DRM, EUCD, DADVSI : bonne nuit les enfants...
En cette période de Noël, on pourrait vous raconter un conte de fée. Il ressemblerait à peu près à cela :
Autrefois, le monde était merveilleux. Le monde était analogique et centralisé. Mais, un jour, par on ne sait quel hasard, l’Homme inventa le numérique. Et la vie fut bouleversée. En quelques clics, des Hommes devenus de méchants pirates purent copier la musique ou des films d’artistes sans rémunérer ces derniers. Qu’allaient devenir nos artistes ? Ils risquaient de disparaître, et avec eux le cinéma, la musique, la culture. Heureusement, on inventa la DRM [1] et on encouragea les députés européens et français à sauver les artistes en votant les miraculeuses lois EUCD [2] et DADVSI [3]. Le tout fît merveille. Les pirates redevinrent des Hommes, et le monde redevint merveilleux.
Mais qui est ce "on" ?. "On", ce sont les multinationales de la musique et du cinéma. Ils nous racontent ces histoires, à nous, petits enfants de consommateurs que nous sommes, afin de nous culpabiliser, nous faire peur. Et ça marche. En tout cas, ça a marché auprès des députés européens, et ça risque de fonctionner de nouveau avec les députés français, lors d’une séance de nuit de l’Assemblée Nationale de derrière les fagots, qui devrait avoir lieu autour de Noël 2005. Le gouvernement, qui aime les états d’urgence, à ainsi mis à l’ordre du jour, en urgence, le projet de loi n°1206 dit DADVSI. A l’origine, ce projet de loi n’est ni plus ni moins que la transposition en droit français de la directive européenne EUCD qui permet de mettre en place des mesures techniques de protection contre la copie des oeuvres numériques, et pénalise le contournement de ces dispositifs.
Bien entendu, l’industrie du disque et l’industrie cinématographique réalisent un lobbying intensif en faveur de cette transposition, invoquant la protection des auteurs. En réalité, ce sont leurs intérêts qu’ils protègent avant tout. Les auteurs ne sont qu’un prétexte afin d’atteindre l’objectif d’un contrôle total de la production et la diffusion d’oeuvres dîtes culturelles.
Même en admettant que cette volonté de protection des auteurs soit sincère, ce projet de loi génèrera des dégâts colatéraux. Première conséquence, ce projet de loi signe l’arrêt de mort du droit à la copie privée. Plus de droits pour les multinationales, moins de droits pour les utilisateurs/consommateurs. Autre conséquence, l’impossibilité d’utiliser des logiciels libres pour écouter des CD ou regarder des DVD. En effet, les logiciels libres, de part leur nature, ne pourront utiliser les systèmes de protection propriétaires. Cela signifie que tout un pan de l’informatique moderne sera privée de logiciels libres. C’est d’autant plus ironique que cela créé une distorsion de concurrence en laissant la place libre à quelques acteurs techniques (Sony, Microsoft etc.). Ceux qui braveront l’interdiction d’utiliser, de développer ou de diffuser ces logiciels libres, donc sans implémentation d’un système de type DRM [4], prendront le risque de se voir infliger une amende allant jusqu’à 300000€ et écoper d’une peine allant jusqu’à 3 ans de prison, ce type d’acte étant assimilé à la contrefaçon. En d’autre terme, on joue les auteurs des sphères artistiques et culturelles contre les auteurs de logiciels libres. Il est évident que les enjeux financiers dans ce que l’on nomme aujourd’hui "l’industrie culturelle" l’emporte aux yeux de nombreux décideurs, sur les considérations éthiques. On aimerait juste qu’il n’en soit pas de même pour les députés français, soumis à un lobbying intensif de la part des industriels.
Les fêtes de Noël sont comme chaque année, l’occasion d’offrir, des CD et DVD, ainsi que des appareils numériques en tout genre : lecteurs mp3, lecteurs DVD, télévision ou appareils photos numériques etc. Ces cadeaux risques d’avoir un goût amère quand la loi DADVSI vous aura retiré une grande partie de leur droit d’usage, quand vous ne pourrez même plus télécharger avec votre ordinateur, un logiciel libre de lecture de DVD. On aimerait bien que cette histoire ne soit qu’un scénario catastrophe. Pourtant, ce scénario risque de devenir réalité... il est encore temps de signer et faire signer la pétition mise en place par eucd.info et espérer que son impact fera réfléchir le Président de la République, le Premier Ministre ou à défaut, nos députés.
En attendant, bonne nuit les enfants...faites de beaux rêves numériques.