que dans l’idéologie de Biagini, finalement, le numérique est un épiphénomène. C’est seulement pour lui, une technique qui favorise et accélère la mondialisation et l’éloigne d’un idéal à taille humaine où de petites communautés maîtriseraient totalement leur vie via la maîtrise des connaissances et des techniques. Bon, on a le droit de ne pas être dans le même « trip » que Biagini. On le laissera arracher la tradition aux traditionalistes en lui suggérant que les traditions peuvent totalement s’intégrer dans notre société si on n’en fait pas le centre de tout. Une chose est certaine, il sera difficile avec la logique de l’auteur de l’emprise numérique de sortir des ghettos militants. Cette critique du numérique que Biagini veut radicale est au final totalement vaine. Alors qu’elle comporte des réflexions intéressantes, elles sont noyées sous un déluge d’affirmations, de caricatures et d’exemples sans nuances qui décrédibilisent totalement le propos. Le retour à l’homme prénumérique, ce n’est pas pour demain.

[1L’Homme

[2Je le reconnais, je n’ai pas cherché beaucoup...

[3Cf p359

[4Cf p11 - « Autrement dit, cette « grande convergence », terrain d’expérimentation que les plus enthousiastes considèrent comme l’avenir, interconnecte infiniment petit (nano), la fabrication du vivant (biotech), les machines pensantes (informatique) et l’étude du cerveau (science cognitives). »

[5Cf p20 - « Les technolâtres ne supportent pas la contradiction. Les mouvements de critique de la technoscience qu’ils dénoncent restent relativement minoritaires et marginaux. Ils ne les empêchent en rien de truster tous les postes de pouvoir, d’obtenir tous les crédits, de répandre leur propagande partout, de continuer leurs expériences sans limites - à l’exception des OGM qui a constitué un véritable traumatisme pour eux -, d’inonder la société de leurs innovations... Et pourtant, les technofanatiques n’acceptent aucune remise en cause, aussi mineure soit-elle, de leurs actions ou de leurs conceptions. »

[6Cf p31 - « Andrew Keen, entrepreneur apostat des TIC, a publié au milieu des années 2000 le livre Le Culte de l’amateur, au sous-titre coup de poing : « Comment internet détruit notre culture ». C’est, encore aujourd’hui, l’un des rares ouvrages disponibles en français qui fasse une critique virulente du Web. Nous n’en partageons pourtant pas la teneur, puisque l’auteur s’y livre notamment à une défense des industries culturelles telles que les studios d’Hollywood ou les chaînes de télévision, que nous n’avons eu de cesse de de dénoncer par ailleurs. Mais il faut lui reconnaître le courage de prendre des positions à contre-courant, alors même qu’il habite son berceau : la Silion Valley. Il se livre ainsi à quelques morceaux de bravoure : « Non content de nous abrutir de la sorte, Internet fait de nous des moutons » ou encore : « En dépit de ses idéaux grandiloquents, la démocratisation issue d’Internet n’aura réussi qu’à répandre le dilettantisme, le fiel et le mensonge au sein de nos sociétés. Souvent teinté de rage et d’amertume, le discours des citoyens de la cité virtuelle fait fi de la vérité et favorise l’amateurisme au détriment de l’expérience, de la compétence et du talent ». Toutefois, malgré ses charges héroïques, il dépose les armes et rentre dans le rang dans la conclusion de son livre : « Je ne suis pas contre le progrès et la technologie. Bien au contraire, je crois qu’il y a quelque chose de miraculeux dans la façon dont la technologie numérique nous permet de communiquer entre nous et de partager notre savoir avec l’humanité entière » »

[7Cf p35

[8Cf p82 - « Quant au rôle de conseiller du libraire, comment pourrait-il garder sa légitimité dans un monde numérique où chaque avis en vaut un autre et où les informations et points de vue sur n’importe quel sujet ou œuvre pullulent, à la fois sur les réseaux sociaux, les blogs, les sites, ou dans les commentaires déposés en ligne ? »

[9Cf p91 - « Le numérique offre la possibilité de se passer de ce type d’intermédiaires car il permet techniquement de s’autopublier, grâce à des logiciels de mise en forme et des sites de partage du même type que Youtube pour la vidéo. Il permet même d’assurer son autopromotion en passant par les réseaux sociaux. "Plus besoin de ces parasites qui se font de l’argent sur le dos des braves auteurs, ces derniers touchant entre 7 et 10% sur la vente d’un livre se réjouiront les plus imprégnés de la culture Internet" »

[10Et puis il est marrant Biagini. Il « anime les éditions L’échappée »...et est publié sur les éditions L’échappée. Il ne serait pas dans ces conditions autopublié ?

[11Cf p92 - « L’effacement des intermédiaires permet à chacun de se dire écrivain. L’amateur comme l’auteur confirmé seront logés à la même enseigne. Ce nivellement culturel brouille les distinctions entre l’auteur d’une œuvre et l’écrivain du dimanche. Cet esprit du Web est synthétisé dans ce propos qu’aurait tenu Jimmy Wales, le fondateur de l’encyclopédie en ligne Wikipédia :« il n’y a pas de différence entre un professeur de Havard et un lycéen, pourvu que l’article soit bon ». Mais qui va déterminer si l’article est bon ? »

[12Cf p93

[13Cf p113- « Mais ce besoin de distraction ne s’arrête pas à la frontière des écrans, car à force d’être plongé dans cet état par un usage immodéré des TIC, le cerveau cherche sans cesse des sources de divertissement. Par exemple, dans une classe, même sans ordinateur, les élèves ont de plus en plus de mal à rester concentrés sur un cours, ils s’agitent et cherchent une stimulation. À moins de tomber sur un professeur qui se livre à un véritable show déclenchant des montés d’adrénaline, très vite, ils décrochent complètement où font autre chose en même temps ».

[14Cf p139 - « le lien entre enseignement et exigence dans la transmission des connaissances, fragilisé depuis plusieurs décennies, est aujourd’hui en passe d’être complètement rompu par la numérisation des enseignements qui consacre une vision utilitariste de l’école.
La formation de l’élève doit être économiquement rentable (retour sur investissement) et de le préparer à l’omniprésence des TIC, à la fois dans le cadre professionnel, où tous les savoirs-faire traditionnels disparaissent, mais aussi dans sa vie personnelle, où ses manières d’être, de sentir, de penser seront déterminées par la technologie »

[15Cf p148 - « (...) le nombre d’enseignants recrutés depuis 2007 a été diminué de moitié. Difficile de ne pas faire le lien entre entre ces baisses d’effectifs l’invasion numérique - processus en cours ou achevé dans les secteurs de production -, même s’il n’est sûrement pas conscient pour l’instant, du moins du coté de l’éducation nationale et des politiciens »

[16Cf p151 - « l’invasion des TICE accélère la prolétarisation du professeur, c’est-à-dire la disparition de ses savoir-faire et de son autonomie dans le travail. Nous connaissons, grâce au recul temporel, les mécanismes particulièrement brutaux de prolétarisation dans le monde de la production matérielle, avec le remplacement des ouvriers et des artisans par des machines au XIXè siècle et tout au long du XXè siècle. Depuis la révolution numérique, nouvelle révolution industrielle, les professions dites intellectuelles, jusqu’ici protégées, voire bénéficiaires des processus de modernisation, se trouvent à leur tour touchées de plein fouet par la prolétarisation »

[17Cf p151 - « Cette liberté disparaîtra avec le développement des espaces numériques de travail et des autres technologies. Toute l’activité du professeur : le contenu du cours, les documents, les rapports avec les élèves, etc. deviendra alors visible, parent et administration y accédant en un clic. Cette transparence lui fera perdre sa marge de liberté »

[18Cf p151 - « Dans un second temps, ces contenus pourront lui être imposés, d’autant qu’une fois que tout passera par des machines, des logiciels et des applications, on ne comprendrait pas pour quelles raisons un professeur créerait ses propres cours alors qu’il dispose d’une infinité de ressources, élaborées et pensées par des professionnels du numérique associés à quelques spécialistes du secteur éducatif ayant reçu l’imprimatur de l’Éducation nationale »

[19En fait d’argumentation, il pratique la citation, et donc, l’argumentation d’autorité

[20Cf p213 - « « Je soutiens que toute donnée produite ou financée par l’État ou un service public a vocation, sauf raison sérieuse de sécurité, à être libérée », indique Eva Joly. Nous aurions tout de même pu espérer un peu plus de sens critique et de dissensus chez certains défenseurs de l’esprit de contestation ! »

[21Cf p227 - « (...) beaucoup croient que les nouvelles technologies permettront d’en sortir sous prétexte qu’ils ont pu diffuser une vidéo "subversive" sur Youtube ou pirater pendant quelques heures le site d’une multinationale. Cette dichotomie entre ce qu’il est possible de faire et ce qu’il faudrait faire montre l’impuissance politique dans laquelle la société communicationnelle condamne les peuples à vivre »

[22Cf p235 - « ce n’est pas Internet qui a déclenché ces mouvements mais une société profondément inégalitaire, de violences policières, un chômage élevé, l’absence de perspective, une bourgeoisie parasite...et un peuple courageux qui entamé un processus de libération connu : mouvement spontané qui part de couches populaires, s’étend à d’autres sphères, refuse de négocier avec le pouvoir en place, déclenche une marée protestataire... »

[23Cf p235 -« (...) la Révolution Française s’est faite sans Internet, la Commune de Paris sans Twitter, la Révolution espagnole sans Facebook, que la Résistance à l’occupation allemande n’avait pas d’accès illimité, que les algériens se sont libérés du joug français sans téléphone portable, qu’en 1968 on se révoltait même si on ne lisait pas de blogs, que le mur de Berlin ne s’est pas effondré grâce à Youtube »

[24Cf p244

[25Cf p246 - « La Thaïlande et la Chine encouragent elles aussi la délation par Internet »

[26Cf p251

[27Cf p311 - « Comment aurait-on pu imaginer, il y a quinze ans seulement, que le mode de vie de l’informaticien asocial, scotché à son ordinateur, gavé de junk food, fan de science fiction et de comics, capable de répéter la moindre réplique de Star Wars, deviendrait la norme ? »

[28Cf p313 - « (...) Larry Page et Sergey Brin, prouvent eux aussi que l’on peut passer ses vingt ans devant un ordinateur, coupé de ses semblables, et ensuite transformer ce monde que l’on ne connaît pas. Ces success stories montrent que les geeks sont bien les moteurs de la culture du nouveau capitalisme »

[29Cf p357 - « Et l’objectif est bien évidemment d’aller toujours vers toujours plus : plus d’amis sur Facebook, plus d’abonnés sur Twitter, plus de visites sur son blog, plus de commentaires de son post, plus de visionnage de sa vidéo...Le numérique est avant tout un lieu de l’excès : 450000 applications pour iPhone, dix-huit millions d’articles sur Wikipédia en 270 langues, 900 millions d’inscrits sur Facebook, quinze millions de livres numérisés par Google, quinze millions de chansons disponibles sur Deezer, 113 millions d’articles mis en vente quotidiennement sur eBay, quatre milliards de vidéos vues quotidiennement sur Youtube, cinq milliards d’abonnement à la téléphonie mobile, 644 millions de sites actifs sur le Web, 156 millions de blogs...Arrêtons nous là pour ne pas risquer l’indigestion »

[30Cf p382

[31Cf p399 - « Cette idéologie du progrès aujourd’hui dominante , a rencontré par le passé des formes de résistance que l’on a aujourd’hui oubliés. Les luddites en ont été l’une des expressions. En 1811, alors que la révolution industrielle s’apprêtait à rendre l’Angleterre méconnaissable, bris de machines, incendies et émeutes se multiplièrent dans les manufactures : des redresseurs de torts venaient de déclarer la guerre aux "machines préjudiciables à la communauté" »

[32Cf p401

[33Cf p402

[34Cf p407

[35Cf p408

[36Cf p409


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Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 19 avril 2013 à 05:16

Bonjour Mister K
Après la lecture de ce long article, on en revient à la question centrale qui est : la question de la technique n’est elle que la question de son usage, bon ou mauvais ?
Je ne veux pas reprendre tout ce que tu dis, ce serait trop long. Juste deux remarques en passant, des détails : 1) la question du vinyle … il y a encore des gens qui gardent leurs vinyles parce qu’en effet ils considèrent que la qualité sonore et acoustique des ces vieux objets n’a pas été dépassée par ses remplaçants numériques. Et ils ont des raisons techniques pour argumenter. Malgré tous ses défauts — et en particulier des limites physiques qui obligeaient à des bidouillages : correction RIAA etc. — il y a plus d’informations avec le support analogique que dans sa traduction numérique, car le numérique implique en effet une traduction. A ce sujet, le choix de la fréquence d’échantillonnage était motivé par les limites techniques du moment, et pas par des raisons artistiques et musicales. Alors, à écouter de la musique sur une chaine de bonne qualité avec un vinyle, ou sur le haut parleur d’un ordi portable en mp3, ma foi, y a pas photo.
2) Sur la prolétarisation des enseignants. Je crois qu’il faut prendre "prolétaire" au sens de Marx : la classe sociale qui vend sa force de travail à la classe sociale qui peut la faire travailler parce qu’elle a de l’argent à faire fructifier. Or ce que Marx (il est pas le seul) observait, c’est que le travailleur, dans le process industriel, était aussi dépossédé de son savoir faire : il était un artisan avec un métier, il devient un rouage dans une chaine de production où tout est pensé pour lui sans lui. Marx parle en permanence de "mode de production capitaliste", ce qui implique un rapport social, donc certaines formes juridiques (le contrat de travail est asymétrique) et aussi un certain état de la société du point de vue industriel et technique. Le premier à faire observer que la technique n’est pas "neutre", c’est Marx ! Sur la question enseignante, les choses sont compliquées. Je crois aussi, comme Biagini, que l’irruption du numérique vient renforcer une tendance à la prolétarisation au sens que j’ai essayé de préciser. En détournant (à peine) Flaubert : "Profs : sont bien inutiles, puisqu’on les remplace par des machines qui fabriquent même plus promptement". Mais encore une fois les choses sont très compliquées car "le produit de l’école" n’est pas un produit industriel, malgré les rêves de quelques fous furieux, à gauche et à droite ...


Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Mister K - 19 avril 2013 à  22:48

Après la lecture de ce long article, on en revient à la question centrale qui est : la question de la technique n’est elle que la question de son usage, bon ou mauvais ?

Une chose est certaine, le livre de Biagini n’y répond pas. Il évacue la question.

Juste deux remarques en passant, des détails : 1) la question du vinyle … (...) écouter de la musique sur une chaine de bonne qualité avec un vinyle, ou sur le haut parleur d’un ordi portable en mp3, ma foi, y a pas photo.

Certes. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Un fichier numérique sans perte (Flac, wav...) sur la même chaine que le vinyle, là, ça se discute. Le vinyle a surtout pour lui...ses pochettes qui sont largement supérieures à celles des CD... ;-)

Je crois aussi, comme Biagini, que l’irruption du numérique vient renforcer une tendance à la prolétarisation au sens que j’ai essayé de préciser.

Bon, là, on ne sera pas d’accord. Un prof, on peut dire ce que l’on veut, est quand même super autonome, il a peu (pas) de chefs sur le dos durant ces cours, pas de contraintes de résultats réels (réellement mesurables) et il traite toute une matière de A à Z avec comme seule contrainte de suivre le programme de l’éducation nationale. Un prof n’est pas un prolo, il exerce une profession intellectuelle qui lui laisse quand même largement d’autonomie et de temps par rapport à la plupart des autres professions. Les profs ressentent peut-être une certaine dévalorisation de leur rôle, mais de là à dire qu’ils se prolétarisent, même en reprenant ta définition, je ne vois vraiment pas. Les outils numériques sont, comme les livres l’étaient, contournables. Combien de matières ai-je suivi où le prof ne se servait peu ou pas du livre qu’il (ou le lycée) nous avait fait acheté en début d’année ? Pourquoi en serait-il différent pour les outils numériques ?

Répondre à ce message #37698 | Répond au message #37697
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 22 avril 2013 à  12:16

Une chose est certaine, le livre de Biagini n’y répond pas. Il évacue la question.

On n’a pas du lire le même livre.

Bon, là, on ne sera pas d’accord.

Non. Surtout que si je fais l’effort de produire une conceptualisation : prolétaire vs bourgeois, classe qui vend sa force de travail contre classe qui possède les moyens de production, tu me renvoies à la notion familière du prolétaire, le "prolo". Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Mais bon, je n’ai pas envie de passer le printemps et l’été là-dessus, et puis je m’en fous après tout. Preuve une fois de plus que ces discussions sur internet ne servent à rien ...

Pourquoi en serait-il différent pour les outils numériques ?

Parce que la numérisation du monde va bien au-delà de l’apparition "d’outils numériques", qu’on choisirait on non d’utiliser. La question n’est pas la question de l’outil supposé neutre et de son usage. On y revient. C’est à dire qu’on tourne en rond. Bon, pas grave.

Répondre à ce message #37703 | Répond au message #37698
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Mister K - 22 avril 2013 à  19:23

Non. Surtout que si je fais l’effort de produire une conceptualisation : prolétaire vs bourgeois, classe qui vend sa force de travail contre classe qui possède les moyens de production, tu me renvoies à la notion familière du prolétaire, le "prolo".

Non, je pars de ta définition : «  la classe sociale qui vend sa force de travail à la classe sociale qui peut la faire travailler parce qu’elle a de l’argent à faire fructifier. Or ce que Marx (il est pas le seul) observait, c’est que le travailleur, dans le process industriel, était aussi dépossédé de son savoir faire : il était un artisan avec un métier, il devient un rouage dans une chaine de production où tout est pensé pour lui sans lui. »

Hors, si les profs vendent leur force de travail, c’est à l’État (majoritairement) qui ne fait pas fructifier son argent (en tout cas pas directement...). Les profs ne sont en rien dépossédés de leur savoir faire, et si ils sont un rouage, ils sont le seul et le plus important. Donc, ils sont essentiels. Les enseignants sont quand même au centre de l’enseigenment...avec les élèves bien entendu. Donc, non, je maintiens, même avec ta définition (que j’avais bien comprise et que je ne confond pas avec l’imagerie du prolo), je ne vois pas en quoi les enseignants se prolétarisent. Mais si au final il faut comprendre que l’enseignant est un travailleur, oui, pas de doute, c’est un travailleur.

Preuve une fois de plus que ces discussions sur internet ne servent à rien ...

On peut considérer qu’une discussion, sur internet ou ailleurs ne sert à rien. On peut aussi considérer que c’est un échange qui fait réfléchir et enrichit. C’est une question de point de vue...

Répondre à ce message #37708 | Répond au message #37703
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 22 avril 2013 à  20:06

Je crois que ce qui fait blocage, c’est l’idée qu’un travailleur intellectuel puisse être/devenir un prolétaire. Or tel est bien le cas.

Les profs ne sont en rien dépossédés de leur savoir faire, et si ils sont un rouage, ils sont le seul et le plus important. Donc, ils sont essentiels.

Ils le seront de moins en moins avec l’enseignement déporté que permettent les outils numériques. J’avais une citation assez ancienne de Jacques Attali qui expliquait très bien cela. Faudra que je la retrouve. Je crois que dans certaines facs de médecine, on donne aux étudiants de 1ère année un dvd de cours, et pas à ceux qui ont opté pour l’enseignement à distance … Le "présentiel" pour parler l’horrible jargon ne sera à terme qu’un mode parmi d’autres d’enseignement.

On peut considérer qu’une discussion, sur internet ou ailleurs ne sert à rien. On peut aussi considérer que c’est un échange qui fait réfléchir et enrichit. C’est une question de point de vue...

Petit mouvement d’humeur. Mes excuses.

Répondre à ce message #37710 | Répond au message #37708
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Taureau Ailé - 21 avril 2013 à  16:49

la question du vinyle … il y a encore des gens qui gardent leurs vinyles parce qu’en effet ils considèrent que la qualité sonore et acoustique des ces vieux objets n’a pas été dépassée par ses remplaçants numériques

Il ne faut pas exagérer. "Il y a encore des gens qui", ce n’est pas une argumentation. Il y a aussi des gens qui préfèrent Alexandre Jardin à Marcel Proust, ou les croquis de Tata Gisèle aux tableaux de Malévitch.

(mais bon, si tu vas par là, la plupart des "gens" semblent d’avis que le numérique a largement augmenté la qualité d’écoute)

il y a plus d’informations avec le support analogique que dans sa traduction numérique, car le numérique implique en effet une traduction

L’analogique implique un processus de fixation, avec ses pertes et ses limitations. Rien ne dit que certaines "informations" fidèlement retranscrites dans le numérique ne passent pas totalement à la trappe avec un vinyl.

(c’est-à-dire qu’en termes de théorie du signal, on peut très bien coder un signal plus fidèlement sur un support numérique que sur un support analogique ; tout dépend des caractéristiques du support, et de la méthode de traduction)

Alors, à écouter de la musique sur une chaine de bonne qualité avec un vinyle, ou sur le haut parleur d’un ordi portable en mp3, ma foi, y a pas photo

Ben oui, y a pas photo, parce que de toute façon la musique en photo, hein... ;)

Ceci dit je peux le faire dans l’autre sens : « à écouter de la musique sur une chaîne de bonne qualité avec un mp3 bien encodé, ou sur le haut parleur d’un mange-disque portable avec un vinyl, ma foi, y a pas photo ». Zut alors !

Bon, et sinon, je voudrais rappeler que le numérique commence avec l’écriture, c’est-à-dire bien, bien avant l’informatique... Le numérique est en effet le codage d’une information dans un alphabet de symboles fini, on retrouve bien le principe du texte qui code du discours dans un alphabet de symboles - les lettres et caractères divers. Le texte n’est analogique de rien du tout.

Répondre à ce message #37700 | Répond au message #37697
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 22 avril 2013 à  12:39

un alphabet de symboles fini

Fini, et limité à deux : 0 et 1. La fonction symbolique, dont témoigne le fait du langage humain, d’abord parole puis très tardivement écriture, c’est quand même très largement autre chose qu’un simple "codage" : il y va de la production du sens, et pas seulement de la transcription d’une information préalable. Ce n’est pas parce que le numérique utilise des symboles que tout symbole, ou tout ce qui est de l’ordre du symbolique, peut être dit numérique.

Le numérique, ou l’idée de coder l’information sous une série de bits 0 ou 1, est, contrairement à ce que vous dites, très récent. En lisant une histoire de l’informatique, on apprend d’ailleurs qu’avant les calculateurs numériques, on a travaillé des projets de machines à traiter de l’information analogiques … Pendant un certain temps les deux modèles ont été en concurrence, avant que l’analogique ne soit totalement abandonné. Pour plus de précision, voir René Moreau, Ainsi naquit l’informatique, Dunod, 1982.

Répondre à ce message #37704 | Répond au message #37700
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Taureau Ailé - 22 avril 2013 à  21:23

La fonction symbolique, dont témoigne le fait du langage humain, d’abord parole puis très tardivement écriture, c’est quand même très largement autre chose qu’un simple "codage"

Ben, oui, mais je parlais de l’écriture, pas du langage : l’écriture, donc, en tant que technique de fixation. Le langage préexiste à l’écriture, mais l’écriture est - souvent - une numérisation du discours (on peut aussi écrire des choses qui n’ont pas vraiment d’équivalent dans le langage parlé, comme des écritures comptables ou des équations).

Et il y a mésentente sur le terme "symbole", je l’entendais dans le sens purement abstrait de la théorie de l’information : l’écriture occidentale est codée dans un alphabet d’un peu plus de 26 symboles (il y a les diacritiques, etc.).

Le numérique, ou l’idée de coder l’information sous une série de bits 0 ou 1, est, contrairement à ce que vous dites, très récent.

Oui, forcément, si on n’est pas d’accord sur la définition, on ne sera pas d’accord sur les caractéristiques.

Tu as décidé que le numérique ne concernait que les 0 et les 1, tu en déduis donc que c’est super récent. C’est vrai mais la question est : qu’est-ce que ça nous dit d’intéressant ? À moins de nous ressortir les vieux sophismes sur la soi-disant « pensée binaire » de l’informatique, il n’y a pas de différence qualitative entre un codage sur deux bits et un codage sur 26 lettres (simplement, il faut plus de bits que de lettres pour coder la même information, ce qui n’est pas un problème).

D’autant, par ailleurs, que de voir le codage numérique comme en codage en bits est une simplification outrancière : par exemple, un son enregistré en 16 bits est codé sur un alphabet de 65536 symboles, et c’est pour d’autres raisons que ces 65536 symboles sont réencodés ensuite - mais sans réinterprétation - dans une suite de 0 et de 1.

Pendant un certain temps les deux modèles ont été en concurrence, avant que l’analogique ne soit totalement abandonné

Ben oui, parce que ça marche beaucoup moins bien pour ce qu’on veut en faire : notamment, un traitement déterministe de l’information, sans erreurs liées aux atténuations et parasitages divers.

Répondre à ce message #37711 | Répond au message #37704
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 23 avril 2013 à  08:57

si on n’est pas d’accord sur la définition, on ne sera pas d’accord sur les caractéristiques.

Oui, ben, la définition, ce n’est ni moi, ni vous qui l’inventons. Vous assimilez "numérique" à "codage" et je pense que vous vous trompez. Si vous allez à la définition de numérique sur WP, vous trouvez ceci : "La numérisation représente la transformation d’une information ou série d’informations analogique en données numériques, à travers un échantillonnage (pour une série) et une quantification."
Je ne vois pas où il y a échantillonnage et quantification du passage de la voix à l’écriture. Assimiler l’invention de l’écriture à une numérisation est totalement fantaisiste, et ne rend compte ni d’un phénomène, ni de l’autre.

Répondre à ce message #37713 | Répond au message #37711
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Taureau Ailé - 23 avril 2013 à  20:21

Si vous allez à la définition de numérique sur WP, vous trouvez ceci : "La numérisation représente la transformation d’une information ou série d’informations analogique en données numériques, à travers un échantillonnage (pour une série) et une quantification."

Oui, c’est la définition de la numérisation. Pas de celle du numérique. Il y a des tas de « données numériques » qui ne proviennent pas d’une numérisation. Quand j’écris du logiciel libre, je ne numérise rien, et pourtant je produis du code source qui par définition est numérique (et qui est aussi textuel, tiens donc :-)).

Assimiler l’invention de l’écriture à une numérisation est totalement fantaisiste, et ne rend compte ni d’un phénomène, ni de l’autre.

Le texte utilise exactement le principe du numérique, c’est ce que je disais. Je n’ai pas dit que le texte était la numérisation d’une grandeur analogique, ce qui n’aurait en effet aucun sens.

Pour stocker un texte sur support numérique, il n’y a pas besoin de numérisation, puisque le texte est par construction numérique : le stockage numérique de la Recherche du Temps Perdu est la Recherche du Temps Perdu. Ni plus ni moins.

Répondre à ce message #37717 | Répond au message #37713
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - 21 avril 2013 à  17:28

Soit dit en passant, il me paraît évident à la lecture de la critique de Mister K., que l’auteur du livre est lui-même dans la catégorie des « petits prescripteurs » qui, en effet, perdent de la légitimité avec le développement de pratiques culturelles de masse (*) : libraires, professeurs, intellectuels mineurs... Il est donc humain de vouloir s’opposer à ce développement, en utilisant les armes que l’on maîtrise le mieux (écriture de livres « militants »).

(*) et je parle bien de pratiques culturelles, car l’Internet permet l’expression de chacun, et pas seulement la réception de masse qui était l’apanage de la télé et de la radio.

Répondre à ce message #37701 | Répond au message #37697
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 22 avril 2013 à  13:02

Sociologisme pour café du commerce. Et puisqu’on en vient à la question "Qui parle ?", on ferait bien de se demander qui a intérêt à confondre "culture" et "pratiques culturelles de masse" …

Répondre à ce message #37706 | Répond au message #37701
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Taureau Ailé - 22 avril 2013 à  21:58

Et pourtant, il est avéré que l’Internet a tendance à irriter ceux qui sont pourvus d’une fonction traditionnelle d’intermédiaire entre le savoir et le peuple (j’aurais pu citer aussi les journalistes et assimilés, auquel on doit de fameux tirs de barrage vers l’an 2000). Et que le passage sur les libraires tient bel et bien de ce discours défensif face à un risque de démocratisation de la fonction de médiation.

on ferait bien de se demander qui a intérêt à confondre "culture" et "pratiques culturelles de masse"

Joyeux sophisme, mais je ne vois pas où j’ai confondu l’un et l’autre. Ceci dit, personnellement j’y verrais une différence de degré et non d’ordre. Je ne crois pas à un fossé conceptuel entre les pratiques du tout venant (bouche à oreille, échange sur des forums ou des réseaux sociaux, etc.) et celles de l’élite cultivée (lecture de Télérama, écoute de France Cul, visite rendue au libraire favori, etc.).

Et, désolé de revenir au « café du commerce » (c’est plus fort que moi !), mais ce refus de mélanger les torchons - des pratiques de masse - et les serviettes - de la Culture autorisée - sent quand même très fort le désir de distinction au sens bourdieusien. Sur ce, je m’assieds au zinc et me prends un verre de Bourgogne bien mérité, entre Dédé et Kéké :-)

Répondre à ce message #37712 | Répond au message #37706
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - bombix - 23 avril 2013 à  09:23

Oui, enfin, il faudrait démontrer que l’évolution actuelle d’internet — explosion des réseaux sociaux et de systèmes fermés comme Facebook — va dans le sens d’une transmission du "savoir" vers le "peuple". Franchement douteux.

Et si Amazon ou autres géants capitalistiques menacent l’existence même de la librairie traditionnelle aux USA et bientôt en France, c’est bien connu que c’est par volonté de "démocratiser la fonction de médiation" ; par philanthropie et amour de la connaissance partagée, et pas pour faire du profit ...

Et la bourdivine caution pour justifier tout cela … Ah oui, vous pouvez parler de "sophismes" à tous les coins de phrases ...

Répondre à ce message #37714 | Répond au message #37712
Vers un retour à l’homme prénumérique ? - Taureau Ailé - 23 avril 2013 à  20:51

Oui, enfin, il faudrait démontrer que l’évolution actuelle d’internet — explosion des réseaux sociaux et de systèmes fermés comme Facebook — va dans le sens d’une transmission du "savoir" vers le "peuple".

Il n’y a pas que Facebook, il y a Wikipédia, des tas de blogs, de forums, de communautés d’entraide, etc.

Mais bon, on peut, c’est sûr, revenir au monde d’avant, qui marchait de façon satisfaisante (je ne me trompe pas ?). Disons que j’ai du mal à comprendre l’alternative proposée ici. Le luddisme pouvait avoir un sens au début du XIXè siècle, mais aujourd’hui je ne vois pas : l’abandon des techniques « numériques » ne nous fera pas revenir vers un monde « meilleur ».

Et si Amazon ou autres géants capitalistiques menacent l’existence même de la librairie traditionnelle aux USA et bientôt en France, c’est bien connu que c’est par volonté de "démocratiser la fonction de médiation"

Avant l’arrivée d’Amazon, il me semble qu’on critiquait la concurrence de la FNAC, la main-mise d’Hachette sur les circuits de distribution, l’irruption des grandes surfaces sur le marché du livre (pour acheter le dernier livre à la mode, pas besoin d’aller chez le petit libraire passionné du coin). Je ne vois pas trop en quoi la concurrence des grosses entreprises capitalistes est liée au « numérique ». (*)

Il y a aussi des écrivains / éditeurs qui cherchent à tirer parti du réseau, comme François Bon. Le fait est que quand un espace nouveau s’ouvre, le capitalisme cherche à l’investir, faut-il critiquer l’espace nouveau ou le capitalisme ?

((*) on pourrait même imaginer un Amazon « papier » avec des catalogues genre la Redoute)

Et la bourdivine caution pour justifier tout cela … Ah oui, vous pouvez parler de "sophismes" à tous les coins de phrases ...

Je ne justifie rien, je me demande juste quelles sont les raisons de certaines prises de position totalement incongrues à mes yeux. Et visiblement la seule réponse est l’inflation verbale.

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