Changement climatique : les pays pauvres premières victimes

lundi 10 décembre 2007 à 21:19, par clarinette

On a parlé d’écologie dans tous les journaux pendant le Grenelle de l’environnement, on parle du réchauffement climatique lorsqu’on remarque certains excès de température... mais on a encore bien du mal à réaliser que le changement climatique est en cours, et qu’il fait peser des menaces précises sur notre planète, et donc sur nos conditions de vie, à plus ou moins long terme.
Samedi dernier, 8 décembre 2007, à l’occasion de la « Journée Mondiale du Climat », des mobilisations ont eu lieu en France et dans le monde.

Des vérités qui dérangent

Changement climatique : les pays pauvres premières victimes
Désert du Lipez, Bolivie. Source : wikipédia commons

La date du 8 décembre pourrait être l’occasion de rappeler quelques vérités qui dérangent... En vrac : que le réchauffement du climat est un phénomène inéluctable, qui, quelles que soient les mesures que nous arriverons à prendre, aura des conséquences multiples, que les écosystèmes ont une capacité d’adaptation limitée, en particulier les écosystèmes côtiers, que les changements climatiques auront une incidence sur la santé des populations (par exemple développement de certaines maladies infectieuses et respiratoires, malnutrition...), etc.
 [1]
Certaines de ces catastrophes climatiques sont brutales (cyclone, inondations...). Des images sont diffusées à la télévision, on nous encourage à soutenir les efforts des ONG qui vont secourir les victimes. On veut croire qu’il s’agit d’événements exceptionnels.
D’autres catastrophes ne sont pas visibles, ou si peu : la montée des eaux qui menace l’archipel polynésien de Tuvalu [2], l’avancée du désert de Gobi, qui menace de nombreux villages de cette région chinoise, le réchauffement des températures qui provoque l’érosion du littoral et menace des villages d’Alaska [3], etc. Point commun de ces phénomènes : des populations qui souffrent et qui risquent d’être contraintes à l’exil vers une région où les conditions de vie sont plus favorables. Les 11600 habitants des îles de Tuvalu seront sans doute accueillis par la Nouvelle-Zélande, mais qu’en est-il pour les autres ?

Comment les appeler ?

Pour le moment, on ne sait pas bien quel nom leur donner. On parle ici et là de réfugiés climatiques, de réfugiés environnementaux, de « migrants forcés » (un peu contradictoire...), de réfugiés écologiques. Ce qui est certain, c’est qu’ils existent, et qu’on va en parler de plus en plus...
En effet, ils sont et seront nombreux. Les estimations laissent rêveurs, autant dans leur importance, que dans leur évolution...
 Estimation de 1998, citée par Christel Cournil (Docteur en Droit public [4] ) : « A l’échelle de la planète près de 25 millions de personnes sont forcées de quitter leurs habitations, leurs régions ou leurs pays en raison d’une « cause écologique ».
 En 2005, un rapport des Nations Unies parle de 50 millions de "réfugiés écologiques" à l’horizon 2010 [5].
 En 2007, l’association Christian Aid annonce « un milliard de migrants d’ici 2050 » [6] fuyant principalement le manque d’eau et de nourriture...

Cela nous regarde

Aucune région n’est à l’abri des changements [7], mais nos régions resteront sans doute habitables. Nous avons donc du mal à nous sentir concernés par tout cela : réalisons-nous l’ampleur du problème ?... Et réalisons-nous la responsabilité qui est la nôtre, nous qui sommes relativement à l’abri des menaces vitales ?
Au minimum, le souci de ces millions de ces frères humains devrait nous inciter à faire au quotidien les "gestes écologiques" évidents, de façon à limiter l’ampleur des changements climatiques en cours...
Mais la question de notre responsabilité globale va bien au delà : puisque nous, pays riches, sommes les premiers responsables du changement climatique (notamment puisque c’est nous qui produisons le plus de gaz à effet de serre), n’est-ce pas à nous de prendre en charge les dommages subis finalement par les populations les plus pauvres ? La question écologique est évidemment une question éthique, et c’est à chacun de nous qu’elle s’adresse... Elle est évidemment aussi une question politique : quelle aide offrir, quel accueil faire aux « réfugiés écologiques » ?

Une première étape ?

Une première étape serait la reconnaissance juridique d’un statut international du réfugié écologique. Un groupe de juristes a appelé à cette réflexion dès 2005 [8], afin d’établir concrètement la protection et les droits de cette catégorie de population.
Aujourd’hui en effet, les réfugiés écologiques ne sont reconnus dans aucune convention internationale, à la différence par exemple des réfugiés politiques dont le statut a été défini à partir de la Convention de Genève en 1951.
Tout reste donc à faire... mais les pays riches ne semblent guère pressés de formaliser les choses. D’abord il est difficile d’élaborer juridiquement une définition du réfugié écologique, tant les causes sont variées ; ensuite il faut bien reconnaître que « dans les pays occidentaux, la question des réfugiés climatiques est contaminée par les tensions qui existent à propos des politiques d’immigration. Pour eux, la répartition de cette nouvelle charge migratoire et la reconnaissance de leur responsabilité dans le réchauffement de la planète sont des enjeux énormes" (Christel Cournil [9]).

Une « justice climatique » ?

Depuis 1992, la convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique, adoptée à Rio, définit les devoirs des pays développés. Par exemple à l’article 4.4 : « Les pays développés (...) aident les pays en voie de développement (...) particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques à faire face au coût de leur adaptation auxdits effets » [10].
Depuis 2005 en France, les droits de l’homme s’élargissent à un « droit à l’environnement » : le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (article 1, Charte de l’environnement, votée par le Parlement le 28 février 2005)...
Mais s’agit-il d’autre chose que de bonnes intentions ?
Au delà, lorsque les dégâts sont faits et que des personnes sont obligées de quitter leur terre, une reconnaissance légale du statut des réfugiés écologiques ouvrirait des droits à réparation, en compensation des dommages subis, par exemple lorsqu’une pollution industrielle a rendu un village inhabitable. Une « justice climatique » prendrait en compte les violations des droits de l’homme liées aux changements climatiques, et établirait les responsabilités politiques ou économiques...

En France, les Amis de la Terre [11], notamment, militent pour cela ; en politique, seuls les Verts (à ma connaissance) mentionnent cet impératif. Hier, 8 décembre, ici et là, on a rappelé ces urgences [12]. Aujourd’hui 9 décembre, et demain, etc, elles restent d’actualité...

A lire absolument :
Les voix des populations affectées par le changement climatique, Les amis de la Terre international, novembre 2007, en ligne ici-
ou là-.

Réfugiés climatiques, Collectif Argos, éditions Infolio, 39 euros. Voir ici-.

Et pour aller plus loin : sur Réseau Actions Climat France-

[1Pour prendre conscience de l’ampleur des conséquences du changement climatique : Al Gore et le GIEC, nos deux Nobel 2007, deux approches sans doute complémentaires. Le film « Une vérité qui dérange », et le rapport 2007 du GIEC, en ligne ici-. A compléter par http://www.greenfacts.org/fr/changement-climatique-re4/index.htm-

[29 îles de 26 km², voir ici-

[3voir ici-

[4Les réfugiés écologiques : Quelle(s) protection(s), quel(s) statut(s) ? Christel Cournil, REVUE DU DROIT PUBLIC - No 4-2006, p. 1035 à 1066. Article en ligne-

[5Etude publiée par l’Institut pour la Sécurité environnementale et humaine, Université des Nations unies (UNU, Bonn) le 11 octobre 2005

[6Le rapport de Christian Aid : Human tide : the real migration crisis-

[7cf JM Jancovici : N’y aura-t-il pas des régions épargnées par le changement climatique ? ici-

[8Appel de Limoges sur les réfugiés écologiques, 23 juin 2005, CRIDEAU, CIDCE, à lire ici-

[9Chercheuse à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris), université Paris-XII, entretien à Jeune afrique.com 15 juillet 2007-

[10Pour lire la convention : site de la CCNUC-

[12voir par exemple ici-ou là-

commentaires
Changement climatique : une menace pour la paix - clarinette - 12 décembre 2007 à 22:25

Le rapport en ligne : http://www.wbgu.de/wbgu_jg2007_engl.html, en anglais. Ou ici en allemand.
271 pages, qui expliquent comment les changements climatiques locaux conduisent à des migrations de population, qui elles-mêmes conduisent à des conflits, d’abord locaux, puis élargis ("ondes de choc vers d’autres pays"). Et, région par région, l’analyse des conditions environnementales et climatiques actuelles, et des risques potentiels à venir.


#9140
Changement climatique : les pays pauvres premières victimes - bombix - 12 décembre 2007 à 20:38
#9138
Changement climatique : les pays pauvres premières victimes - clarinette - 12 décembre 2007 à  21:57

La même info sur :
http://afp.google.com/article/ALeqM5gddVMkOADCZEFyz0pBINz8rCUyUw. Selon ce rapport de l’ONU, le réchauffement climatique pourrait provoquer une "guerre civile mondiale".
Ce rapport cite le nombre de 500 millions de réfugiés climatiques, et décrit les différents types de tensions ou d’affrontements possibles...
On aimerait qu’il s’agisse du scénario d’un mauvais film de science-fiction...

#9139 | Répond au message #9138
Changement climatique : les pays pauvres premières victimes - 20 décembre 2007 à  17:04

bah oui alors triez vos déchets allez chercher le pain à pied c’est toujours ca de pris pour les ours blancs et bientôt pour nous...

#9216 | Répond au message #9139