Moins de monde, donc circuit plus court qui nous a fait passer rue d’Auron, en pleine foire aux huitres. Le cortège a par conséquent semé une belle pagaille, ce qui n’a soulevé aucun mouvement de mauvaise humeur parmi les passants ou les commerçants, bien au contraire. Clairement, les gens soutenaient en majorité les manifestants, ou, au moins, prenaient leur mal en patience. Une petite pause sur un stand de vin de Menetou-Salon (autant joindre l’utile à l’agréable) à écouter les conversations, a permis de vérifier que franchement, cette réforme est restée au travers des gosiers, si je puis dire...
Un peu plus loin, place Cujas où la terrasse du bar éponyme était comble, une réflexion est parvenue à mes oreilles : « Avec ça, on n’a que 2% de croissance ! » Le cortège faisant une pause, j’en profite pour entamer la conversation avec le monsieur des "2% de croissance"
— Bonjour, j’ai entendu ce que vous venez de dire, à propos de la croissance. Vous pensez que c’est à cause des manifestants qu’il n’y a pas de croissance ?
— Euh... non, mais s’ils bossaient au lieu de rouspéter, ça irait mieux !
— Ah ! Mais vous savez, les gens qui sont là, ils bossent aussi.
— Ouais, mais pas assez. Y’a pas de honte à bosser.
— Non, vous avez raison, y’a pas de honte à bosser. Même qu’il y en a plein qui voudraient bosser aussi, mais à cause du chômage, ils ne trouvent pas de boulot.
— C’est vrai aussi, y’a trop de chômage.
— Et puis y’a pas de honte à être chômeur non plus, hein ?
— Non, y’a pas de honte à être chômeur. C’est vrai, vous avez raison, c’est pas normal, tout ce chômage...
Je quitte mon ami d’un instant en pleine expectative, le cortège reprenant son mouvement. Je suis alors gratifié d’un « Allez, sans rancune et bon courage ! » En insistant un peu, j’aurais p’têt pu l’emmener avec nous, monsieur "2% de croissance" !
Autre curiosité, c’est la présence du PS qui paraissait plus importante que d’habitude. Est-ce le fait qu’il y avait moins de monde qu’on les remarquait plus ? Stickers "PS" sur la poitrine, belle banderole. Sauf que sur cette banderole, à part "Parti Socialiste", y’avait rien. Pas un slogan, pas un mot sur la réforme, rien. D’aucun aurait pu penser qu’ils étaient juste venu récupérer un peu du mécontentement populaire. Mais faudrait vraiment avoir un esprit chagrin pour penser ça...
Avec ça, on n’a que 2% de croissance !
- B. Javerliat
- 8 novembre 2010 à 18:57
Sauf que sur cette banderole, à part "Parti Socialiste", y’avait rien. Pas un slogan, pas un mot sur la réforme, rien.
Et pour cause ! Dans une déclaration de ce jour intitulée « La page de cette réforme n’est pas tournée » elle déclare : « Nous ne laisserons pas faire en sorte que ceux qui ont commencé à travailler tôt, avec des emplois pénibles, soient ceux qui sont les plus gênés par cette réforme ».
Uniquement ceux qui ont commencé à travailler tôt, avec des emplois pénibles. Autrement dit, et pour tous les autres, ils la trouvent très bien cette réforme, au PS.
D’aucun aurait pu penser qu’ils étaient juste venu récupérer un peu du mécontentement populaire.
Maintenant, on en est sûrs. Que tous ceux qui ont l’intention de voter pour un candidat PS aux prochaines cantonalessachent bien qu’ils votent pour un parti favorable à la réforme des retraites de Sarkozy, à la marge près. Les meetings d’Irène Félix et Jean-Pierre Saulnier vont être chauds !
Avec ça, on n’a que 2% de croissance !
- bombix
- 8 novembre 2010 à 19:21
J’aime beaucoup le recyclage du slogan altermondialiste en "Une autre réforme est possible" ;-) Sinon, oui, le PS est en plein dans le double langage. Sa situation est proprement schizophrénique. D’un côté, il dit soutenir le mouvement d’opposition à la réforme des retraites ; de l’autre, il fait des propositions qui reviennent à peu près aux propositions de Sarkozy-Woerth. Manuel Walls : "Le PS n’a pas gagné la bataille de la crédibilité" ... quelle crédibilité ? Que fallait-il croire de la part du PS ? Et là, on tombe sur le cul : « Nous n’avons pas suffisamment assumé la nécessité de l’allongement de la durée de cotisations, explique-t-il. Donner l’impression que le PS reviendrait aux 60 ans à taux plein pour tous crée de l’ambiguïté alors que les Français ont conscience des réalités. » Quelle différence avec le discours sarkozyste ? Aucune. En 2003, Irène Félix manifestait pour lutter contre la réforme Fillon. Aujourd’hui, ses propositions sont exactement celles de Fillon en 2003.
Mais tous ces gens doivent faire croire qu’ils sont en opposition, car ce discours légitime leurs prétentions à accéder aux responsabilités pour mener une « autre » politique. Qu’ils disent. Et puis, quand les choses ne vont pas assez vite, il rejoignent direct les rangs de la Sarkozie ... voir Besson (très bon élève), Jouyet, Kouchner, les tentations d’Allègre, de Lang etc. etc.
Les événements de cet automne auront au moins mis au grand jour cette duplicité. Y aura t-il des conséquences politiques ? Je ne vais pas citer G. Frèche quand même ... un socialiste celui-là aussi.
Avec ça, on n’a que 2% de croissance !
- bombix
- 8 novembre 2010 à 16:41
Rappel : dans le communiqué de l’intersyndicale, que j’ai publié dans un post, cette manifestation n’avait pas pour objet de demander à Sarkozy de ne pas promulguer la loi. Quel était donc son objet ?
L’intersyndicale a trouvé un truc génial. Puisque Sarkozy ne répond plus aux revendications des manifestants depuis deux mois, il suffit de ne plus rien demander quand on manifeste. Ainsi on a satisfaction. Ce qu’on ne demandait pas, on ne l’a pas eu. C’est une grande victoire !
D’autre part, dans le même communiqué, l’intersyndicale a modifié la plate-forme des revendications, élargissant aux salaires et à l’emploi notamment. Puisque Sarko dit non sur les retraites, essayons autre chose. Volons de défaites en défaites et proclamons : le mouvement social d’octobre 2010 marque un renouveau de légitimité des organisations syndicales aux yeux des Français.
Certes. Les salariés peuvent en effet être fiers de ceux qui les représentent et de leur efficacité à faire aboutir leurs revendications ...
Pour un début d’analyse du mouvement social de cet automne, l’article de JL Ernis publié sur La Sociale : Retraites, ne transformez pas l’essai. Ernis insiste à juste titre sur l’ambiguité et la cohésion en trompe l’oeil de l’intersyndicale. Il faut rentrer un peu dans les coulisses politiciennes de l’affaire, avec en toile de fond la loi de 2008 sur la représentativité syndicale ...