C’était au temps où Bourges berruyait...

mardi 2 février 2016 à 09:30, par Cyrano

C’était au temps où Bruxelles bruxellait, chantait Jacques Brel. Bourges aussi, au temps du ciné-ma-mu-et, Bourges berrruyait...

Ah bah, bien sûr, les plus jeunes ne connaissent vraisemblablement pas le Bruxelles de jacques Brel, c’était au temps des crinolines, des canotiers ou des gibus, et bien sûr du ciné-ma-mu-et.

C'était au temps où Bourges berruyait...

Y’a pas que Bruxelles qui bruxellait : Bourges, pendant ce temps, berruyait, mais oui. Y’avait pas l’autoroute avec son panneau indiquant "Bourges, Ville d’art et de Culture" – putain, on va s’faire chier !... Mais non, Bourges berruyait !

Rue des Toiles, on voyait passer la Fête des Muses. Arrivant des Halles, on voyait des chars fleuris en ville précédés par une fanfare ad hoc.

Ça parcourait la cité, et on pouvait applaudir le char de la Moisson avec de jeunes muses souriant au milieu de gerbes de pailles. Mais regardez bien, derrière le char de la Moisson... Derrière ce char, c’est le char de la Brasserie de Pignoux - oui, c’était la grande époque : la brasserie de Pignoux, pignon sur rue, défilait en ville.
Ça semble d’ailleurs provoquer l’enthousiasme d’un petit garçon à chapeau blanc.

Attendez, vous allez mieux voir, je vais vous grossir ça.

Vous voyez mieux ?
Deux Muses, un tonneau de bière et Gambrinus à cheval sur le tonneau.
C’était le temps où Bourges berruyait.

Et si on ne voulait pas faire de grrrands chars ? Comme à l’époque, y’avait pas Brigitte Bardot, on ne se tracassait pas : on faisait petit char, avec une jeune apprentie muse, et tout ça tiré par un chien - transformé pour l’occasion en pauvre bête de somme.

C’était la Fête des Muses, au temps du cinéma muet, c’était au temps où Bourges berruyait.

En septembre 1908, la même année, plus de 5000 personnes sont arrivées en gare de Bourges. Diantre ?!
Une foule de 20.000 à 30.000 personnes va se presser dans les rues de Bourges – la ville comptait alors 45.000 habitants. Bigre ?!
Mais que se passe-t-il donc ? C’est le Festival des musiques militaires. Plus de 600 musiciens vont défiler dans les rues de Bourges. Six fois cent. Ça en fait des fanfares, ça !

Ah oui, y’a du monde : une journée historique avec ce Festival des musiques militaires, c’était au temps où Bourges berruyait, on l’a déjà dit.

Après la foule inondant la ville, ça va être l’Auron. En janvier 1910, on passera en barque boulevard d’Auron. Pour venir en aide aux sinistrés des inondations, s’organise un superbe défilé historique pour les Fêtes de l’Argentier, en juin 1910.

Jacques Coeur est le Jeanne d’Arc de la cité de Bourges. On défile en costume, armure, lances, tout, panoplie impeccable. Les Nuits-Lumière costumées d’aujourd’hui font petits joueurs. Ah oui, mais là, les Fêtes de l’Argentier, c’était au temps ou Bourges ber-ru-yait.

Encore, et encore de grandes fêtes. Là, c’est pour voir des belles dames et beaux messieurs et beaux enfants en costumes de leurs régions. Et ça en fait en France, des régions !

Ça se passe en 1911, ce sont Les Trois Journées Régionalistes de Bourges, genre identité nationale à coup de calva ou de pineau ou autre. Ça devait aider Bourges qui be-be-rruyait.

Et la guerre arriva - toujours Jacques Brel, dans sa chanson Mon enfance. Allez, on se fait une dernière carte postale ? On peut y voir une fausse porte de Bourges reconstituée pour l’occasion.

C’est écrit : Cortège Historique du 1er juillet 1923. Ce sont les années folles et Bourges berruyait encore.

C’était au temps où Bourges berruyait, certes, certes, mais alors ? Je vous vois venir. Et que devient l’impériale de la chanson de Brel ? Et, sur l’impériaaale... mais en cherchant les tramways de Bourges, on a comme une surprise...

Montant la rue d’Auron, y’avait un tramway avec sa publicité pour une boisson alcoolisée Byrrh - c’était autorisé la pub pour l’acool à l’époque !, voire même encouragé, chut.
Boulevard de la République, en face des halles Saint-Bonnet, un tram faisait de la pub pour... la Bénédictine, encore une boisson fortement alcoolisée ! Eh bin.
Vroum, place Cujas, croisant une voiture à âne, le tram nous conseille... de boire Picon. Pourquoi Picon ? parce que c’est bon - dixit une publicité qui sera diffusée bien plus tard, à la radio.
Et enfin, rue du Commerce (avec l’immeuble Société Générale à gauche), y’avait un tram, tralalalam, qui nous recommande... Raphaël-Quinquina.
Etonnant, non ? Les berruyers d’alors berruyaient-ils avec un foie de normand ?

Jules Renard écrivait dans son Journal, en 1905, le 26 juin : « Stendhal dit qu’à son arrivée à Bourges il se sentit étouffé par le sentiment de la petitesse bourgeoise. Je n’ai d’ailleurs pas senti ça non plus. » Et aujourd’hui, humm ? Foin des années folles, voici les années molles avec un défilé de monsieur Blanc pour son élection, autre style.
Bourges be rru yait...


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