La culture à Bourges : massacre à la tronçonneuse...
On a par ici coutume de dire que celui qui s’ennuie à Bourges s’ennuiera probablement partout où il ira. Cependant, derrière une certaine diversité culturelle se cache une concentration dangereuse autour de quelques hommes. La culture n’échappe pas, elle non plus, à certaines pratiques très répandues à Bourges qui consistent à consentir des dépenses publiques pour des bénéfices privés. Point de vue d’un spécialiste et fin observateur de la vie culturelle berruyère.
Après plusieurs années de règne de la droite à la Mairie de Bourges et à l’occasion du Printemps, il est de tradition de faire un rapide tour d’horizon de ce qu’il est convenu d’appeler la « Kulture ! ». A priori, tout va bien dans le meilleur des mondes : le Printemps de Bourges (via Coulisses, etc... sans oublier son association Bourges en scène) a enfin un immense lieu bien à lui (les fameuses « Rives d’Auron »). La ville de Bourges accueille deux nouveaux festivals : le très parisien Festival des scénaristes à la Maison de la Culture et le futur très ministériel Festival des films d’écologie (si, si, je vous le jure, c’est pas une vanne) La friche Emmetrop se porte royalement bien dans un calme olympien à tel point que M.Gitton, adjoint à la culture de Bourges, proclame à chaque inauguration : « Bourges possède deux atouts majeurs : la cathédrale et la friche Emmetrop ». Enfin, une seconde salle de cinéma « Art et essai » va être construite à la Maison de la culture...
Bref, on l’aura compris, le bilan de la culture à Bourges est idyllique avec en prime le futur Centre culturel de la Chancellerie... et pourtant, sans trop faire de parano et en se contentant de lire attentivement la presse officielle du Cher, on peut légitiment parler d’un véritable massacre à la tronçonneuse... Analyse des faits :
PREMIER MASSACRE : LE PdB TOUT PUISSANT
En confiant la gestion des principaux espaces de diffusion culturelle à Colling (patron du fameux Printemps), la mairie de Bourges a réalisé son vieux rêve de privatisation de la culture. Les « Rives d’Auron » sont désormais un immense territoire de gestion privée sans aucune démocratie. En clair : si vous êtes en bon terme avec le Printemps de Bourges et son asso Bourges en scène, vous êtes les bienvenus. Mais si vous critiquez ces deux poids lourds, vous n’existerez plus dans le paysage culturel de Bourges ! Si ça, ce n’est pas un coup d’état culturel, alors jusqu’où faudra-t-il aller en matière de cadeaux à la société Colling et donc en matière de privatisation de la culture ?
DEUXIEME MASSACRE : L’ALTERNATIVE QUI SE COUCHE
La friche Emmetrop a définitivement abandonné tous ses combats alternatifs en signant des partenariats très officiels avec le Printemps de Bourges et Bourges en scène qui sont en fait deux structures gérées par les mêmes personnes. Résultat : alors qu’Emmetrop, il y a encore peu, dénonçait les barons de la culture (comprenez la mafia qui fait la loi en matière de programmation musicale et d’événements culturels), elle se retrouve mariée avec une structure, symbole du mélange improbable entre feu « Les Garçons Bouchers » et la « Star Ac » ! Une simple observation de la programmation de Bourges en scène, suffit à prendre la mesure de ce grand écart douloureux.
Pour sauver ses emplois, Emmetrop a dû renoncer à ses idéaux d’égalité en matière de programmation culturelle. Là encore, un chantage honteux : « Vous avez des partenariats avec les puissants, vous cessez de lutter contre ces horribles et vous aurez vos subventions d’aide à l’emploi ». On comprendra donc aisément les déclarations systématiques de M. Gitton de la mairie de Bourges... Une raison certes valable en ces temps de chômage, mais une stratégie qui fait vomir de tristesse tant les espérances sincères de tous les opprimés de la culture ont été déçus par cette reculade définitive d’Emmetrop. On peut donc légitimement parler d’un massacre définitif avec la perte d’une véritable alternative démocratique face aux grands puissants de la culture officielle....Et donc, un premier rêve : A quand une friche culturelle qui jouerait son véritable rôle de contre-pouvoir à Bourges comme dans toute démocratie qui se respecte ?
TROISIEME MASSACRE : « DESHABILLER PIERRE POUR HABILLER PAUL »
Le deuxième grand baron de la culture (avec le PdB), c’est-à-dire la Maison de la Culture, peut être content : en foirant les négociations de la reprise des cinémas de la rue Littré, la municipalité permet a la Maison de la Culture de créer, sans aucun concurrence si ce n’est le Méga CGR, une seconde salle art et essai.
Certes, le but est de contrer la grosse artillerie du CGR mais alors certainement pas grâce à l’unique temple de la culture officialisé de Bourges qui vient de nous gratifier du plus parisien des Festival des scénaristes ! Quant aux vrais acteurs de la culture à Bourges qui sont menacés à l’image de l’IMEB (Institut International de Musique Electroacoustique) et à l’association Bandits-Mages, tous deux de réputation internationale mais qui n’ont pas l’air de plaire à la municipalité...
Imaginez leurs tronches quand ils comprennent à quoi sont destinées leurs aides en baisse chaque année : y a de quoi mal digérer les cocktails généreusement offerts aux nouveaux festivaliers ! Pour les spécialistes, ça s’appelle « Déshabillez Pierre pour habiller Paul ! »
QUATRIEME MASSACRE : LE FAIT DU PRINCE
En matière de gestion du Château d’Eau de Bourges, lieu d’art municipal, la ville avait consenti un effort de pluralisme en nommant un conseil de programmation constitué d’une dizaine de personnes. Cet îlot de démocratie vient de sauter : M.Gitton dictateur culturel à Bourges, gère désormais seul et ce depuis plusieurs mois ce lieu d’art. On appelle ça « le fait du Prince ».
CINQUIEME ET SIXIEME MASSACRES : POBEAU AU POUVOIR
L’ère Alain Meilland à la culture de Bourges, qu’on se le dise, est terminée. Nous entrons dans l’ère Michel Pobeau et là, ça va chauffer. Certains objecteront que Meilland, transfuge gaucho des années 70 (ancien secrétaire particulier de Léo Férré et co-fondateur du Printemps de Bourges), vendu à la droite berruyère (toujours prête à s’allier avec l’extrême-droite en cas d’élection difficile), ce n’était pas vraiment le Pérou.
Mais là, avec notre Pobeau, ça va être drôle. Rien qu’à lui seul, en à peine trois mois d’accession secrète, il en est déjà à deux massacres à son actif. Ainsi, le futur Centre Culturel de la Chancellerie devait être dirigé par un directeur national, ce qui garantissait a priori, une forme d’indépendance. Hé bah non, ça devrait être Pobeau car le Ministre de l’écologie a décidé que ça serait lui et pas un autre.
Idem pour le futur Festival des films d’écologie. Bon, déjà, un festival d’écologie dans une ville dont le maire est devenu ministre de l’écologie, ça fait un peu premier de la classe qui s’arroge le droit de faire son caca culturel à lui tout seul. Mais en plus, confier la bête à son gentil toutou de Pobeau, alors là, il y a de quoi crier au scandale versaillais. Même Louis XIV n’aurait pas osé en faire autant !
Comme Pobeau va être l’homme de la culture à Bourges, il convient d’en faire un rapide portrait.
Michel Pobeau, actuel directeur d’une fausse « Agence culturelle de Bourges » (en fait une structure para municipale) qui ne sert strictement à rien, est surtout connu pour être en bloc dirlo tout à la fois du Théâtre Jacques Coeur (sous utilisé) mais aussi du fameux festival Un été à Bourges et enfin d’un sombre Festival de la vidéo amateur. A ce sujet, on peut remarquer que dans une ville où se trouve déjà Bandits-Mages, asso spécialisée en vidéo et organisant depuis longtemps un festival tous les deux ans, ça la fout un peu mal...
Le portrait ne serait pas complet si l’on oubliait de rappeler aux berruyers (et aux autres) qu’en un temps lointain (sous le règne de la municipalité Rimbault dite « de gauche »), Pobeau fut sorti par Alain Meilland de sa pauvre condition de surveillant d’école... ça remonte déjà très loin.
Pour des raisons obscures, Pobeau déteste Meilland. Mais comment réussir à niquer son « grand frère » ? Pobeau n’hésitera pas : il s’encarte au clan Lepeltier en pensant prendre le bon train. Si Lepeltier gagne les municipales, notre héros sera le directeur de la culture de Bourges. Pobeau met d’ailleurs les bouchées doubles, à l’époque, en publiant des poèmes d’une qualité douteuse et qui ont d’ailleurs été fort heureusement oubliés. Mais enfin, reconnaissons-lui ces efforts de l’époque pour intriguer et accéder au poste suprême.
Sauf que lorsque Lepeltier gagne la ville, il décide avec une intelligence redoutable de scinder son équipe culture en deux : Meilland, le gauchiste reconverti, sera son directeur tandis que Pobeau, pourtant encarté à fond, ne sera que directeur d’une agence dite « culturelle ».
Là, reconnaissons-le, c’est difficile à comprendre. Mais en nommant Meilland le gaucho, Lepeltier s’assurait qu’il aurait la paix avec certains milieux de gauche, c’est-à-dire, toute la culture de l’époque. Deux municipalités de Lepeltier verront ces deux frères ennemis campés dans leur lieux respectifs : Meilland, à la Mairie, Pobeau au Théâtre J.Coeur...
Jusqu’au jour, où, et là on est revenu à notre charmante époque, Serge Lepeltier devient Ministre. Oui, Ministre de l’écologie ! ! ! Et alors là, ça change quand même les choses car du haut de sa montagne, le grand Serge peut enfin récompenser son fidèle Pobeau : pousser vers la porte de sortie le Meilland haï et passablement usé pour le remplacer par son Pobeau chéri qui, si l’on récapitule bien, collectionnera dans peu de temps sous la même casquette les rôles de : directeur du Festival de l’écologie, directeur du Centre Culturel de la Chancellerie, directeur du Festival Un été à Bourges, directeur du Festival de vidéo amateur et enfin directeur de Théâtre Jacques Coeur . Notre nouvel homme fort de la culture va devoir choisir. A moins qu’il n’accède enfin à la direction suprême en remplacement très officiel de Meilland en tant que grand et unique directeur de la culture de Bourges...
On l’aura compris : ce triste roman de la culture émasculée à Bourges est à se péter la tronche. Une chose est sûre : en concentrant les pouvoirs sur trois personnes - Colling, Pobeau et Filinger - la mairie de Bourges a décidé de faire le grand nettoyage. Gare aux oreilles qui dépassent. Cultureux de tous poils, amusez-vous, buvez, baisez, chantez au Printemps... mais n’oubliez pas que c’est au prix du mépris complet de la diversité culturelle !
Illustration : Le futur Centre Culturel de la Chancellerie, en travaux.