Lire à ce sujet l’excellent article de Denis Collin sur La sociale : La contre-révolution en marche
extraits :
« L’habileté de Sarkozy - car c’est lui et lui seul qui a voulu cette loi - consiste à maintenir officiellement la semaine de 35 heures comme durée légale, mais au lieu d’être un plafond, les 35 heures deviennent un plancher. Comment cela se fait-il ? Tout simplement en déconstruisant la pyramide des normes (pour parler le langage des juristes). La doctrine juridique veut que le dernier mot appartienne à la loi (le code du travail) émanant de la volonté générale. Si la loi fixe la journée maximale de travail à 8 h, un accord de branche pour la porter à 7 h, mais pas à 9 ! Si l’accord de branche est 7 h, l’accord d’entreprise peut décider 6 h mais pas 8. Or la nouvelle loi inverse ce mécanisme. Le seul accord qui vaille et qui peut déroger à toutes les normes de niveau autrefois supérieur, c’est l’accord d’entreprise, une loi qui est évidemment décidée au nom de la liberté ! Si un patron qui n’a en face de lui aucun syndicat (sauf un syndicat maison, quelle que soit son étiquette), il a effectivement la liberté totale de faire travailler ses ouvriers 40, 45 ou 48 heures par semaine. »
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« L’immédiat : une loi qui découle d’un accord signé par le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CFDT qui modifie les règles de la représentativité syndicale. Cet accord vise à mettre en cause la représentativité nationale des grandes confédérations au profit de la représentativité locale. Il est la condition nécessaire pour que la suite - c’est-à-dire la négociation locale du temps de travail puisse être mis en œuvre. CGT, CFDT, patrons, médias, gouvernement : tous en chœur annoncent qu’une nouvelle ère vient de s’ouvrir dans les relations sociales. CFTC, FO, SUD marginalisés, les gens sérieux s’occupent des choses sérieuses et Thibault se voit dans le rôle de l’interlocuteur privilégié de Sarkozy. Patatras, Sarkozy avec une grande cohérence et une grande maestria bat le fer quand il est chaud. Il joint à l’accord sur la représentativité une loi qui liquide la limitation légale du temps de travail. Là-dessus Chérèque et Thibault crient à la trahison. Sarkozy apprécie lucidement ce qui s’est passé : la félonie des dirigeants de la CGT et de la CFDT les rend, à l’évidence, incapables de s’opposer à la félonie qu’il leur concocte. Les traîtres ne doivent pas s’étonner d’être payés de la seule monnaie qu’ils connaissent. Sans l’accord avec la CGT et la CFDT, Sarkozy n’aurait jamais pu jouer cette partie avec cette facilité. »
L’article de Denis présente en outre l’intérêt de placer toutes ces réformes dans leur contexte historique.