Polar

La fille de la pluie

samedi 11 janvier 2014 à 07:00, par Mercure Galant

Pierric Guittaut est assurément un garçon persévérant qui sait ce qu’il veut... En 2010, ce jeune auteur de polar avait accordé un entretien à l’Agitateur à l’occasion de la sortie de son premier roman Beyrouth-sur-Loire  [1] auquel il avait donné une suite. [2]
Farouche défenseur du roman noir, il puise à nouveau dans cette veine pour faire paraître un troisième volume. Et cela lui réussit plutôt bien, puisqu’il signe cette fois, chez Gallimard, dans la prestigieuse Série noire.

C’est en plein Berry qu’est planté le décor de ce polar rural. Hugues, le personnage principal, est un citadin, ancien rugbyman, devenu clerc de notaire à la vie terne et décevante qui - tel David Vincent - tombe en panne un soir d’orage sur une route de campagne. Sous le faisceau de ses phares, point de soucoupe volante, mais l’apparition soudaine et éphémère d’une mystérieuse et désirable jeune femme, courant sous l’orage. La jeune Morgane est cette fille de la pluie, provoquant le désir des hommes et symbolisant également les mystères ancestraux d’un monde rural à l’agonie…

La fille de la pluie

L’ auteur maîtrise sans conteste tous les ressorts du genre. Le lecteur retrouvera ainsi d’incontournables clichés : les rivalités de clans, le secret de famille mais aussi le triangle amoureux et la femme fatale. On doit cependant reconnaître que Pierric Guittaut est passé maître dans l’art de la description, se montrant aussi habile à détailler une scène de chasse, qu’une combe sauvage, lieu de pratiques rituelles ancestrales ou bien encore à nous faire partager les ébats champêtres du personnage principal en proie à un désir incontrôlable et dangereux. Très attaché à dépeindre, un monde qu’il connaît, le romancier revendique cette recherche d’authenticité par une approche qu’il qualifie lui-même d’« atmosphérique ». L’intrigue, oscillant entre la veuve Couderc  [3] et l’œil du Sorcier [4] est bien menée et maintient le suspens jusqu’à son terme. Les personnages sont quant à eux subtilement brossés, série d’êtres cabossés par la vie, parmi lesquels chaque lecteur pourra sans doute se retrouver ...

Lors de son entretien sur l’Agitateur en 2010, Pierric Guittaut, se présentait lui même comme une sorte d’artisan de l’écriture [5] :
"Si je peux y consacrer 6 heures par semaine c’est déjà bien. Ce n’est pas assez malheureusement." [..]
"Il faut que j’écrive régulièrement, si une coupure survient, j’ai beaucoup de mal à m’y remettre. Par contre, dès que l’intrigue et les personnages sont là, ils restent constamment dans ma tête. J’ai alors hâte de coucher mes idées sur le papier." [...] "Je prends des notes sur mes idées, quatre ou cinq lignes qui font en général un chapitre. J’ai la trame des deux ou trois prochains chapitres."

Un artisan peut-être, mais un artisan talentueux. Pierric Guittaut est donc un garçon persévérant qui sait ce qu’il veut. Mais au fait, que veut-il précisément ? Devenir un auteur de polar reconnu, évidemment ! Avec la fille de la pluie, il en prend le chemin, c’est certain…

Le résumé en quatrième de couverture
« Il pense à un grand animal sauvage en même temps que son pied enfonce la pédale de frein. Ce n’est pas un cerf ni un sanglier, mais une femme. »
Hughes s’est perdu dans la campagne en proie à un orage formidable. Son véhicule rend l’âme sous la pluie battante et le clerc de notaire trouve refuge auprès de la famille Girard, agriculteurs à l’hospitalité distante. Non loin de leur domaine vit Pascal Martin, le beau-père de la jeune femme troublante et mystérieuse aperçue sur la route. Grand rival des Girard, celui-ci sera vite soupçonné lorsqu’un premier drame éclate.

Le nouveau venu va découvrir que sous le calme apparent d’un monde rural isolé couvent des passions redoutables, nourries de rivalité de chasse ou de convoitises de la terre, tandis qu’une ombre fascinante court les collines boisées. Le clerc ne le sait pas encore, mais sa vie trop rangée vient de basculer...

Pierric Guittaut,La fille de la pluie, Série Noire, Gallimard,octobre 2013, 271 pages

[1Beyrouth-sur-Loire, Editions Papier Libre, juillet 2010, 234 pages

[2Marshal - Carpentel, Editions Nuits blanches, janvier 2012

[3la veuve Couderc , roman de Georges Simenon paru en 1942 aux éditions Gallimard

[4L’oeil Du Sorcier de Philippe Alfonsi et Patrick Pesnot, Editeur "De Borée",483 pages

[5Pierric Guittaut est également chroniqueur de polars pour la revue Eléments et s’inscrit dans .un mouvement de rejet du "roman noir de gauche", popularisé par Jean-Patrick Manchette"


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