CULTURE EN QUESTIONS

"Le désengagement progressif de l’Etat est flagrant"

Interview de Pierre-André Effa (seconde partie)
samedi 5 juillet 2008 à 13:13, par Mercure Galant

Fonctionnement et activités

"Le désengagement progressif de l'Etat est flagrant"

 L’agitateur : Combien comptez vous d’adhérents aujourd’hui ?

Pierre-André Effa : 200 adhésions à peu près, sans compter les participants aux activités qui ne sont peut-être pas tous à jour…

 l’agitateur : L’association, en interne, a -t-elle également connu des évolutions ?

Pierre-André Effa : Nous sommes toujours une association type loi de 1901 et nous avons obtenu dans un premier temps ce poste à temps plein, mais dès qu’on pouvait construire un partenariat avec une institution, en particulier avec l’école de musique, on l’a fait. Par exemple c’est un professeur de l’école de musique et de danse qui a reçu pour mission de venir donner des cours de danse classique au Hameau. Notre tâche c’était simplement de faire venir le public.

 L’agitateur : A ce propos, pouvez-vous nous parler de la cohérence entre les actions menées par votre association et les structures existantes à Bourges. A-t-il été facile de monter des projets communs ou bien y a-t-il eu des réticences au contraire ?

Pierre-André Effa : Plutôt les deux. (rires) Les partenariats ont été relativement simples pendant une période, moins faciles ensuite et encore plus compliqués récemment. Mais cela n’a jamais été évident.

 L’agitateur : Et qu’en est-il au niveau financier ? Quelles furent les aides accordées à votre association depuis sa création ?

Pierre-André Effa : À nos débuts on peut dire que le maire Jacques Rimbault , a tout de suite senti l’intérêt de notre démarche. Avec lui, il n’y a jamais eu de discussions. Même peu avant son premier malaise, il nous a reçu dans son bureau avec une quinzaine de jeunes. On lui a expliqué la nécessité d’avoir un plein temps pour l’association. À l’époque la subvention de la mairie n’était pas très importante, il la fit passer à 15000€ (100 000f) au budget supplémentaire. Cela a permis la création d’un poste à temps plein puis la mise en place de projets plus ambitieux.

 L’agitateur : Vous avez donc bénéficié principalement d’une aide de la mairie au départ ?

Pierre-André Effa : Presque exclusivement... Et un peu de la part de l’Etat… On était dans les débuts de la politique de la ville et il y avait des lignes budgétaires sur l’action culturelle, sur les problèmes d’insertion, sur la prévention. Il y a eu également le fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés qui nous a aidés quasiment tout de suite. Mais aucune aide du Conseil Général ou du Conseil Régional à ce moment là…

 L’agitateur : Et où en êtes-vous aujourd’hui ? J’ai pu constater que vous faites venir des musiciens reconnus comme Ross Daly . J’imagine qu’il faut quand même payer les cachets de ces artistes.

Pierre-André Effa : Tout d’abord, tous les artistes qui viennent nous connaissent et nous entretenons des relations privilégiées avec eux. Nous travaillons dans une démarche commune mais on n’a pas d’argent pour les payer. C’est très clair qu’un artiste comme Ross Daly lorsqu’il accepte les conditions qu’on lui propose pour venir, sait qu’il n’y aura pas 1500 personnes dans la salle. On lui annonce la couleur. Mais ce sont des artistes que nous avons déjà croisés par le biais de la musique et cela nous aide beaucoup dans nos relations.
Pour en terminer sur le parcours de l’association. C’est en 1994, avec l’apparition du nouveau nom, qu’El Qantara s’est structurée à peu près comme aujourd’hui. Il existe un secteur « danse », un secteur « musique », un secteur « éducation et culture générale » qui inclut les suivis scolaires mais qui véhicule surtout l’idée qu’en dehors de l’activité artistique proprement dite les gens soient incités à lire, à se cultiver et à devenir curieux des choses. Enfin, le quatrième secteur, ce sont les stages d’été avec les rencontres d’El Qantara. Ces activités d’éveil sont pour nous essentielles. On doit d’ailleurs être l’une des rares structures où l’on paye moins cher quand on a deux activités qu’une. Celui qui veut s’inscrire uniquement au suivi scolaire paye cher mais dès qu’il participe à une activité artistique le prix est moins cher. Nous sommes une passerelle, on passe du temps avec les enseignants, les parents. Actuellement, on a une centaine d’enfants en suivi scolaire mais nos animateurs s’occupent plus particulièrement de certains enfants. C’est aussi à ce moment là, au milieu des années 90,que l’on a mis en place le poste de Directeur. Il a donc fallu trouver des financements. On s’est inscrit dans tous les dispositifs d’aide à l’emploi… mais la question financière est une question difficile.

Ressources

 L’agitateur : Sans rentrer dans les détails, quelles sont les aides dont vous disposez actuellement pour monter vos rencontres d’El Qantara ?

Pierre-André Effa : Ces dernières années, il y a eu des moments difficiles financièrement, pour nous comme pour toutes les associations d’ailleurs. Les Conseils Général et Régional nous ont vraiment tirés d’un mauvais pas en 2005 notamment. Aujourd’hui la Région Centre finance la moitié des subventions des collectivités locales à l’association.

 L’agitateur : Et l’Etat ?

- Pierre-André Effa : Maintenant c’est une toute petite part de notre financement…

 L’Agitateur : A quelle hauteur êtes vous financé par la municipalité ?

Pierre-André Effa : Approximativement, je dirais que ça représente moins de 10% de notre budget de fonctionnement… Ce qui est quand même relativement faible pour une structure comme la nôtre qui intervient beaucoup sur la ville.

 L’agitateur : Au fil du temps, avez-vous vu une évolution des aides accordées ?

Pierre-André Effa : Nous n’avons pas vraiment constaté d’évolution…Si… l’aide de la ville a un peu baissé, mais ce qui est surtout flagrant c’est le désengagement progressif de l’Etat. Sur les questions d’insertion professionnelle, il a eu une progression jusqu’à la période des emplois-jeunes mais depuis la fin du gouvernement Jospin c’est difficile…On a effectivement besoin de soutien dans notre action, mais pas seulement financier. Du côté du conseil régional et du conseil général, je dois dire que l’on ressent davantage ce soutien depuis l’arrivée de l’actuelle majorité. Mais ce qui est important c’est que l’association s’autofinance à hauteur d’un tiers approximativement. Entre 25 et 33 % des ressources de l’association sont des ressources propres.

 L’agitateur : Quelles sont ces ressources ?

Pierre-André Effa : Ce sont les recettes des concerts de L’Ensemble Albaycin , les cotisations et les participations aux stages adultes. Ce dernier poste est financé presque intégralement par les adhérents. Alors, lorsqu’on entend dire que c’est quasi gratuit, que c’est de l’assistanat, je ne suis pas du tout d’accord. Par exemple, les musiciens qui s’investissent dans L’Ensemble Albaycin ne sont pas payés pour ça, ils ne comptent pas leur temps de répétition et pourtant c’est aussi une manière de financer l’association.

 L’Agitateur : La plupart de ces musiciens ont-ils été formés dans le cadre de l’association ?

Pierre-André Effa : Non, beaucoup sont arrivés bien après. Des débuts, il ne reste d’ailleurs plus guère que les animateurs.

 L’Agitateur : Je précise ma question, les musiciens qui rejoignent votre ensemble viennent-ils avec une formation musicale préalable ?

Pierre-André Effa : Non, ils intègrent le groupe et apprennent au fur et à mesure… L’Ensemble Albaycin a lui aussi été créé vers 1994 car après quelques années de travail régulier, cela commençait à ressembler à quelque chose. Donc il a fallu lui donner un nom, une identité. Ce nom fait référence à l’un des quartiers de Grenade, c’est en lien avec la musique qu’on joue.

 L’Agitateur : Cet ensemble rayonne maintenant bien au-delà de la ville de Bourges, n’est-ce pas ?

Pierre-André Effa : Bien sûr. Cela s’est fait assez rapidement d’ailleurs, car il n’existe pas beaucoup d’ensemble de musique arabo-andalouse. Nous avons joué en Espagne, en Algérie, au Maroc. Nous disposons de contacts en Turquie, au Moyen-Orient…

(à suivre...)