EDITORIAL MARS 2003

Le temps presse.

dimanche 2 mars 2003 à 17:13, par Mister K

Petite devinette : quel est le rapport entre la peut-être future/nouvelle guerre du Golfe, la polémique sur le journal "Le Monde", le film de Michael Moore "Bowling for Colombine", le livre de François Ruffin "Les petits soldats du journalisme", la loi sur l’économie numérique qui vient d’être votée à l’assemblée nationale...je m’arrête là, la liste pourrait être longue.

Prenons le cas de la crise Irakienne. Aux Etats-Unis, alors que la population semble relativement partagée sur l’opportunité d’un conflit avec l’Irak, la presse dans sa grande majorité, a pris la défense la politique de Bush. Tout américain (états-uniens devrais-je dire...) a bien entendu le droit de s’exprimer contre cette guerre pour laquelle "on" prépare l’opinion, mais il devient de fait "un mauvais américain", un paria. Tout du moins, c’est le message qu’essait de faire passer une partie des éditorialistes américains pro-guerre. C’est d’autant plus grave qu’on s’apercoit qu’au final, ce genre de campagne est mené par de grands groupes de communication qui mélangent allègrement information, intérêts économiques et relations politiques. Vu d’ici, on s’en amuse ou s’en agace quand "une certaine presse" vient s’en prendre à la France, n’empêche que les mêmes travers nous ont déjà touché ou nous guettent. Les Etats-Unis exportent dans le monde entier leur image, leur soif de démocratie (et de Coca-Cola), mais ce qui se passe actuellement aux USA est-il réellement digne d’une démocratie, quand on en vient a un quasi délit d’opinion qui ne dit pas son nom ?

Revenons à nos moutons franco-français. La liberté de la presse, comme dans de nombreuses démocraties, y est célébrée. Si, d’un point de vue politique, il est vraisemblable que les médias d’information n’aient jamais été aussi libres qu’à ce jour, d’un point de vu économique, c’est exactement le contraire. Une entreprise de presse est une entreprise comme les autres, soumise aux pressions des actionnaires et à la dictature de la rentabilité. Et les plus grandes écoles de journalisme préparent essentiellement les futurs journalistes à cette réalité, bien avant toutes autres considérations éthiques, c’est en tout cas l’un des grands enseignements du récent livre de François Ruffin [1]. Alors, bien sûr, rien de bien nouveau la-dedans (les professionnels de la profession ne seront pas surpris), mais cette source de compromission est forcément un frein à la liberté d’expression des journalistes. Dans l’affaire du journal "Le Monde", l’attaque contre quelques personnalités fait diversion et oublie par là-même de mauvaises pratiques qui sont mises en avant dans de nombreux ouvrages depuis quelques mois [2].

Dans ces conditions, les journaux web indépendants (notamment de toute pression économique) pourraient apparaître comme le rempart à certaines dérives de la presse institutionnelle. Hélas, pour l’instant, c’est plutôt mal parti ! Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque, mais bien les moyens, et plus exactement le temps. Forcément, faire vivre un journal en dehors des circuits économiques, ça ne permet pas de manger...
Et puis, quand ces journaux tentent d’échapper aux pressions économiques, c’est la justice qui les rattrappe comme le journal Fakir à Amiens menacé de plusieurs milliers d’euros d’amende dans deux procès. Et comme si ça ne suffisait pas, l’assemblée nationale vient de voter une loi qui permet à quiconque, par simple lettre recommandée, de faire pression sur les hébergeurs internet pour faire retirer des contenus génants à leurs yeux [3]. Bienvenue dans un pays de démocratie, de justice...et de pognon, car au final, c’est bien le pognon que vous avez ou non en poche qui fera la différence.

Alors, une autre petite devinette pour la route ? Quelle est la différence entre journalisme et communication ?
Et quel est le rapport entre Jean-Pierre Raffarin et la communication ?

[1Les petits soldats du Journalisme, de François Ruffin. Editions Les arènes , février 2003, 271 pages, 15 Euros

[2- Bévues de presse. L’information aux yeux bandées, de Jean-Pierre Tailleur. Editions du Félin, février 2002, 239 pages, 19,80 euros.
 Bien entendu c’est off : ce que les journalistes ne racontent jamais, de Daniel Carton. Editions Albin Michel, janvier 2003, 200 pages, 15 euros.
 La tyrannie de la communication, d’Ignacio Ramonet. Editions Folio Actuel (Poche), 290 pages, 6,40 euros.

[3L’Agitateur est signataire de deux pétitions qui s’opposent à cette loi, synonyme de justice privée :
 La pétition de l’Iris
 La pétition de l’association ODEBI

commentaires
> Le temps presse. - Webmaster - 4 mars 2003 à 10:04

"Et puis, quand ces journaux tentent d’échapper aux pressions économiques, c’est la justice qui les rattrappe comme le journal Fakir à Amiens."

Voir également Vianice à Nice qui a été contraint de fermer ses portes après pressions diverses et procès d’un investisseur niçois qui a laisser 9,4 MF à payer à Vianice. Lire cette édifiante histoire sur ce qu’il reste du site niçois qui rêvait d’un média indépendant dans la ville d’un transfuge du FN.


#864
> Le temps presse. Réponse - LENINE - 3 mars 2003 à 15:56

Pour la première devinette je dirais : la vérité.
Pour la deuxième : l’Assemblée Nationale.
Ai-je vu juste ?
Ce que je vois en attendant, ou que j’entends, c’est le témoignage d’un restaurateur de San Francisco qui a jeté tous ses Bordeaux et Bourgogne millésimés dans l’évier, par solidarité avec son gouvernement, pour dénigrer la France. Quel patriotisme ! Les petits cons de Français islamo-terroristo-communistes feraient bien d’en prendre de la graine pour qu’enfin le "Nouveau Monde" fasse triompher la démocratie en renversant l’infâme Saddam, descendant de Joseph Staline et de Mao, et horreur suprême, de Mahomet ! Connard ! Il aurait au moins pu le donner au clodo qui attend les restes derrière le restau, ça lui aurait évité de se saôuler avec de la mauvaise Bud servie dans un gobelet camouflé puisque dans ce pays de franche sincérité, on ne peut s’exhiber sur la voie publique avec une marque d’alcool, cela incite les jeunes américains à la consommation. Hypocrisie ! Par contre pour les armes pas de problème, au contraire les enfants, allez y, entrainez-vous, vous serez ainsi plus vite au point pour la prochaine guerre du Golfe dans douze ans (c’est chronique). Mais moi je trouve que ça sent l’essence tout ça, ou plutôt le pétrole pour être précis. En tout cas, je sais pas si le peuple irakien sent hume le pétrole, mais il doit se dire qu’avec la détermination américaine affichée depuis quelque temps déjà, ça sent le sapin.
Comment peuvent-ils parler de démocratie aux US, alors qu’ils ont soutenu les pires dictatures d’Amérique latine, que ce sont eux qui ont formé les talibans (contre lURSS dans les 80’s), et que chez eux, même chez eux, eh bien c’est le candidat qui a reçu le moins de voix de la part du peuple qui a été élu, contre-exemple flagrant de démocratie.
Mais là je m’enflamme et je dépasse les limites du sujet, j’ai même fait un hors-sujet, merde, demain j’ai des exams, ça commence bien.
La presse ? Laissez moi rire un peu. Il suffit de comparer la façon dont le conflit serbo-kosovar a été rapporté d’une part par les chaînes tv françaises, espagnoles, brittaniques, et d’autre part par les belges, allemandes, italiennes et hollandaises, et vous n’avez pas le même conflit, on inverse le rôle du gentil et du méchant, on montre les mêmes images de torture et de destruction, mais ô miracle, les acteurs ont tourné, c’est vrai que ça doit être lassant de jouer toujours le même jeu pour les yeux des prospères occidentaux bien-pensants avalant le 20h00 dans leur canap-pantoufle-whisky. Donc pour moi c’est pas une nouveauté que la presse officielle choisissent ses infos et la façon de les relater. Bon exemple que vous nous donnez de la presse américaine entièrement acquise à la cause de son héroïque président, et dont tout le travail consiste à exercer une lourde pression sur l’opinion publique. C’est du lavage de cerveau pur et simple ! Et là-bas il leur en faut moins qu’ici pour être convaincus, ils ont grandi avec l’idée qu’ils étaient les plus grands et que rien ne pouvait leur arriver. La claque de septembre 2001 les ramène sur terre, et du coup c’est la chose la plus innommable jamais perpétrée par la race humaine (si tant est qu’ils considèrent encore les arabes comme des humains). J’aurais voulu voir leur réaction si c’était arrivé surla bourse de Paris (parce que c’étaient bien le symbole économique qui était visé, le QG de la mondialisation). Tout au plus un message de soutien et de consternation feints par leur Richard Virenque de président.
Vous dîtes que l’opinion publique a eu néanmoins le droit de s’exprimer sur son opposition à la guerre : pas tout à fait !!! La manifestation de New York a duré un quart d’heure, le temps de faire charger les flics sur les manifestants calmes et pacifistes à grand coup de lacrimo,de fumigènes et de canons à eau (notez qu’il faisait près de -30°C à New York ce jour-là, amusez-vous à vous prendre de l’eau à cette température, sachant qu’elle va geler sur vous dans les dix secondes). On a fait rentrer les brebis galeuses dans le rang, on les a domptées. Mais tout ceci, mes amis, n’est que de l’apparence, car ça a dû, au lieu de les convaincre, renforcer les "essayeurs de manifester" dans leur opinion.
Cela dit, ou plutôt écrit, me voilà libéré d’un poids et je vous salue bien bas.
LENINE


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