Recherche publique

La R&D expliquée à Pécresse

Brevets - recherche publique : une association fallacieuse
jeudi 8 janvier 2009 à 08:17, par Miss J

Valérie Pécresse est une idiote intelligente. Elle met le doigt sur de véritables problèmes mais trouve des réponses idiotes. Prenons son dernier exemple où elle critique la recherche pour son manque de dépôt de brevet, ce qui pour elle est une faiblesse de l’université française. Et bien non, elle se trompe, c’est une faillite des grandes écoles élitistes françaises ...

Dépôt de brevet et qualité de la recherche sont-ils liés ?

Oui, et non.

La recherche a pour objectif premier de faire avancer la science et à ce titre de partager sa connaissance avec l’ensemble des milieux universitaires. Breveter la recherche revient à la freiner ; seulement les recherches théoriques et expérimentales ne sont pas brevetables par nature. Un brevet s’applique à une application pratique. C’est ce qu’on appelle le développement.

Normalement, je le précise pour notre ministre qui semble ignorer les bases, le circuit est le suivant :

 dans leurs laboratoires publiques expérimentateurs et théoriciens trouvent des lois et des phénomènes, et ils publient ;
 des équipes dans les entreprises fréquentent les conférences et scrutent les publications pour trouver des résultats dans leurs domaines, et quand une application semble intéressante l’extraient ;
 de là des ingénieurs connaissant l’état de l’art des processus industriels essaient de trouver une manière de produire en masse cette innovation dans le but de minimiser les coûts tout en ayant des performances les plus élevées possibles.
 et enfin, si le procédé mis en oeuvre est suffisamment original, il y a lieu si le coût en vaux la peine de déposer un brevet.

La recherche est le premier maillon d’une chaîne, le brevet le dernier maillon. Est-ce que la faiblesse du dernier maillon semble à toutes les lectrices ici présentes un signe de faiblesse du premier maillon ?

Finance et recherche et développement

Le problème de la recherche & développement (c’est ainsi que l’on appelle le processus d’appliquer concrètement des résultats issus des laboratoires) c’est d’une part que ça coûte cher, et d’autre part que l’on estime à 66% le taux d’échec...

Seulement sans innovations, il n’y a pas d’avantages concurrentiels sur le marché....

Et c’est là où les bulles financières, la mentalité grandes écoles françaises, et la bulle salariale des années 1970 rentrent en jeu.

Depuis 1970, nous avons vécu 2 bulles qui ont eu les mêmes effets : rogner la capacité d’investissement au profit des salaires pour la génération 68 quand elle a travaillé, et ensuite au profit des plans épargne retraite de la génération 68. Pour rester compétitif, des brillants polytechniciens ont été nommés, et ils ont juste joué sur les leviers de la productivité et de l’optimisation des coûts.

Si l’entreprise était un moteur, on pourrait dire qu’ils l’ont huilé, rendu plus efficace. Seulement, ils n’ont pas penser à mettre du carburant ...

Nos entreprises sont à la traîne : on appelle secteur de pointe l’automobile et l’aéronautique alors que les années pétroles semblent toucher à leur fin. Où est la relève ?

Qui décide ?

Le polytechnicien Auguste Comte dans son essai sur le positivisme nous donne un aperçu sur quelques aspects du dogmatisme des grandes écoles. Ils sont l’élite de la nation qui doit permettre à la société d’être rationnellement dirigée, ils sont une partie de la France éternelle sans laquelle, selon eux, notre pays s’écroulerait. Il n’échappera à personne que les grandes écoles sont un lieu de reproduction sociale des élites auquel Notre Bien Aimé Président voue un respect sans nom. Au point qu’il est venu encourager leur tentative de diplômer des étudiants alibi de la diversité.

Seulement, ils sont avant tout des ingénieurs d’excellence et de formation, et des membres des directoires d’entreprise. Comme vous pouvez le constater, ce sont eux qui sont partis prenantes dans 2 secteurs clés de la R&D aujourd’hui :
 de par leurs positions dans les entreprises ils sont sensés orienter les dépenses vers les secteurs clés ;
 de par leur compréhension académiques de la science ils sont sensés être des experts dans le domaine et être les bons interlocuteurs pour de la R&D.

Si il n’y a pas suffisamment de brevet, vous l’aurez compris, c’est peut être aussi car nos brillants polytechniciens [1] dans les conseils d’administrations ont préféré valider le versement de dividendes et de salaires exceptionnels au détriment de l’investissement en recherche. Et que quand bien même ils auraient des moyens, c’est encore une preuve d’incurie au niveau industriel.

L’insuffisance de brevets déposés constatée par Notre Joyeuse Ministre est selon toute logique non pas l’évidence de la faillite directe de la recherche publique, mais clairement de nos élites industrielles.

Pour rire

Citons une grande révolution scientifique du XXé siècle : les systèmes complexes. Citons un grand homme de ce domaine : Benoît Mandelbrot un X45.

Saviez vous que cet homme est parti de France ?

Il a commis deux crimes : il n’a pas effectué sa première grande publication à 25 ans (mais plutôt 50), et il voulait rester pluri-disciplinaire. Il a fini par travailler pour IBM, qui est l’une des entreprises qui dépose le plus de brevets et ou personne ne l’embêtait.

Conclusion

Madame Pécresse, vous êtes malheureusement idiote.

Si vous aviez une once de bon sens vous auriez compris que brevets et recherche ne sont pas directement liés. Pour que la recherche soit appliquée il faut des industriels intelligents qui emploient des chercheurs et des ingénieurs pour faire de la recherche appliquée.

Si vous aviez une once de bon sens, vous comprendriez que l’innovation ne vient pas de la reproduction mais de la rupture. Et que si la France n’innove pas suffisamment c’est sûrement un signe de conservatisme. Et si quelqu’un se décrète élite, il en est responsable.

C’est enfin la preuve brillante qu’avoir étudié à l’E.N.A. comme madame Pécresse ne rend pas plus intelligente...

[1ou autres diplômés des grandes écoles