Les médias unanimes contre les déclarations de Lepeltier

Le Président du RPR et sénateur-maire de Bourges Serge Lepeltier a réussi à faire l’unanimité contre lui. Mardi 21 mai, Serge Lepeltier avait déclaré sur RTL qu’il souhaitait que l’UMP maintienne ses candidats dans le cas d’une triangulaire où le FN pourrait l’emporter face au PS au deuxième tour des législatives. Le sénateur-maire de Bourges avait déjà tenu de tels propos dans le quotidien régional Le Berry Républicain au lendemain de l’élection de Jacques Chirac, sans que cela ne choque les responsables politiques ni la population berruyère, peut-être habituée à ses « dérapages verbaux ».

Aujourd’hui, Libération parle de « couac », Le Monde parle de « gaffe », Le Parisien estime ironiquement que le Président du RPR - a titre temporaire, précise-t-il - a « la côte » alors que Le Nouvel Observateur l’a affublé du sobriquet « bouche d’or ».

Dans un article de Libération, le journaliste Gilles Bresson a recours à une citation de Michel Audiard pour qualifier la déclaration du sénateur-maire de Bourges : « Les cons, ça ose tout et c’est à ça qu’on les reconnaît ». Dans le quotidien Le Monde, Jean-Baptiste de Montvalon et Jean-Louis Saux, rapportent la réaction de Pierre Bédier, secrétaire général adjoint du RPR : « Je suppose que vous m’appelez pour les conneries de Lepeltier ? » Le quotidien du soir parle ainsi d’un « début tonitruant » de Serge Lepeltier à la tête du RPR.

Si l’ensemble de la presse écrite parle de « bourde », beaucoup de médias estiment également que les propos de Serge Lepeltier sont révélateurs d’une certaine ambiguïté de l’attitude de la droite républicaine vis-à-vis du Front National. Le Monde rapporte ainsi la déclaration de Martine Aubry : « Chirac lui-même n’a pas été clair en participant à un meeting à Lyon avec Charles Millon. Lepeltier dit tout haut ce que la droite a l’intention de faire tout bas ».

La chronique de Robert Schneider dans Le Nouvel Observateur va dans le même sens : « Serge Lepeltier n’a pas gaffé. Il a brisé un tabou. Il a dit tout haut ce que beaucoup d’élus de droite pensent : aux législatives, l’objectif est de faire barrage à la gauche pour obtenir une majorité parlementaire. Mieux vaut donc une victoire législative et quelques députés FN que le risque d’une majorité de gauche et une nouvelle cohabitation ». Robert Schneider parle de « l’indécence de Lepeltier et de ses petits calculs » pour donner de nombreux exemples illustrant les relations troubles entre la droite et l’extrême droite. « Jacques Chirac lui-même qui s’est dressé en rempart contre l’extrême-droite, ne pratique pas la tolérance zéro vis à vis du FN. Comment s’étonner qu’un Lepeltier se soit cru autorisé à parler franc ? », s’interroge-t-il.

Même remarques dans Le Figaro qui avait fait pourtant quelques mois plus tôt l’éloge du maire de Bourges. : « Serge Lepeltier a exprimé une opinion très largement répandue au sein du RPR », révèle le quotidien conservateur citant le député de Paris du Pôle Républicain Georges Sarre qui qualifie par ailleurs M. Lepeltier de « sorte de Gaston Lagaffe répertorié comme tel », estimant qu’il avait « peut-être exprimé tout naturellement dans sa candeur naïve une opinion très largement répandue auprès d’élus et de candidats RPR prêts à tout sacrifier à leurs ambitions personnelles. »

L’éditorialiste du Courrier Picard, Jean-François Montémont se montre lui aussi très sévère à l’égard du numéro un du RPR : « C’est vraiment à désespérer d’une certaine frange de politiciens qui ne comprennent l’intérêt de notre pays qu’en résolvant de vulgaires problèmes d’arithmétique », s’emporte-t-il avant d’estimer que « la réalité du terrain risque de nous réserver encore quelques mauvaises surprises ».

Même colère du côté de La Liberté de l’Est où Olivier Kopf écrit que « le président par intérim du RPR a purement et simplement déraillé en commettant ce qui s’apparente à un véritable crime de lèse-pacte républicain (...) Plus qu’une gaffe (...) Il s’agit là d’une faute politique ».

Dans La République du Centre, Jacques Camus ne dit pas le contraire : « En estimant que quelques députés du Front National présentaient un risque moindre que l’élection de candidats socialistes, Serge Lepeltier a adopté une position intenable. Ses pauvres rétractations ne dispenseront pas Jacques Chirac de clarifier les choses ».

Mais la réaction la plus cinglante est sans doute à mettre au crédit du journal Le Parisien qui remet en cause l’intelligence politique de Serge Lepeltier : « Lepeltier a laborieusement fait marche arrière. Chez les chiraquiens, les uns pensent que Lepeltier est décidément - dit un ministre - sympathique mais politiquement sot. Les autres qu’il est un incorrigible gaffeur. » Comme en écho, Libération rappelle que Serge Lepeltier n’en est pas à sa première bourde : « A peine nommé secrétaire général du RPR, le sénateur-maire de Bourges avait en avril 2001, accusé Lionel Jospin de se balladuriser. » Ce qui avait fait dire à Edouard Balladur pour qui Serge Lepeltier est un ami de trente ans - il avait participé activement à sa campagne pour les municipales en 1977 dans le XVème arrondissement de Paris : « je n’ai aucun conseil à donner à Mme Alliot-Marie, mais avoir Gaston Lagaffe comme numéro deux du RPR n’est pas très porteur... »