Déni de démocratie, peut-être pas, mépris des électeurs sûrement
La prochaine élection municipale à Bourges se jouera entre deux partis : le PS et l’UMP. En vertu du principe qui veut que l’union fasse la force, les autres formations politiques susceptibles de former une liste, ont préféré s’allier dès le premier tour avec le parti le plus puissant de leurs camps respectifs : Lutte Ouvrière, le PCF, Les Verts et le MRC avec le PS, l’UDF avec l’UMP. De cette situation découle une évidence : il n’y aura qu’un tour lors de cette élection, et le prochain maire de Bourges sera connu dès le 9 mars 2008 au soir.
Ces alliances dès le premier tour ne changeront rien au résultat du scrutin. En effet, supposons que Lutte Ouvrière, le PCF, Les Verts et le MRC et l’UDF aient chacun présenté une liste, il est probable qu’aucun d’entre eux n’aurait pu devancer le PS ou l’UMP, et ils auraient été contraints de faire leurs unions respectives entre les deux tours pour avoir une chance de succès. Le prochain maire de Bourges n’aurait été connu qu’une semaine plus tard.
Cela étant exposé, il peut paraître naturel de faire les alliances dès le premier tour afin d’entrer directement dans le vif du sujet : un combat gauche/droite classique, combat qui a jusqu’à présent garanti le fonctionnement démocratique de notre pays. Cependant, si, dans sa grande sagesse, le législateur à imaginé une élection à deux tours, il y a sûrement des raisons :
– Permettre aux partis minoritaires de s’exprimer.
– Permettre aux électeurs de choisir.
– Eviter les alliances d’appareils.
Permettre aux partis minoritaires de s’exprimer.
Si des partis différents peuvent faire des alliances, c’est qu’ils défendent des idées communes sur bon nombre de sujets de société. A contrario, ils s’opposent sur d’autres valeurs. Présenter une liste permet donc d’expliquer et de défendre ces différences, et justifie l’existence de partis distincts. S’allier dès le premier tour, c’est faire abstraction de ces différences. Comment justifier alors l’existence des partis minoritaires, et, à terme, se pose la question de leur éventuelle disparition et de l’émergence du bipartisme.
Permettre aux électeurs de choisir.
Le principe général d’une élection à deux tours est qu’au premier tour on choisit, au second on élimine. Avec une alliance dès le premier tour, plus de choix possible, on passe directement à la phase d’élimination. On ne vote plus pour un candidat ou une liste, mais contre. Au contraire du « vote pour », très motivant parce qu’il permet de défendre ses convictions, le « vote contre » est très démobilisateur. La frustration de ne pas pouvoir choisir les candidats ou les listes qui leur correspondent le mieux, peut aboutir à une forte abstention des électeurs.
Eviter les alliances d’appareils.
Ces alliances dès le premier tour sont fortement entachées de suspicion. Elles se sont faites au sein même des appareils politiques, à l’abri du regard des électeurs. Ceux-ci sont alors en droit de se demander quelles ont été les tractations, quels compromis ont été obtenus pour arriver à ces alliances. De plus, les coalisés insistent fortement sur les points qui les réunissent, mais restent muets sur les points de divergence. On peut alors soupçonner qu’il s’agit plus de compromissions que de compromis, qu’il s’agit plus de magouilles que de tractations. La méfiance envers les partis en est renforcée, avec son corollaire, la montée des extrémismes.
En conclusion, si l’union au second tour est nécessaire pour emporter la victoire, elle à des conséquences désastreuses quand elle est réalisée avant même le premier tour. La défiance des électeurs envers les politiques et la montée de l’abstention en sont les manifestations tangibles. C’est d’autant plus regrettable que les élections municipales se jouent au scrutin mixte, dont le but est de d’assurer une majorité au vainqueur, de permettre des alliances entre les deux tours, et de donner une représentation aux minoritaires.