Bientôt chez nous : travailler gratos

lundi 15 novembre 2010 à 12:51, par B. Javerliat

Le gouvernement LibDem anglais inflige à son pays une politique d’austérité telle, que celle imposée par le socialiste Papandréou en Grèce paraît bien timide. La légende veut que lorsqu’un Français est mécontent, il descend dans la rue, alors qu’un anglais, lui, prend une tasse de thé. C’est vrai que le plan Cameron n’a pas fait descendre les anglais en masse dans la rue. Tout juste quelques milliers de personnes à Londres. [1]

Il faut quand même leur reconnaître des excuses, aux Anglais. Alors que nous, en France, on ne découvre les joies du libéralisme décomplexé que depuis l’avènement de Sarko, il y a 30 ans que les Anglais sont sous le joug de la réforme libérale Thatcherienne des année 80. Ça forme les esprits, ou plutôt ça les formate. Rêver d’un autre monde pour les Britanniques est devenu très difficile, et la loi du marché leur apparaît quasiment comme une loi naturelle. Au point que notre sécu ou notre système de retraite par répartition sont considérés là-bas comme des idées marxistes.

J’en vois qui ricanent, dans le fond. Ben, ils devraient pas. Simplement parce que pour savoir ce qui nous attend en France dans quelques années - avec plus ou moins de vaseline selon que l’UMP ou le PS seront aux manettes – il suffit de regarder ce qui se passe en Angleterre en ce moment. Et la dernière trouvaille du gouvernement libéral anglais, c’est de faire travailler gratuitement les chômeurs. Sinon, leurs pensions seront supprimées. Explications.

Le projet, parfaitement symbolique de l’idéologie libérale, consiste à obliger les chômeurs en fin de droit à travailler gratuitement dans des missions d’intérêt général. 30 heures de travail obligatoire par semaine, pendant un mois. Ceux qui ne viendraient pas travailler verraient leurs allocations chômage supprimées pendant trois mois. Étonnant, non ? Attendez, voici quelques arguments développés pour faire passer le suppositoire.

- 30 heures de travail obligatoire sur quatre semaines, ça n’est pas très contraignant, mais suffisamment pour que les faux chômeurs soient démasqués.
- Avoir une utilité sociale, même limitée à 4 semaines permet de re-dynamiser les exclus de la société.
- Ces travaux peuvent améliorer un CV un peu vide.
- Ces heures aideront des associations qui, sans elles, ne pourraient pas remplir leurs missions.

Arrêtez de rire, dans le fond, c’est pas drôle ! Comment ça, ça ne peut pas arriver chez nous ? Là, c’est moi qui rigole !

Dans le projet de Sarko [2] lors de la campagne de 2007, on peut lire : « Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d’un minimum social aient une activité d’intérêt général, afin d’inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu’à vivre de l’assistanat. » [3]
La même année, dans son livre de campagne "Ensemble" [4] on peut lire : « Si je suis élu […], je ferai en sorte que plus aucun revenu d’assistance ne puisse être supérieur au revenu du travail et que plus aucun revenu d’assistance ne soit versé sans que soit effectuée en contrepartie, pour ceux qui le peuvent, une activité d’intérêt général qui leur converse le sentiment de leur utilité sociale. »
Déjà en 2006 dans son livre "Témoignages" [5] : « Le peuple de France sait ce qu’est le travail. Il n’en a pas peur. Mais l’inversion délibérément organisée des valeurs entre le travail et l’assistance a totalement perverti les repères […] Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? »

Alors, on rigole toujours ?


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commentaires
Bientôt chez nous : travailler gratos - Mister K - 15 novembre 2010 à 15:05

L’idée de faire travailler les chômeurs est très drôle : oui, en effet, l’objectif d’une politique de l’emploi est de faire travailler les chômeurs. Mais il faut une logique : s’il y a du travail, il y a contrat de travail (signé librement...), salaire et application du droit du travail. Sinon, cela revient à faire du chômeur un condamné aux travaux forcés...

Mais bon, admettons que l’on sombre dans l’illogisme le plus total, il faut être réaliste : gérer une telle mesure pour plus 2,5 millions de chômeurs indemnisés serait un véritable casse tête, prendrait beaucoup trop de temps et couterait très cher. Autant trouver véritablement du travail aux chômeurs afin qu’ils ne le soient plus...au chômage. Et puis faire travailler les chômeurs gratuitement, ce serait du temps perdu. Mais bien sûr pas perdu pour tout le monde. Une telle mesure pourrait bénéficier à pas mal de profiteurs en tous genres...mais du coté du patronat cette fois (ou de l’état qui parfois se comporte comme un patron voyou...).

Ce type de bla-bla "faire travailler les chômeurs gratuitement", c’est de l’idéologie et c’est complètement démago. Et comme pour le "travailler plus pour gagner plus", la majorité de ceux qui seraient pour ne travaillent pas ou plus, ne travaillerons pas ou n’ont jamais travaillé véritablement. C’est le cas de nombreux responsables politiques comme notre président, Nicolas Sarkozy, qui ne peut absolument pas témoigner de ce qu’est le monde du travail...


Bientôt chez nous : travailler gratos - Eulalie - 15 novembre 2010 à 14:10

Peut-être que si on y regardait de plus près, on serait pas mal à constater que déjà on travaille gratos, même si on a un salaire donc un boulot. Un des exemples les plus causants : ceux qui bossent et qui ne peuvent pas se loger. C’est du travail gratuit. Un "moindre pire" : ceux qui bossent, qui peuvent se loger, mais qui ont chaque mois un découvert car leur salaire ne suffit pas à payer ce qu’on doit payer (chauffage, eau, impôts, etc, loyer ou mensualités achat, crédits, etc...) et donc pas de possiblités de dépenses dans les loisirs, cultures, enseignements etc....
Je crois que nous sommes déjà beaucoup à travailler gratos (+ la journée dite de solidarité + une nouvelle qu’ils avaient annoncé récemment mais dont j’ignore si elle est passée : une journée de travail gratuit pour payer je sais plus quoi.... la retraite peut-être....)