Bientôt chez nous : travailler gratos
Le gouvernement LibDem anglais inflige à son pays une politique d’austérité telle, que celle imposée par le socialiste Papandréou en Grèce paraît bien timide. La légende veut que lorsqu’un Français est mécontent, il descend dans la rue, alors qu’un anglais, lui, prend une tasse de thé. C’est vrai que le plan Cameron n’a pas fait descendre les anglais en masse dans la rue. Tout juste quelques milliers de personnes à Londres. [1]
Il faut quand même leur reconnaître des excuses, aux Anglais. Alors que nous, en France, on ne découvre les joies du libéralisme décomplexé que depuis l’avènement de Sarko, il y a 30 ans que les Anglais sont sous le joug de la réforme libérale Thatcherienne des année 80. Ça forme les esprits, ou plutôt ça les formate. Rêver d’un autre monde pour les Britanniques est devenu très difficile, et la loi du marché leur apparaît quasiment comme une loi naturelle. Au point que notre sécu ou notre système de retraite par répartition sont considérés là-bas comme des idées marxistes.
J’en vois qui ricanent, dans le fond. Ben, ils devraient pas. Simplement parce que pour savoir ce qui nous attend en France dans quelques années - avec plus ou moins de vaseline selon que l’UMP ou le PS seront aux manettes – il suffit de regarder ce qui se passe en Angleterre en ce moment. Et la dernière trouvaille du gouvernement libéral anglais, c’est de faire travailler gratuitement les chômeurs. Sinon, leurs pensions seront supprimées. Explications.
Le projet, parfaitement symbolique de l’idéologie libérale, consiste à obliger les chômeurs en fin de droit à travailler gratuitement dans des missions d’intérêt général. 30 heures de travail obligatoire par semaine, pendant un mois. Ceux qui ne viendraient pas travailler verraient leurs allocations chômage supprimées pendant trois mois. Étonnant, non ? Attendez, voici quelques arguments développés pour faire passer le suppositoire.
- 30 heures de travail obligatoire sur quatre semaines, ça n’est pas très contraignant, mais suffisamment pour que les faux chômeurs soient démasqués.
- Avoir une utilité sociale, même limitée à 4 semaines permet de re-dynamiser les exclus de la société.
- Ces travaux peuvent améliorer un CV un peu vide.
- Ces heures aideront des associations qui, sans elles, ne pourraient pas remplir leurs missions.
Arrêtez de rire, dans le fond, c’est pas drôle ! Comment ça, ça ne peut pas arriver chez nous ? Là, c’est moi qui rigole !
Dans le projet de Sarko [2] lors de la campagne de 2007, on peut lire : « Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d’un minimum social aient une activité d’intérêt général, afin d’inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu’à vivre de l’assistanat. » [3]
La même année, dans son livre de campagne "Ensemble" [4] on peut lire : « Si je suis élu […], je ferai en sorte que plus aucun revenu d’assistance ne puisse être supérieur au revenu du travail et que plus aucun revenu d’assistance ne soit versé sans que soit effectuée en contrepartie, pour ceux qui le peuvent, une activité d’intérêt général qui leur converse le sentiment de leur utilité sociale. »
Déjà en 2006 dans son livre "Témoignages" [5] : « Le peuple de France sait ce qu’est le travail. Il n’en a pas peur. Mais l’inversion délibérément organisée des valeurs entre le travail et l’assistance a totalement perverti les repères […] Quand celui qui travaille ne vit pas mieux que celui qui ne travaille pas, pourquoi se lèverait-il tôt le matin ? »
Alors, on rigole toujours ?