Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ?

mercredi 12 octobre 2011 à 04:57, par bombix

Le point de rupture — Enquête sur les ressorts du vote FN en milieu populaire : voilà un rapport qui devrait déranger, et d’abord nos préjugés sur le vote Le Pen. Oui, il y a un phénomène Le Pen en France. Oui, le discours du Front National n’est pas réductible à une insupportable démagogie fouettant les bas instincts et les réflexes vils. Oui le Front National apparaît désormais comme une force de propositions crédibles face aux problèmes réels des gens, qui sont à l’origine de leur sentiment d’insécurité, aussi bien physique que sociale et culturelle. Oui, quand les pauvres se sentent abandonnés voire trahis par les politiciens bourgeois – de l’UMP au Front de gauche, ils se tournent vers des organisations politiques fascisantes. C’est désolant, mais c’est comme ça.

Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ?
1er mai : le FN détourne les symboles du mouvement ouvrier.

Présentant Le point de rupture de Jérôme Fourquet et Alain Mergier, la fondation Jean Jaurès, qu’on ne peut soupçonner de sympathie pour l’extrême droite prévient : « Le constat est sans appel : les milieux populaires ne croient plus en la capacité d’action des politiques. Ils attendent des réponses pertinentes et volontaristes mais n’entendent aujourd’hui que le discours de Marine Le Pen. Pour que le FN ne conserve pas ce monopole, il est urgent de répondre à la demande de protection qu’ils expriment. [1] »
Après tout, il fallait s’y attendre. Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans le pays et dans notre système politique depuis le séisme de 2002 ? Ou plutôt, qu’est-ce qui ne s’est pas dégradé ? Comment a-t-on répondu à la demande effective et à la détresse de ceux qui sont allés mettre un bulletin dans l’urne pour Jean-Marie Le Pen ce triste 21 avril ?

Notre situation

2011 : Sarkozy est au pouvoir depuis 4 ans. Il n’a tenu aucune de ses promesses. Il est apparu, et ce dès l’incipit magistral que fut la nuit au Fouquet’s, comme le Président des riches, comme le défenseur d’un système qui aggrave des inégalités déjà insupportables, comme le fossoyeur de nos institutions républicaines, qui malgré leurs défauts, plaçaient encore quelques garde-fous ici et là. A-t-on assez parlé de ce néo-libéralisme prédateur ? Faut-il être aujourd’hui surpris ? J’écrivais en février 2007 : « les orientations de sa politique [celle de Nicolas Sarkozy] préparent des lendemains très sombres pour la frange de population la plus exposée » Encore n’avais-je pas prévu la crise de 2008 qui croît et prospère, ne lisant pas dans le marc de café. Car, à une politique naturellement dévastatrice s’est ajoutée une crise financière et économique dont l’ampleur n’est comparable qu’à celle de 1929, de sinistre mémoire. Les griefs qu’une majorité de gens nourrissent à l’égard de Sarkozy tiennent à un constat simple et réaliste, que même les gens de droite ont du mal à contester : échec, et impuissance. Quand les riches s’en moquent car, pendant la crise, les affaires continuent, quand les classes moyennes se mettent à douter, mais ne remettent pas sérieusement en question la démocratie qu’elles jugent comme le moins mauvais des mauvais systèmes, — les pauvres, les exclus, les laissés pour compte d’un système qui les broie et les ignore, tout ceux qui n’ont plus rien à perdre soit ne se déplacent plus vers les urnes, soit votent pour Le Pen [2] . Père ou fille. Les Le Pen c’est pareil. Sans être pareil.

L’extrême droite change son look mais reste ce qu’elle est

C’est pareil  : on connaît l’extrême droite, on sait d’où elle vient, on sait où elle va. Il est insuffisant de la qualifier de « national populisme ». L’extrême droite en France, aujourd’hui comme dans les années 30 demeure profondément anti-républicaine et contre-révolutionnaire. Elle rêve d’un régime autoritaire mené par un chef. C’est peu de dire qu’elle ne croit pas aux droits de l’homme, elle exècre l’idée même de droits de l’homme. Elle rêve d’une nation organique dont les membres doivent s’effacer devant l’intérêt collectif, le tout de la nation identifié à une mythique « patrie charnelle ». Elle pratique le culte de la force et justifie un système de castes étanches et bien hiérarchisées, au nom d’un darwinisme social encore bien présent dans son « logiciel » idéologique. Elle opère sa séduction sur les masses par l’exaltation des passions basses, par des mécanismes grégaires de rejet d’une victime émissaire : hier les juifs, aujourd’hui les immigrés. Elle est un mélange de tradition et de modernisme. Elle fédère des idéologies disparates : catholiques traditionalistes et néo-païens, ultra-libéraux néo-cons(ervateurs) et maurrassiens attardés, petits commerçants étriqués et fonctionnaires aigris, intellectuels fatigués séduits par le discours de la force et lumpen-prolétariat abruti par la société du spectacle. Tout ces gens s’entendent moins sur ce qui les nourrit que sur ce qu’ils vomissent. Enorme puissance de ressentiment à l’échelle du corps social tout entier, maladie des démocraties, l’extrême droite, peste des temps modernes n’a jamais capitulé. Tapie dans l’ombre, elle attend son heure. Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde [3].

Mais ce n’est pas pareil. Avec « Marine », le monstre a pris un visage présentable. Elle a travaillé, la fille Le Pen. A gommer l’aspect brute fasciste du père. A faire oublier le poujadiste. A faire se taire l’ancien para d’Algérie, dont les affinités avec le néo-nazisme vont beaucoup plus loin que la simple proximité des services d’ordre interlopes des meetings du Front : crânes rasés et insignes ostentatoires. A mettre à la retraite l’incorrigible provocateur qui savait envoyer des signes de négationnisme à son public quand il le fallait, pour bien lui rappeler qui parlait, et d’où. La voilà donc banalisée « Marine », courtisée, invitée sur les plateaux de télé, interrogée longuement dans les soirées électorales. Elle ne jure plus dans le décor. C’est peu de dire qu’elle a dédiabolisé le FN, elle l’a rendu presque fréquentable. Du temps du père, il fallait un voyou du genre Tapie, à la rhétorique bourre-pif, pour oser un duel avec le bouledogue haineux et baveux. Aujourd’hui, on cause entre « gens du monde » du « quotidien des français »…

Le loup ne s’est pas transformé en agneau pour autant. Il sait, parce qu’il n’est pas un crétin bien qu’étant un salaud, qu’il a plus de chance de violer et de dévorer cette petite niaise qui s’est encore perdue, s’il se planque dans la maison de la grand-mère démocratie. Vienne le vent mauvais, et les frimas, et la grêle qui fouette et transit. Il faut bien se mettre à l’abri. Mais mère-grand, comme vous avez de grandes dents !

Protégez-nous !

Le grand mot du rapport de Fourquet et Mergier est lâché : besoin de protection, besoin d’abri. Vieille figure du politique que celle du berger qui garde son troupeau. Mais aussi vieille leçon politique, et qui se répète à travers l’histoire : le Prince doit se battre sur deux fronts. Il a le devoir de défendre la Nation contre ses ennemis extérieurs ; mais il doit aussi faire taire les dissensions qui la minent de l’intérieur, préserver le pays de la guerre civile, de la détestable stasis [4] qui corrompt et dissout le corps politique. Au reste, plus le pays est sain et fort de l’intérieur, plus il est uni, plus il est à même de se défendre vis à vis des menaces extérieures. Or le libéralisme dissout le lien social, éradique les identités collectives, favorise la montée des égoïsmes et débouche sur la guerre de tous contre tous. Il sacrifie aussi les plus démunis sur l’autel du « marché » mondialisé. Les dirigeants gagnés par cette idéologie sont logiquement perçus à la fois comme les artisans d’un délitement intérieur, et comme des spectateurs incapables de protéger la population des coups d’un environnement extérieur de plus en plus impitoyable.

L’impuissance du Prince

« L’idée se répand en effet selon laquelle le pouvoir réel et effectif serait non plus aux mains des politiques mais des marchés financiers [5], pendant que l’image d’un pouvoir sans partage détenu par l’oligarchie financière et confisqué à la sphère politique s’impose dans les milieux populaires. Le monde politique se trouve ainsi décrédibilisé non plus seulement au titre de son incompétence et de ses abus, mais au titre, désormais, de son impuissance. » [6] Un Prince impuissant n’a plus aucune légitimité ni crédibilité, qu’on se le dise. « Le vrai clivage pour les milieux populaires se situerait aujourd’hui entre une offre politique volontariste, capable de reconquérir le pouvoir effectif contre l’hégémonie des marchés, et une offre politique par trop fataliste qui s’y plie. Dans cette logique, l’attente principale se préoccupe moins de compétence et de programme que de détermination, et d’affirmation de capacité d’action. [7] »

Les « petits blancs » trahis

Le Prince est-il vraiment devenu impuissant ? Qu’importe : ce qui compte, dans une démocratie d’opinion, c’est moins ce qu’il est et ce qu’il fait que l’impression qu’il dégage. Une partie de l’électorat populaire, ouvrier, a cru Sarkozy en 2007. C’est triste, mais c’est comme ça. La droite a toujours pu compter sur un électorat populaire et ouvrier. Sarkozy a su le séduire par un subtil mélange de démagogie, de xénophobie, de revendications identitaires, et de promesses d’amélioration de la vie matérielle (« travailler plus pour gagner plus »). C’est peu de dire que ces gens ont été déçus : ils ont le sentiment d’avoir été trahis. « On s’est fait avoir une fois et il pense pouvoir recommencer en 2012 ? Mais c’est qu’il nous prend pour des débiles » résument souvent sans ambages les questionnés [8]. Résultat : 30% de la population française, les moins riches d’entre nos concitoyens, les plus précarisés, des employés, des ouvriers, des chômeurs ou des bénéficiaires du RSA, et qui gagnent moins de 1250 euros par mois sont sensibles à l’offre lepéniste. 28% des électeurs des classes populaires qui ont voté Sarkozy en 2007 sont prêts à passer au FN. Seulement 46% revoteraient Sarkozy [9].

Du vote sanction au vote adhésion

Mais il y a autre chose dans ce rapport. Le vote Le Pen n’est plus assimilable à une simple sanction, il résulte désormais d’une véritable adhésion. C’est la question de l’insécurité qui est encore ici centrale. Une insécurité sensible physiquement, socialement, culturellement. Si les « thèmes populistes » rencontrent un tel écho, c’est que « la réalité à laquelle ils s’adressent y est disposée. Dans les milieux populaires, l’insécurisation [10] (terme préférable à l’insécurité en ce qu’il permet de désigner un processus de dégradation de la sécurité sans tomber dans la caricature d’un monde qui aurait perdu toute règle) renvoie d’abord à l’insécurisation physique. Mais elle ne s’y réduit pas et concerne aussi le sentiment d’être dépossédé de sa culture et de ses valeurs face à la présence imposante des populations immigrées dans des zones d’habitation à forte concentration populaire. L’insécurisation se rapporte également aux inquiétudes économiques quant à la perte de pouvoir d’achat, d’emploi, d’argent, de salaire, mettant en péril la possibilité pour chacun d’être un acteur à part entière de la société. [11] » Et les auteurs d’ajouter : « C’est finalement le contrat social lui-même qui apparaît comme fragilisé et qui constitue un nouveau registre de l’insécurisation. Le dérèglement d’une société qui sacrifie ses enfants serait le signe que la France est en train de sombrer… »

En clair, les problèmes que vivent les gens dans leur chair, le Front national s’en est saisi, les a thématisés, recyclant au besoin des notions à la mode comme la démondialisation, et en a fait le fond de son discours politique. Le sociologue Jacques Ellul faisait remarquer qu’une propagande efficace ne dit pas forcément des mensonges, mais qu’elle trompe plus efficacement en disposant habilement des vérités. Il y a plusieurs façons de tromper.

Que faire pour sortir de là ?

Et maintenant que faire ? Nous sommes entrés dans une période historique agitée par de fortes turbulences. C’est peu de dire que la démocratie est malade. Elle est menacée par des démons qui ont montré dans l’histoire leur vitalité et leur habileté politique. Faut-il opposer un discours moral à des gens qui perçoivent tous les jours l’immoralisme des « élites » censées les représenter et les diriger ? Suffira-t-il de rappeler les options ultra-libérales du programme de Le Pen dans les années 80, son adhésion au thatcherisme et au reaganisme ? Le discours de la raison est impuissant quand des passions délétères s’emparent des masses. La société du spectacle, la destruction de l’enseignement, la crise des valeurs d’une société qui érige l’égoïsme en valeur suprême [12] , l’absence de perspective à moyen et long terme minent chaque jour davantage un contrat social décidément à la peine. Les « petits blancs » votent Le Pen. Les populations issues de l’immigration se replient dans le communautarisme [13]

La trahison des Lumières diagnostiquée par J.C. Guillebaud en 1995 se double d’une crise économique dont nous ne percevons pour l’instant que les prémisses. Il faut enfin regarder la réalité en face. Il n’est pas certain que la classe politique soit décidée à le faire. Rien ne laisse espérer que le corps politique prenne enfin son destin en main — sans berger ni Sauveur —, chasse l’oligarchie pervertie mais aussi les démagogues, et renouvelle les institutions de la République, sur fond d’une critique radicale du capitalisme, pour refonder une démocratie à nouveau prospère et apaisée.

Le point de rupture — Enquête sur les ressorts du vote FN en milieu populaire. Jérôme Fourquet et Alain Mergier, Fondation Jean Jaurès, septembre 2011.

[1Le point de rupture, présentation de la synthèse

[2« On sait que la moitié est du pays connaît un niveau de délinquance et une présence immigrée sensiblement plus élevés que dans la France de l’Ouest. On sait
également que cette France de l’Est souffre davantage de la désindustrialisation et des délocalisations. Quand ils sont présents dans l’environnement régional ou de proximité, ces éléments déstabilisants et anxiogènes viennent donner corps aux discours et analyses du Front national et expliquent sans doute une propension plus élevée de passage à l’acte, notamment dans les milieux populaires
les plus fragilisés et les plus exposés. Et quand tous ces ingrédients sont rassemblés, la puissance et la prégnance du vote frontiste peuvent devenir spectaculaires. Rappelons ce chiffre : aujourd’hui, près d’un ouvrier sur deux des régions de la moitié est du pays pourrait voter en faveur de Marine Le Pen au premier tour de la prochaine présidentielle. » Le point de rupture, p. 21

[3Bertolt Brecht, La résistible ascension d’Arturo Ui, épilogue.

[4En grec, le concept de guerre s’énonce avec deux signifiants distincts. Polemos désigne la guerre extérieure, avec armée, règles, début et fin. Elle affecte les rapports normaux entre les Etats. Elle est même considérée comme un signe de bonne santé, parce qu’elle manifeste une vitalité. Stasis désigne la guerre civile, chaotique, sans règles, sans fin, maladie interne et mortelle de l’Etat.

[5Sans oublier le problème européen : « L’idée que les marchés financiers sont en possession du pouvoir effectif se conjugue ici avec la vision, formée bien avant la crise, d’une « Europe de la contrainte », réduisant elle aussi, mais préalablement à la crise déjà, les marges
de manoeuvre des politiques nationales. Cette convergence entre marchés financiers par nature mondialisés et Europe raffermit ce qui, en 2005, avait fait basculer la France et les milieux populaires en particulier vers le refus de la Constitution européenne. Une Europe
qui, loin de la favoriser voire de la protéger, surexpose la
France à la mondialisation, la démunit face aux concurrences
intra et extra-européennes. »Le point de rupture, p. 29

[6Le point de rupture, synthèse §2

[7Le point de rupture, synthèse §4

[8Le point de rupture, p. 9

[9Le point de rupture, tableau p. 10

[10Sur ce thème, voir également les travaux du sociologue Robert Castel

[11Le point de rupture, synthèse §3

[12Relire à ce sujet J.C. Michéa, en particulier L’empire du moindre mal. Il fournit une grille de lecture qui aide à comprendre l’impuissance de la gauche à sortir de ces problèmes. Son analyse débute par la constatation que le libéralisme est un, et qu’il irrigue la droite comme la gauche. Dès lors, les classes populaires sont placées devant un choix impossible : qu’elles choisissent la droite, et les voilà exposées au démantèlement systématique de leurs conditions matérielles d’existence ; qu’elles choisissent la gauche, elles doivent valider une culture de transgression illimitée — la fameuse culture bobo libérale-libertaire dans laquelle se retrouvent cadres sup parisiens, socialistes bon teint, lecteurs de Libération, écolos branchés, artistes en tout genre, étudiants du NPA, et jusqu’au punks domestiqués reconvertis dans l’action culturelle des villes moyennes tenues par l’UMP ..., j’en passe sans doute et des meilleurs —, qui rend précisément possible ce démantèlement systématique. Pour ceux qui en doutent, qu’ils relisent Le manifeste communiste de Marx et sa description du capitalisme comme puissance dissolvante : « Elle [la bourgeoisie] a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste [...] Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent [...] Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. » L’extrême droite répond aujourd’hui sur les deux terrains : elle promet et la protection économique et le retour aux valeurs qui fondent le pacte social. On ne pourra donc imaginer une parade qu’en mettant à jour le « bug » du libéralisme : l’idée saugrenue que l’on peut fonder une morale et les valeurs qui permettent le vivre-ensemble d’une façon procédurale (cf. John Rawls), en composant les intérêts égoïstes bien compris, de sorte qu’on pourrait faire vivre ensemble jusqu’à « un peuple de démons » (l’expression est de Kant, cité par le même J.C. Michéa).

[13cf. par exemple, un article paru dans Le Monde le 04/10/11, à propos de la place croissante de l’islam en banlieues : « L’islam a aussi et surtout fourni une "compensation" au sentiment d’indignité sociale, politique et économique. C’est la thèse centrale de Gilles Kepel, convaincu que cette "piété exacerbée" est un symptôme de la crise des banlieues, pas sa cause. Comme si l’islam s’était développé en l’absence de la République, plus qu’en opposition. Comme si les valeurs de l’islam avaient rempli le vide laissé par les valeurs républicaines. Comment croire encore, en effet, en la République ? » Dans le même article, on peut lire ces choses stupéfiantes à propos de l’école : « Porteuse d’espoirs immenses, l’école est pourtant aussi l’objet des ressentiments les plus profonds », constatent les chercheurs. Au point que « la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d’orientation à la fin du collège - loin devant les policiers »... No comment !


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commentaires
Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - lili13001 - 13 octobre 2011 à 09:34

c triste a dire mais les arguments que mes en avant le FN et dans la majorité bien plus au moins.

c la seul candidate qui veut partir de l’europe et quand je vois les debats entre ps ( on taxe les riches c tres simple, mais si on le fait les riches partiront de france et il y aurra de moins en moins de recette pour l’etat)

moi je suis français et j’ai honte de l’etre notre pays nous taxe sans cesse des que j’ai fini mes etudes que ce soit droite ou gauche je part de france pour etre en suisse.

et de moins point de vue que sa soit n’importe qu’elle partis tous on des tres bonne idees mais des qu’ils ont au pouvoir ne font plus rien.

je dis aurevoir a la france qui pourrai etre un beau pays.


Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - Eulalie - 13 octobre 2011 à 00:55

Je trouve l’analyse de ces 2 messieurs caricaturale et pas nouvelle, donc pas dérangeante. Juste une constante médiatique quand on parle du vote lepeniste. Mais bon...

Mais quelque chose me dérange dans vos notes . C’est cette affirmation dans : "Dès lors, les classes populaires sont placées devant un choix impossible : qu’elles choisissent la droite, et les voilà exposées au démantèlement systématique de leurs conditions matérielles d’existence ; qu’elles choisissent la gauche, elles doivent valider une culture de transgression illimitée — la fameuse culture bobo libérale-libertaire dans laquelle se retrouvent cadres sup parisiens, socialistes bon teint, lecteurs de Libération, écolos branchés, artistes en tout genre, étudiants du NPA, et jusqu’au punks domestiqués reconvertis dans l’action culturelle des villes moyennes tenues par l’UMP ...,

Elle me dérange, parce que ni le libéralisme (au sens politique) ni les libertaires, n’ont pas de limites. Ou au moins, ayez la franchise de reconnaître que le libéralisme politique est bien plus compliqué que ce en quoi le "simplifient" J. C Michéa et bien d’autres. Vous avez de la chance, parce que je ne serai pas une bonne interlocutrice politique pour défendre cette position, mais la lecture de ces propos ou vous attaquez systématiquement libéraux (politiques) et libertaires me fatiguent : vous les incarnez par les bobos etc..... Mais la pensée libérale et libertaire ne sont pas forcément incarnées par les groupes que vous visez pour justifier votre "ressentiment" contre le libéralisme (politique) et les libertaires. Je pense que les classes populaires doivent beaucoup à la pensée politique libérale et libertaire. On ne s’aperçoit pas forcément qu’on en est héritiers depuis des lustres, des siècles, on a pas forcément les mots pour les déterminer si on ne se penche pas dessus, dans les bouquins etc.... mais une gauche libérale et libertaire ne cultive pas la transgression sans limite, c’est faux d’affirmer ça. Ne faites pas passer ces idées pour ce qu’elles ne sont pas. Elles apportent, elles nourrissent, elles font vivre en tant que sujet et non qu’assujetti. Ne les réduisez pas à ce qu’elles ne sont pas. Comme les pauvres, d’ailleurs...


Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - bombix - 13 octobre 2011 à  09:09

Je trouve l’analyse de ces 2 messieurs caricaturale et pas nouvelle, donc pas dérangeante. Juste une constante médiatique quand on parle du vote lepeniste. Mais bon...

Deux genres de lecteurs(trices) : ceux qui lisent pour apprendre et s’informer, et ceux qui recherchent dans leurs lectures la confirmation de leurs préjugés. Mais bon ...

Mais la pensée libérale et libertaire ne sont pas forcément incarnées par les groupes que vous visez pour justifier votre "ressentiment" contre le libéralisme (politique) et les libertaires.

Petit procédé rhétorique bien vil ...

mais une gauche libérale et libertaire ne cultive pas la transgression sans limite, c’est faux d’affirmer ça.

Si vous le dites ... On a pourtant un exemple avec la prostitution et la marchandisation des corps justifiées par la pointe fine de l’avant garde libérale libertaire dans une discussion récente. A ce propos, j’ai parlé de dialectique de la liberté, preuve que je ne rejette pas la totalité de l’aventure « libérale », ce qui serait particulièrement absurde.
Quant aux libertaires, un de Bourges, et un vrai, que je connais bien et pour qui j’ai de l’affection et de l’amitié connaît, lit et apprécie J.C. Michéa. Dans l’avant dernier bouquin du philosophe, qui est une présentation de sa pensée et de son travail, il y a une longue interview à Radio Libertaire retranscrite, etc. Il y a évidemment une différence entre les libéraux-libertaires et la tradition anarchiste. Mais il y a aussi des ambiguïtés dans cette pensée politique, qu’il ne faut pas nier. Et ça n’a rien à voir avec le "ressentiment". Au reste, je n’ai pas envie de faire une fixette sur Michéa. Il y a bien d’autres pistes à explorer.

Je cite cet ami, pour faire la différence entre ceux qui lisent les auteurs, et ceux qui lisent ce qu’on en dit. Il y aurait beaucoup à dire sur la « désubstantialisation wittgensteinienne » de la grève générale par le dénommé Corcuff, roi du boboland des chercheurs en sciences sociales. Il a inventé l’année dernière la guerrilla sociale durable et pacifique ! Sans rire. Et puis il a dit qu’il ne fallait pas fétichiser la grève générale. On l’a si peu fétichisée pendant le mouvement des retraites qu’on n’y a même pas pensé. On n’a même pas pensé à une grosse manif parisienne, du genre de celle qui avait fait plier Mitterrand sur l’école privée en 84. Le mouvement social a les penseurs qu’il mérite.

la lecture de ces propos ou vous attaquez systématiquement libéraux (politiques) et libertaires me fatiguent

Vous n’êtes pas obligée de me lire. Reposez-vous, ça vous fera le plus grand bien.

Comme les pauvres, d’ailleurs...

Vous vous croyez la parole autorisée des pauvres, vous ? Et de cette position souveraine, vous distribuez le droit de parole ?

Répondre à ce message #33757 | Répond au message #33756
correctif - bombix - 13 octobre 2011 à  09:15

Vous vous croyez la représentante autorisée des pauvres, vous ? Et de cette position souveraine, vous distribuez le droit de parole ?

Répondre à ce message #33758 | Répond au message #33757
correctif bis - bombix - 13 octobre 2011 à  10:13

Il y aurait beaucoup à dire sur la « désubstantialisation wittgensteinienne » de la grève générale par le dénommé Corcuff, roi du boboland des chercheurs en sciences sociales.

Pour les lecteurs qui pourraient être un peu perdus, je fais référence à votre post, la citation d’un "hommage critique" de Corcuff à Michéa (dont vous ne dites rien au passage), ou M. Corcuff fait référence à la critique wittgensteinienne de la langue philosophique : derrière un substantif, imaginer une substance. Vieille affaire la critique nominaliste. Shakespeare disait plus simplement Words, words, words ...

Répondre à ce message #33760 | Répond au message #33757
correctif bis - Eulalie - 13 octobre 2011 à  12:03

Bombix, je ne sais pas ce que vous croyez de moi, mais calmez-vous à mon encontre. Je remets en cause des affirmations, des préjugés que je lis dans vos textes (parfois), je me pose des questions. Et c’est tout. Oui, je n’ai trouvé sur internet que Corcuff pour remettre en cause l’unité libérale de J.C Michéa, excusez-moi. Il fait référence à des textes, notamment Jaurés, ce qui n’est pas négligeable. Je me fous de la pensée de Corcuff sur la grève générale en l’occurence et de tout le reste. Et je n’ai rien contre monsieur Michéa. Mais de par une "culture" qui me vient de je ne sais où, je suppose de l’école où on m’a appris des bonnes choses aussi, et de ce que je vois se passer dans le monde je sais que le libéralisme politique n’est pas à détruire ou à faire disparaître. On pourrait le regretter très fort. Certains peuples seraient bien contents de l’avoir ce libéralisme politique.

D’autre part, je ne me prends nullement représentante des pauvres, mais "les pauvres ça vote FN", ça me gonfle sérieusement depuis des années ce refrain qui a été post-électoral en 2002 et qui maintenant est pré-electoral. C’est tout ce que je vois.

Quant au vil procédé réthorique, sachez que je n’ai aucun procédé et que la réthorique, je ne l’ai jamais apprise. Je n’ai pas le niveau et je m’en fous. Vous me faites passer pour ce que je ne suis pas. Et contrairement à vous, je ne parle de personne en particulier, je ne sous-entend aucunement l’attaque ou la défense de qui que ce soit, je parle juste d’idées, de pensées qui ne sont pas abattre d’un seul tir injustifé.

Répondre à ce message #33761 | Répond au message #33760
correctif bis - Eulalie - 13 octobre 2011 à  13:10

D’autre part, je précise que ne me revendique ni libertaire, ni libérale, bref, je ne me revendique rien de spécial quand j’interviens dans l’Agitateur et ailleurs d’ailleurs. Ce n’est pas parce que des militants de ci ou ça interviennent dans les forums de l’Agitateur qu’il faut me mettre en militante. Je regarde juste le monde des idées que j’ai forcément intégrées "consciemment" ou pas ; elles vivent les idées, elles voyagent, etc....
La première fois que vous avez parlé de libéral-libertaire dans l’Agitateur (me semble t-il) c’est dans ou sous votre article sur l’affaire DSK. Je ne sais pas d’où sort ce concept de libéral-libertaire, mais permettez qu’on y voit pas forcément quelquechose d’absolument dégueulasse puisque que libéral n’est pas historiquement forcément une idée de marchandisation, mais bien au contraire la recheche de la conquête de la liberté par rapport à un ordre établi et libertaire, anar, idem, sous d’autres formes. (je ne vois en DSK ni un homme libéral ni libertaire).

Répondre à ce message #33762 | Répond au message #33761
correctif bis - bombix - 13 octobre 2011 à  13:58

"libéral-libertaire" : l’expression n’est pas de moi, mais de Serge July. ;-)

Répondre à ce message #33765 | Répond au message #33762
correctif bis - Eulalie - 13 octobre 2011 à  14:38

A priori, elle serait d’un sociologue marxiste, Michel Clouscard, instinctivementcontre le féminisme. :-), mais amateur de belles femmes. :-))
Il faut c’qui faut.

Répondre à ce message #33767 | Répond au message #33765
correctif bis - bombix - 13 octobre 2011 à  18:42

Clouscard : Il est dit de lui « instinctivement hermétique » au féminisme, à l’écologisme, au cosmopolitisme. Par ailleurs, il faudrait aller voir exactement ce qu’il dit lui-même, et pas se fier au résumé qu’en donne un article sur le net.

Je maintiens que c’est bien July qui a popularisé l’expression : « L’ex-gauche prolétarienne était “libertaire-autoritaire”, Libération est libéral-libertaire. » Serge July, Esprit, mai 1978 Vous noterez que ce n’était pas en mauvaise part.

Répondre à ce message #33769 | Répond au message #33767
correctif bis - bombix - 14 octobre 2011 à  07:22

mais permettez qu’on y voit pas forcément quelquechose d’absolument dégueulasse puisque que libéral n’est pas historiquement forcément une idée de marchandisation, mais bien au contraire la recheche de la conquête de la liberté par rapport à un ordre établi et libertaire, anar, idem, sous d’autres formes. (je ne vois en DSK ni un homme libéral ni libertaire).

La qualification morale n’est pas de première importance. En revanche, ce serait bien de sortir des poncifs et des préjugés selon lesquels le règne de la bourgeoisie et du capital, c’est la défense de l’ordre établi, des valeurs traditionnelles etc. Il se trouve que historiquement précisément, comme le montre à la fois Marx et Max Weber, le capitalisme se présente comme une force révolutionnaire qui bouleverse et dissout l’ordre social existant, pour le modeler selon ses exigences propres. C’est une chose que l’on a oubliée, peut-être parce qu’au XIXème siècle, les défenseurs du capitalisme et de l’ordre établi, en particulier l’Eglise catholique, ont fait une alliance temporaire.
Autre chose : le capitalisme est protéiforme. Il s’adapte aux situations historiques. Boltanski a montré dans Le Nouvel esprit du capitalisme qu’il avait su intégrer la "critique artiste" de la fin des années 60, pour adapter son style de domination. Au fond, il produit une analyse parallèle à celle de JC Michéa du même phénomène. A noter que Cornelius Castoriadis montre que le capitalisme est empêtré dans une contradiction : il a besoin des valeurs de la société qu’il contribue à détruire : conscience professionnelle, honnêteté, goût du travail bien fait etc. de sorte que face au chaos qu’il met en place, il doit obligatoirement organiser une parade : c’est la montée de l’ordre sécuritaire et du contrôle systématique, appuyé par les moyens technologiques qu’on connaît. Au fond, le capitalisme détruit ce qui restait de positif en effet dans la philosophie libérale, qui, il faut toujours le souligner, est née avant lui.
Dernière chose sur la marchandisation. Le capital transforme tout en marchandise. Qu’est-ce qu’une marchandise ? Il faut revenir sur le processus de réification. La réification fonctionne en double sens : elle transforme les personnes en choses ; elle fait que les choses semblent pénétrées d’esprit, d’où l’expression chez Marx de "fétichisme de la marchandise". C’est une totale inversion d’une situation normale. Et cette inversion est possible grâce à l’argent, par la substitution de la valeur d’échange à la valeur d’usage. C’est l’argent qui est au coeur du processus. L’argent est une puissance de libération et une puissance d’aliénation. A noter que les marxistes officiels ont fait l’impasse sur cette affaire de fétichisme de la marchandise, sauf G. Lucaks, marxiste hongrois, qui a le premier dans les années 20 axé son analyse là-dessus, avant de faire son auto-critique. C’est bien triste, mais c’est comme ça. Toutes ces analyses seront reprises par Guy Debord et le mouvement situationniste dans les années 60. Aujourd’hui, elles sont au coeur du mouvement de la wertkritik et du groupe Krisis qui produisent aussi une critique du travail. Anselm Jappe qui est venu à Bourges fait partie de ce courant. Travail aliéné, société du spectacle, règne de l’argent, fétichisme de la marchandise, marchandisation du monde en sa totalité, tout ça forme un tout qui a sa logique et sa cohérence. Avant de produire une critique morale légitime, il faut d’abord essayer de comprendre comment tout ça fonctionne. Une bonne partie des impasses dans lesquelles s’enferrent les gauches européennes vient de ce qu’elles ne font pas ce travail d’analyse. Ne voyant rien de ce qui se passe réellement, elles sont dans l’incapacité d’organiser quelque riposte efficace que ce soit. Cela vaut aussi pour des organisations d’extrême gauche "ouvriéristes" qui fonctionnent encore avec les catégories du marxisme léninisme des années 30.
Cette cécité et l’absence de réponse politique à la situation pourrait expliquer aussi le tropisme d’une partie de la classe populaire vis à vis des thèses d’extrême droite. Le FN répond alors que la gauche se tait. Cette histoire de la critique des libéraux-libertaires n’est donc pas centrale. Elle fait partie d’un vaste paysage qui n’est pas visible à l’oeil nu mais qu’on peut seulement entrevoir par l’entremise de concepts : spectacle, marchandise, réification, travail ...

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correctif bis - Eulalie - 14 octobre 2011 à  11:19

"La qualification morale n’est pas de première importance. En revanche, ce serait bien de sortir des poncifs et des préjugés selon lesquels le règne de la bourgeoisie et du capital, c’est la défense de l’ordre établi, des valeurs traditionnelles etc."

Ai-je parlé de morale ? Ai-je dit que la bourgeoisie et le capital c’est l’ordre établi ? Non. Sans prétendre que ce soit bien agréable de discuter avec moi, je veux bien l’entendre que ce soit pénible (d’autant que j’inverse des mots etc... bref, comme je le disais, je fatigue) il y a quelque chose qui m’emmerde dans vos posts , c’est ce côté " vous pensez binaire, la science c’est moi et mes amis philosophes, libertaires, etc..." . Certes, je ne fais pas le poids par rapport à tous ces intellectuels (vous remarquerez que c’est super rare qu’on cite des femmes intellectuelles, vous comme moi) , mais n’en rajoutez pas non plus SVP : je n’en suis pas une, no problème, je l’savais, je vis bien avec, mais vous, vous en abusez : vous m’attribuez des incompréhensions que je n’ai pas forcément....

Je ne souhaite donc plus discuter avec vous (et ouf ! pour vous). Sans rancune, sans vexation, c’est pas le souci, c’est juste que ça cloche pour la discut. Et puis, c’est pas grave.

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correctif bis - bombix - 14 octobre 2011 à  12:10

Ai-je parlé de morale ?

Oui. Je vous cite : « permettez qu’on y voit pas forcément quelquechose d’absolument dégueulasse »

Ai-je dit que la bourgeoisie et le capital c’est l’ordre établi ?

Oui. Je vous cite : « libéral n’est pas historiquement forcément une idée de marchandisation, mais bien au contraire la recheche de la conquête de la liberté par rapport à un ordre établi »

Je ne souhaite donc plus discuter avec vous

Je vous signale que c’est vous qui êtes intervenue sous mon article pour le critiquer. J’ai simplement répondu à votre critique et à vos remarques. Si vous n’avez pas envie de discuter avec moi, c’est très simple : vous n’entamez pas de discussion.

c’est pas le souci, c’est juste que ça cloche pour la discut.

De mon côté rien ne cloche. Les gens qui me parlent ou qui critiquent mes positions sous mes textes — ce que je comprends très bien — je leur réponds.

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[HS, quoi que ?] Difficile liberté - bombix - 30 octobre 2011 à  09:10

En relisant Castoriadis, je suis tombé sur ce passage. Tout est dit : liberté n’est pas licence ; autonomie n’est pas illimitation, transgression à l’infini.

D. M. - Qu’est-ce que vous pensez de cet irréductible désir qui fait que l’histoire continue ?

C. C. - Mais, de toute façon il y a un irréductible désir. Enfin et encore ! (silence) Là alors, vraiment ... c’est un gros chapitre. Si vous prenez les sociétés archaïques ou les sociétés traditionnelles, il n’y a pas un irréductible désir. On ne parle pas là du désir du point de vue psychanalytique. On parle du désir tel qu’il est transformé par la socialisation. Et ces sociétés sont des sociétés de répétition. Or dans l’époque moderne, il y a une libération dans tous les sens du terme, par rapport aux contraintes de la socialisation des individus. On dit par exemple : Tu prendras une femme dans tel clan ou dans telle famille. Tu auras une femme dans ta vie. Si tu en as deux, ou deux hommes, ce sera en cachette, ce sera une transgression. Tu auras un statut social, ce sera ça et pas autre chose". Mais aujourd’hui on est entré dans une époque d’illimitation dans tous les domaines et c’est en ça que nous avons le désir d’infini. Or cette libération est en un sens une grande conquête. Il n’est pas question de revenir aux sociétés de répétition. Mais il faut aussi apprendre -et ça c’est un très grand thème- apprendre à s’autolimiter, individuellement et collectivement. Et la société capitaliste aujourd’hui est une société qui à mes yeux court à l’abîme à tous points de vue car c’est une société qui ne sait pas s’autolimiter. Et une société vraiment libre, une société autonome, doit savoir s’autolimiter.

D. M. - Limiter c’est interdire. Comment interdire ?

C. C. - Non, pas interdire au sens répressif. Mais savoir qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire ou qu’il ne faut même pas essayer de faire ou qu’il ne faut pas désirer. Par exemple l’environnement. Nous vivons sur cette planète que nous sommes en train de détruire, et quand je prononce cette phrase je songe aux merveilles, je pense à la mer Egée, je pense aux montagnes enneigées, je pense à la vue du Pacifique depuis un coin d’Australie, je pense à Bali, aux Indes, à la campagne française qu’on est en train de désertifier. Autant de merveilles en voie de démolition. Je pense que nous devrions être les jardiniers de cette planète. Il faudrait la cultiver. La cultiver comme elle est et pour elle-même. Et trouver notre vie, notre place relativement à cela. Voilà une énorme tâche. Et ça pourrait absorber une grande partie des loisirs des gens, libérés d’un travail stupide, productif, répétitif, etc... Or cela, évidemment, c’est très loin non seulement du système actuel mais de l’imagination dominante actuelle. L’imaginaire de notre époque, c’est l’imaginaire de l’expansion illimitée, c’est l’accumulation de la camelote... une télé dans chaque chambre, un micro-ordinateur dans chaque chambre, c’est ça qu’il faut détruire. Le système s’appuie sur cet imaginaire qui est là et qui fonctionne.

D. M. - Ce dont vous parlez là, sans cesse, c’est de la liberté ?

C. C. - Oui.

D. M. - Derrière ça, il y a la liberté ?

C. C. - Oui.

D. M. - Difficile liberté ?

C. C. - Ah oui ! La liberté, c’est très difficile.

Cornélius Castoriadis, La montée de l’insignifiance, entretien avec Daniel Mermet.

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correctif bis - bombix - 13 octobre 2011 à  13:57

Quand vous consentirez à sortir d’une logique binaire, qui vous fait traduire "critique de la civilisation libérale = désir de détruire le libéralisme politique" (ce qui est particulièrement absurde, puisque la référence constante de Michéa est Orwell qui produit le premier une analyse unifiée du totalitarisme, projet politique qui est explicitement la volonté de détruire tout libéralisme politique), ou qui pose "il y a un tropisme d’une partie des classes populaires vers le lepenisme" = les pauvres votent Le Pen — sous entendu tous les pauvres, sous entendu encore : Le Pen, c’est la faute aux pauvres — quand on sortira de ces court-circuits stériles, on pourra peut être progresser dans la discussion.
Quand vous supposez "un ressentiment" de ma part à l’origine de mes analyses, vous me retournez en boomerang ma propre caractérisation de la tentation fasciste. Utiliser la même expression, le même mot, produit alors un effet de sens, pour invalider mon discours. Voilà ce que j’appelle un vil procédé rhétorique. Tout le monde fait de la rhétorique, à partir du moment où il parle. "Les mots sont comme des pistolets chargés", dixit Maïakovski. Comme M. Jourdain fait de la prose sans le savoir. En l’occurrence, c’est vous qui essayez de me faire passer pour ce que je ne suis pas. D’où une certaine vigueur dans ma réaction.

Cela dit, je comprends votre critique, et je pense qu’elle a une certaine portée. Croyez-moi, ou pas.

Répondre à ce message #33764 | Répond au message #33761
correctif bis - Thomas R - 13 octobre 2011 à  14:04

Voila qui va faire hurler Bombix : Corcuff est au npa et en plus anime un courant libertaire à l’interieur, on n’est pas dans la m...

Répondre à ce message #33766 | Répond au message #33760
correctif bis - Eulalie - 13 octobre 2011 à  14:54

Ah ! quelle horreur, quelle transgression illimitée de la culture ! Corcuff mange les étudiants du NPA ?et ils-aiment ça en plus ? Les salauds.

Répondre à ce message #33768 | Répond au message #33766
Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - 12 octobre 2011 à 21:45

Notre cher Bombix nous a habitué à mieux. Pourquoi les "pauvres votent-ils Le Pen". Rappelons au passage que si l’on prend en compte l’abstention la CSP dans laquelle on a le plus de chance de trouver un électeur Front National est "petits commerçants et artisants". Si l’on prend les professions tenez-vous bien : "médecin" libéral. Référez-vous aux études d’Annie Collovald sur l’électorat FN si vous ne me croyez pas !
C’est super pour les journaleux que de dire que le FN monte grâce à ces cons des classes populaires qui votaient avant PC...Sauf que ça ne fonctionne pas ou peu. Les deux tiers de l’électorat FN viennent de la droite après être passé par une période d’abstention. Quand on reconstruit les biographies des électeurs FN, oh surprise...la figure du gaucho-lepénisme devient minoritaire (sauf localement comme à Hénin Baumont, ville marquée par les affaires de corruptions des anciens élus de gauche)
Alors avançons une autre hypothèse davantage en lien avec les histoires des scrutins et de l’électorat FN (très fluctuant d’ailleurs) : Ne serait-ce pas simplement l’impuissance d’un omniprésident qui banalise l’intolérance qui renverrait les électeurs de droite dans les bras de Marine ? Ne serait-ce pas finalement le discours sécuritaire qui à la manière d’une prophétie auto-réalisatrice ferait grossir le vote FN en le décomplexant.
La question mérite d’être posée...Il faut se méfier des rapprochements parfois mathématiquement juste et politiquement faux.


Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - bombix - 13 octobre 2011 à  00:37

C’est très bien de critiquer, encore faut-il lire, et viser juste.

1. L’enquête ne vient pas de « journaleux » comme vous dites, mais de sociologues et de professionnels rompus aux enquêtes sociales et politiques.

2. Vous dites :

dire que le FN monte grâce à ces cons des classes populaires qui votaient avant PC...Sauf que ça ne fonctionne pas ou peu. Les deux tiers de l’électorat FN viennent de la droite après être passé par une période d’abstention. Quand on reconstruit les biographies des électeurs FN, oh surprise...la figure du gaucho-lepénisme devient minoritaire (sauf localement comme à Hénin Baumont, ville marquée par les affaires de corruptions des anciens élus de gauche)

et j’écris :

Une partie de l’électorat populaire, ouvrier, a cru Sarkozy en 2007. C’est triste, mais c’est comme ça. La droite a toujours pu compter sur un électorat populaire et ouvrier. Sarkozy a su le séduire par un subtil mélange de démagogie, de xénophobie, de revendications identitaires, et de promesses d’amélioration de la vie matérielle (« travailler plus pour gagner plus »). C’est peu de dire que ces gens ont été déçus : ils ont le sentiment d’avoir été trahis. « On s’est fait avoir une fois et il pense pouvoir recommencer en 2012 ? Mais c’est qu’il nous prend pour des débiles » résument souvent sans ambages les questionnés [8]. Résultat : 30% de la population française, les moins riches d’entre nos concitoyens, les plus précarisés, des employés, des ouvriers, des chômeurs ou des bénéficiaires du RSA, et qui gagnent moins de 1250 euros par mois sont sensibles à l’offre lepéniste. 28% des électeurs des classes populaires qui ont voté Sarkozy en 2007 sont prêts à passer au FN. Seulement 46% revoteraient Sarkozy.

Donc, Fourquier et Mergier parlent principalement d’un électorat qui vient de la droite, on ne parle pas ici des anciens électeurs du PC. Bien difficile puisqu’il n’y en a plus. Vous pouvez me rappeler le score de M.G Buffet en 2007 ?

Vous écrivez toujours :

Alors avançons une autre hypothèse davantage en lien avec les histoires des scrutins et de l’électorat FN (très fluctuant d’ailleurs) : Ne serait-ce pas simplement l’impuissance d’un omniprésident qui banalise l’intolérance qui renverrait les électeurs de droite dans les bras de Marine ? Ne serait-ce pas finalement le discours sécuritaire qui à la manière d’une prophétie auto-réalisatrice ferait grossir le vote FN en le décomplexant.

Et moi je dis

Sarkozy a su le séduire par un subtil mélange de démagogie, de xénophobie, de revendications identitaires, et de promesses d’amélioration de la vie matérielle (« travailler plus pour gagner plus »).

C’est assez clair pour moi qu’il récolte la tempête après avoir semé le vent.

Mais voilà, si on arrête l’analyse là, on ne comprend pas grand-chose. Le fait est que les « petits blancs » se sentant lâchés par Sarkozy ne se tournent pas vers la gauche molle ou dure (ce qui ne l’empêche pas de préparer des alliances électorales et de marchander des strapontins quand la nécessité s’en fait sentir), mais vers Le Pen. En réalité, il ne font plus confiance dans les partis bourgeois traditionnels, dans l’UMPS comme ils disent. Renvoyer la responsabilité sur le seul Sarkozy est certes rassurant, voilà un diable bien pratique. Ca permet d’exonérer la gauche de toute responsabilité. Orienter l’analyse du côté d’une certaine logique politique propre au libéralisme — dont se réclame la gauche comme la droite — permet d’appréhender le phénomène sous un autre angle. Ici, c’est moi qui parle, et non les auteurs :

Le libéralisme dissout le lien social, éradique les identités collectives, favorise la montée des égoïsmes et débouche sur la guerre de tous contre tous. Il sacrifie aussi les plus démunis sur l’autel du « marché » mondialisé. Les dirigeants gagnés par cette idéologie sont logiquement perçus à la fois comme les artisans d’un délitement intérieur, et comme des spectateurs incapables de protéger la population des coups d’un environnement extérieur de plus en plus impitoyable.

C’est pourquoi je renvoie aux analyses de Michéa. On pourrait aussi mobiliser la critique des communautariens américains (McIntyre, Sanders, Taylor) contre le libéralisme de Rawls (philosophe politique classé à gauche) — mais mon article était déjà trop long ;-). Pour finir, je suis assez critique vis à vis du thème de la "protection" développée par les auteurs du rapport. Une bonne politique vise à la conquête de l’autonomie, pas à la recherche du bon berger.

Quoi qu’il en soit, la gauche serait bien inspirée d’entendre la leçon contenue dans ce rapport, d’internaliser la critique, plutôt que de renvoyer toujours la balle du côté de Sarkozy. Au reste, le phénomène Le Pen n’est pas né avec Sarkozy, comme vous le savez.

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Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - 19 octobre 2011 à  20:41

Excusez moi de ce temps long pour répondre.
Quoique nos deux propos soient comme vous l’avez souligné "relativement voisins", ce que je reprochais c’est la reprise de la catégorie "pauvres" qui permet après moult déformations de faire un lien abusif entre classes populaires et vote front national.
Je voudrais par ailleurs souligner la médiocrité de certaines corrélations faites dans le rapport que vous avez cité. Comme le dit Passeron, il y a ce que dit un tableau et ce qu’on en dit...les deux choses peuvent être radicalement différentes.
Premier point, vous aurez certainement remarqué la définition à géométrie variable des "classes populaires" qui posent ici problèmes. La définition nominale adoptée est "personne gagnant moins de 1250Euros/mois", alors que certains tableaux utilisent les catégories CSP+/CSP-. On est donc loin des catégories INSEE et d’un contrôle des données "toute chose étant égale par ailleurs". Je rappellerai qu’un ouvrier peut gagner plus de 1250E/mois (oui, ça existe encore, heureusement !) et que cette définition économico-centrée de l’appartenance aux classes "populaires" est ridicule dans la mesure où l’on sait grâce aux enquêtes EPCV que les comportements des agents sociaux ne sont pas uniquement dépendant de critères économiques. J’en tiendrai pour preuve pour les profanes que le nombre de poste moyen de télévision par membre du foyer est plus élevé chez les ouvriers que chez les "cadres et professions libérales".
Deuxième point, le rapport annonce 30% de la population française appartenant aux classes populaires. Tiens donc, ça sort d’où ?
Troisième point, P20, les auteurs du rapport annoncent 36% d’ouvriers tentés par le vote front national. Impressionnant ! Presque la totalité des ouvriers qui vont voter puisque les taux d’abstention chez les ouvriers frisent les 70% dans la plupart des scrutins !!!!
Cette boutade voudrait surtout soulever le fait que l’abstention n’est pas prise en compte comme "réponse possible" dans ses enquêtes d’opinion mal faites. En d’autres termes, l’enquêteur contraint l’enquêté à formuler un avis comme s’il en avait nécessairement un. Or, c’est précisément parmi les membres des classes populaires que les agents sociaux sont le plus distants du débat politique, considérant que "c’est bonnet blanc et blanc bonnet". Contraint à s’exprimer sur leur "intention de vote" en répondant pour un candidat, certains disent certainement Le Pen pour marquer leur refus de la politique et des autres candidats. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ont l’attention de passer à l’acte.
Toutes les analyses qui n’intègrent pas les réponses ne se "prononcent pas" ou à proposer l’abstention comme réponses possibles sont ainsi vouées à faire apparaître un lien entre classes populaires et vote FN...qui ne coule pourtant pas de source. Dans le métier on appelle ça une sur-interprétation.
Enfin, certains tableaux comme celui de la page 15 sont d’une débilité extrême. Petit calcul arithmétique. Si 2000 constitue l’échantillon représentatif de base et que les votants "Olivier Besançenot" en 2002 (à peine 3% de l’échantillon si l’on prend en compte l’abstention) combien faut-il déplacer d’unité pour que les intentions de vote pour Marine Le Pen chez les anciens votants Besançenot passent de 7% à 20% ?
Réponse : On passe de 4 votants à 12 votants. Autant dire que c’est une lame de fond !
La méthodologie laisse donc beaucoup à désirer.
Personnellement, je ne comprend qu’un collègue supposé bien connaître les biais méthodologiques des enquêtes d’opinions puisse prendre pour base ces enquêtes.
Il faut être un gros flemmard pour ne pas faire soi-même ses enquêtes...ou bien ne pas savoir les faire. Ce qui semble être le cas des deux auteurs.
Leur analyse est peut-être vrai, mais elle n’est pour l’heure pas démontrée selon les critères d’administration de la preuve en vigueur dans la profession de sociologue.

Répondre à ce message #33821 | Répond au message #33755
Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - Eulalie - 19 octobre 2011 à  22:27

ouais, moa, à 50 euros près, un peu d’pu, j’voté FN.

Répondre à ce message #33824 | Répond au message #33821
Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - Julien Debord - 13 octobre 2011 à  13:34

C’est franchement simpliste que de penser que Sarkozy est le principal responsable de la montée du FN dans les classes populaires... Il y a une même montée du populisme chez nos voisins européens, et même lorsque ce sont des gouvernements de "gauche" qui sont en place.

Le sentiment que les politiciens ne servent à rien ne se limite pas à ceux qui sont en exercice. C’est l’ensemble de la classe politique qui est concernée.

Je suis même persuadé qu’une victoire socialiste en 2012 ne peut que renforcer cette défiance car la sociale démocratie du PS ne peut pas faire évoluer la situation actuelle. Il faudrait changer complètement de paradigme, or le PS (comme l’immense majorité des autres formations politiques et syndicales) fait partie intégrante du système.

Répondre à ce message #33763 | Répond au message #33754
Pourquoi les pauvres votent-ils Le Pen ? - B. Javerliat - 14 octobre 2011 à  10:59

Le sentiment que les politiciens ne servent à rien ne se limite pas à ceux qui sont en exercice. C’est l’ensemble de la classe politique qui est concernée.

Attention, Juju, tu es en train de virer gauchiste ;-)

Répondre à ce message #33775 | Répond au message #33763