Tolérance zéro ?
Vous souvenez vous des années 2000 ? Messieurs Julien Dray et Nicolas Sarkozy prônaient le succès de la méthode de Giuliani qui, appliquée à New York, aurait fait des miracles. Le nom de cette méthode : la tolérance zéro. Derrière cette méthode, une logique : Punir sévèrement la petite délinquance, c’est asphyxier la grande délinquance. Cette théorie, certes élégante au premier abord, ne tient malheureusement pas la route.
Contexte
Noël 1989, la psychose s’installait aux USA ; les crimes violents avaient augmentés de 80% en 15 ans. Dans les années 90 à New York le taux d’homicide est de 30,7 pour 100 000 habitants, en 2000 il n’est plus que de 8,4. Entre ces deux périodes, un maire est à la tête de New York : Rudolph Giuliani, partisan et premier à appliquer la théorie de la tolérance zéro.
Cette théorie consistait à punir sévèrement les petits crimes pour empêcher les petits criminels de devenir des grands.
Seulement, que faut-il à cette théorie pour être valide ?
Comme tous les USA étaient touchés, pour que la tolérance zéro ait eu un effet, il aurait fallu que la décrue de la délinquance à New York ait été significativement plus grande qu’ailleurs. Or la décrue de la criminalité a été constatée dans toutes les villes américaines ayant ou non appliqué la tolérance zéro dans les mêmes ordres de grandeur. Donc scientifiquement et intellectuellement tous les zélateurs de la tolérance zéro sont malhonnêtes : la tolérance zéro appliquée à New York n’a eu aucun impact significatif sur la délinquance [1].
Donc mon article se termine normalement ici : Messieurs Dray et Sarkozy ont prôné cette méthode de la tolérance zéro, par pure démagogie, en brandissant l’exemple de New York qui n’en était pas un.
Tentative d’explication
Tout un tas de variables éliminées (voir référence), on trouve seulement une théorie intéressante comme explication : l’impact de l’arrêt Wae vs Rose (1972), c’est à dire la légalisation de l’avortement sur la baisse de la criminalité.
Ailleurs, en Roumanie, suite à l’interdiction de l’avortement par Ceaucescu en 1966, on avait déjà pu mettre en évidence une baisse des conditions de vie pour tous les enfants de cette génération dans tous les domaines mesurables : santé, éducation, travail, et augmentation des comportements criminels. Ironie de l’histoire, ce sont majoritairement eux qui ont participé au renversement de Ceaucescu.
De la même manière, aux Etats-Unis au début des années 1990, la baisse inexpliquée et subite de la criminalité est très certainement liée à la non-naissance d’enfants qui auraient été élevés dans des conditions criminogènes (foyer mono parental féminin pauvre sans éducation). Ces femmes ont pu grâce à l’avortement poursuivre leurs études et donner naissance au moment le plus adéquat pour elle et donc pour leurs enfants...
La différence entre l’impact de la tolérance zéro et de l’avortement c’est que l’un peut expliquer ce qui c’est passé, l’autre pas. La tolérance zéro tient en d’autres termes de la croyance religieuse, les effets de l’avortement d’une explication cohérente avec les faits.
En conséquence, en ce qui me concerne, l’Homme politique que je respecte le plus en France est et restera toujours Simone Weil.
L’exemplarité, une autre approche
Avec un président faisant fi par deux fois (affaires François Pérol/Natixis et Stéphane Richard/France Telecom) de l’article 432-13 du code pénal, que peut-on penser ? Avec une loi Hadopi contraire au principe constitutionnel de l’Etat de droit (on ne peut pas être juge et partie comme les ayant droits des « artistes » qui constatent les infractions et de fait font couper la ligne dans la foulée), quel exemple voit-on ? Certainement que les institutions et les lois peuvent être interprétées et contournées...
Avec un président qui veut "faire revenir la richesse en France" en d’une part en dépénalisant en partie la fraude fiscale, et d’autre part en faisant potentiellement des cadeaux fiscaux à ces mêmes délinquants en col blanc, quel signal perçoit-on ? Fraudes et cadeaux coûtent largement plus que l’ensemble de la fraude au ticket de trains et autres incivilités. Que doit-on penser ? [2]
On peut penser « tolérance totale pour ceux d’en haut », que le crime paie, et qu’enfreindre la loi, la constitution sont l’exemple à suivre pour ceux et celles qui veulent avoir leur rolex avant 50 ans, et donc réussir leur vie...
Si par contre ce ne sont pas vos valeurs à l’instar des 53% de la population qui a voté pour notre pétitsident [3], il serait donc temps d’élire des édiles sans casseroles. Il serait temps de trouver anormal qu’un élu accorde des passes-droits à ses clients/électeurs.
La tolérance zéro, si on veut lui donner un sens, devrait s’appliquer à tout le monde. Et si la justice ne fait pas son travail sous la pression du pouvoir politique, alors c’est aux électeurs de faire leur boulot en arrêtant d’élire des délinquants notoires.
À moins que nos élus soient à l’image de ce que nous sommes...
Poursuivre
http://anticor.org/la-lettre-danticor/
Référence : Freakonomics (Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner)
Oh, Canada ! La baisse de la criminalité au Canada et aux Etats-Unis entre 1991 et 2002 (mars 2004)
[1] On peut éventuellement aller chercher une amélioration de 20%, mais elle n’est pas significative au regard des ordres de grandeur en jeu
[2] Dans la même veine, je pourrai prendre l’exemple de l’affaire Julien Dray, mais ce serait jusqu’à preuve du contraire, injuste, puisque à ce jour, il a seulement fait l’objet d’un signalement Tracfin, a fait l’objet d’une enquête préliminaire, qu’il n’est donc pas mis en examen et donc présumé innocent sans avoir été accusé. Julien Dray est pour l’instant, une victime du viol du secret de l’instruction.
[3] Petit président