Les vieux, « combien ça coûte ? » Trop cher !
Vous avez aimé l’agonie du système de retraites par répartition ? Vous allez adorer l’hallali de la Sécurité Sociale. Prochain épisode du démontage du système de protection sociale mise en place à la Libération : la libéralisation totale du système d’assurance maladie. Un récent rapport d’une députée UMP de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, Valérie Rosso-Debord, lâche le morceau et dresse de réjouissantes perspectives pour des assureurs privés déjà pleins aux as. La loi nous faisait solidaires. Le contrat nous rendra de plus en plus solitaires. Malheur aux faibles, aux malades, aux « dépendants » ... Malheur surtout aux pauvres !
Vous avez aimé l’agonie du système de retraites par répartition ? Vous allez adorer l’hallali de la Sécurité Sociale. Pendant que Chérèque et son pote Thibault programment une énième journée d’unité d’action qui ne servira à rien, dans trois petites semaines, histoire de bien vider de sa sève le mouvement social et d’épuiser toutes les énergies qui pourraient s’opposer encore à la politique de Sarkozy, pendant que nos bouffons patentés se préparent à négocier quelques miettes de la contre réforme des retraites à la table de Woerth, le prochain épisode est déjà prêt. Denis Kessler l’avait affirmé sans ambage : il faut déconstruire pièce par pièce le système mis en place par le CNR [1]. Pourquoi se gêner, quand en face c’est si mou ? Allons-y gaiement.
Ensemble pour une santé solidaire publie un communiqué [2] qui dénonce un rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, présenté en juin 2010 par Mme Valérie Rosso-Debord, députée UMP, et qui traite de la prise en charge des personnes dépendantes.
La crise ne sévit pas pour tout le monde. Les sociétés d’assurances accumulent les profits. On se goinfre grave de ce côté-là. « En 2009, les assurances affichaient une bonne santé financière : 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires : 155 milliards en assurances de personnes (+ 12%) et 45 milliards en assurances de biens et responsabilité. » Et ce n’est qu’un début. En effet, comme le note Mme Rosso-Debord, dans le style inimitable de notre élite technocratique : les Français ont « une perception mature » (sic !) du « risque que fait peser la dépendance des futures personnes âgées sur les jeunes générations – constituant pour ces dernières une charge financière insupportable. »
Les vieux vieillissent (j’vous jure !) et s’attardent un peu au lieu de clamser rapidos. S’ils n’étaient qu’encombrants ! Mais ils coûtent cher ! Bon, en les usant jusqu’à la corde jusqu’à 70 balais et en les faisant crever de faim, on devrait déjà en éliminer une partie, c’est sûr. Mais quand même, il en restera toujours assez pour nous emmerder et m’empêcher d’acheter tous les six mois mon nouveau téléviseur couleur-écran-plat-à-LED ou mon séjour low-cost aux Antilles, parce que je le vaux bien.
Le technocrate se gratte la tête. Il s’appuie sur des « constats partagés » (un technocrate est un type intelligent, sérieux et objectif, surtout quand il bosse pour les potes de Sarko), et parmi ces fameux « constats partagés », outre le vieillissement de la population il y a le bien connu « contexte des finances publiques exangues » Que faire, mais que faire ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! transformer le problème en chance !
La « perception mature des Français du risque que fait peser la dépendance des futures personnes âgées […] est une chance qu’il nous faut saisir immédiatement . Elle rend en effet possible, aujourd’hui, la construction à moindres frais d’un dispositif d’assurance universelle obligatoire… »
Et voilà. Une lumière s’est allumée dans la petite tête de l’expert et des milliards d’euros clignotent maintenant dans ses yeux. Il n’y va pas par quatre chemins. C’est ce qu’il y a de bien avec les thuriféraires du capitalisme moderne. A l’aise, sans véritables adversaires déterminés et organisés, ils se paient le luxe de la franchise. Parfois jusqu’au cynisme [3]
Ainsi, dans un rapport de 128 pages traitant de vieillesse et de maladie, pas une fois la Sécurité Sociale [4] n’est évoquée. Non, car on a une idée bien plus moderne, bien plus efficace, et surtout beaucoup plus juteuse pour les patrons d’Axa, et autres Méderic Prévoyance : (Proposition n° 12 ) « Rendre obligatoire dès l’âge de cinquante ans, la souscription d’une assurance perte d’autonomie liée à l’âge et assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d’un fonds de garantie » en maintenant « à titre transitoire une prise en charge publique, en attendant que l’assurance dépendance puisse se substituer au régime actuel de l’allocation personnalisée d’autonomie. »
En bref, il s’agit d’organiser ni plus ni moins que le racket des salariés — supposés dans le futur vieillir plus que de raison — par les assureurs.
La solidarité générationnelle : vieille lune ! La solidarité tout court, c’est dépassé ! Fini. Soyons modernes. Le slogan de Thélem assurances, une société d’assurances récente implantée dans le Loiret est au diapason du nouvel état d’esprit de tous ces braves gens : « Pourquoi payer comme un malade quand je ne suis pas malade ? » demande un jeune crétin, l’air pas content. Pourquoi payer pour les vieux alors que je suis jeune ? Hein ? Les vieux, qu’ils se démerdent. « Mon assurance santé comme je veux ! »
Et quant aux vieux pauvres, qu’ils crèvent.
[1] cf. Cherchez l’erreur
[3] cf. P. Le Lay déclarant que le métier de TF1 est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible. On ne peut guère être moins dissimulateur.
[4] Dont on dit qu’elle va mal. Pour noyer son chien, Sarkozy lui inocule d’abord la rage. Exemple : la seule exonération de cotisations des heures supplémentaires a représenté un manque à gagner de 5 milliards pour la Sécu. On estime à 200 milliards d’euros la perte, pour les caisses de la Sécurité Sociale, suite aux diverses mesures d’exonérations mis en place par les gouvernements de droite et de gauche depuis 1991. Source : Jacques Cotta, Riches et presque décomplexés, , Fayard, 2008