Palme bête et méchante : mourir de rire
Deux artistes, deux vioques magnifiques, deux légendes (l’un de 76 ans, l’autre de 80 ans), ont été assassinés. Et avec d’autres artistes. Et avec des policiers. Et avec d’autres. Mercredi 7 janvier, il y avait donc un rendez-vous place Cujas, à Bourges. On était déjà nombreux vingt minutes avant l’heure du rendez-vous.
Et finalement, c’est entre 600 et 700 personnes qui se sont retrouvées hier soir, à Bourges. Pour partager une émotion. Tout simplement. Tout a été dit, et re-dit. Et même re-re-dit. Alors, rien ajouter. mais si vous voulez, juste une petite histoire, pour que ça se cale dans notre mémoire.
Tout au début, en 2004
Le 2 novembre 2004, Theo Van Gogh, un réalisateur hollandais est assassiné – tout simplement pour avoir tenu des propos virulents contre la religion islamique. Theo Van Gogh roulait à vélo dans Amsterdam. L’assassin a tiré sur le mécréant à plusieurs reprises, puis l’a achevé de quelques balles dans la tête. Pour faire bonne mesure, l’assassin ajoutera encore à la dégueulasserie en l’égorgeant à moitié et en plantant un couteau dans la poitrine du metteur en scène. Comme un autre salopard achevant un policier levant les bras, hier, 10 ans après, dix ans…
Les 12 caricatures, en 2005
Y’a dix ans, et oui, et pourtant, c’est le même fil… A cause de cet assassinat, en 2005, un écrivain se plaint de ne trouver aucun illustrateur pour son livre polémique sur Mahomet. Alors, en septembre 2005, un journal danois va publier douze caricatures de douze dessinateurs, les fameuses caricatures du prophète.
Les pays musulmans poussent de hauts-cris d’indignation. Le gouvernement danois refuse de rencontrer les divers diplomates de ces pays. Les imams danois vont alors jeter de l’huile sur le feu en allant prêcher, avec un dossier caricatures, dans les pays arabes. L’affaire prend une tournure internationale.
La presse et Charlie-Hebdo en 2006
En février 2006, France-Soir publie les dessins. Le directeur du journal est immédiatement viré. Charlie-Hebdo publie les caricatures le 8 février 2006 (y’a presque 9 ans !...). Le Conseil français du culte musulman avait demandé en vain la saisie du journal. C’est la fameuse une "C’est dur d’être aimé par des cons".
Wanted
Les responsables du journal danois et les caricaturistes reçoivent bien sûr des menaces de mort. Il y même des primes de plusieurs millions de Livre sterling ou d’un million de dollar US pour qui tuerait un des caricaturistes. En mai 2006, un libyen, membre d’Al-Qaïda, appelle les musulmans à venger le prophète au Danemark et en France pour avoir publié ces satanés caricatures. En 2008 un attentat contre l’ambassade du Danemark au Pakistan fait 6 morts : cet attentat est revendiqué comme mesure de représailles consécutive à la publication des caricatures. La rancune est tenace !
La pression est telle qu’on en arrive à des bêtises déprimantes. Nestlé fait publier à la une d’un quotidien panarabe une pub précisant bien que son lait en poudre n’est "ni produit au Danemark, ni importé du Danemark". Carrefour cesse de distribuer des produits danois dans les pays du Moyen-Orient. Des panneaux placés dans ces supermarchés se vantent de ne pas vendre de produits danois.
Dix ans après
En 2011, la presse annonce la future une de Charlie-Hebdo à paraître deux jours plus tard, avec Mahomet rédacteur en chef. Ça ne traine pas : les locaux sont bombardés de cocktails Molotov et incendiés. Etc. Et tutti quanti. Et un ami me souffle que y’a même du sournois : en avril 2014, Charlie-Hebdo avait été assigné pour blasphème par la LDJM (Ligue de Défense Judiciaire des Musulmans). Blasphème ? Ça n’existe plus en droit français ? Non, c’est pour ça que la LDJM avait assigné Charlie-Hebdo dans la juridiction d’Alsace, encore sous le Concordat.
Et hier, c’est donc après plus de 10 ans du début de cette histoire qu’on a appris que des individus avaient assassiné la fleur même des dessinateurs de presse en criant « Le prophète est vengé ».
Nos amis sont bel et bien morts de rire. De leurs rires qu’ils nous communiquaient. Ce rire qui fout la chiasse à tous les religieux et seuses du monde. On le sait depuis Le Nom de la Rose : un vieillard empoisonnait ceux qui osaient lire un livre d’Aristote sur l’humour et le rire.
Rire est le propre de l’homme. Hier soir, le sale n’était pas de pleurer, comme le disait le poète.
Post-scriptum : j’ai pris la plupart des informations, pour retrouver les noms, et surtout les dates, dans Wikipedia. Vous retrouverez bien vous-même les divers articles.