Guth : la fée du joli jardin
Créé voici vingt ans par Gilles Clément, le jardin de Lazenay fait actuellement l’objet d’un projet poétique et artistique avec la volonté d’y associer les habitants du quartier du Val d’Auron.
Samedi après-midi, les curieux pouvaient donc passer à la bibliothèque du Val d’Auron pour rencontrer l’artiste Guth Joly qui termine une résidence à Bourges. On pouvait ainsi découvrir ses dessins exposés, avant de parcourir en sa compagnie ce jardin "en mouvement" encore si méconnu . [1]. L’Agitateur a profité de l’occasion pour poser quelques questions à l’auteure sur le départ.

L’Agitateur : Qu’est-ce qui vous a incité à choisir cette voie artistique ? Pouvez-vous résumer votre parcours en quelques mots ?
Guth Joly : Je pense que tout a commencé au CP avec un poème de Victor Hugo : « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne… ». On m’a expliqué que Victor Hugo était triste parce que sa fille était morte… À partir de ce moment là, j’ai commencé à dessiner en illustrant les poésies de mes cahiers d’école. Deux ans plus tard mes parents ont déménagé, j’étais très triste aussi . En tant que fille unique, ma solution ça a été d’écrire des poèmes… de faire comme Victor Hugo ! Donc j’écrivais et je dessinais, c’était plutôt une activité secrète. Beaucoup de gens m’ont ensuite dit que j’étais douée en dessin mais je me trouvais nettement meilleure en Français. Dans mon parcours scolaire c’est ensuite le dessin qui a primé puisque je suis diplômée de l’école des Arts Décoratifs de Limoges. Cependant mon sujet de diplôme s’est trouvé enrichi par de la poésie. J’ai réalisé tout un travail sur la difficulté de dire. Il fallait trouver des langages pour arriver à dire, à faire jaillir l’expression du "je", l’expression personnelle intime.
L’Agitateur : Quels types de publics avez-vous rencontrés à l’occasion de cette résidence à Bourges ?
Guth Joly : J’ai rencontré des scolaires, dont les élèves de l’école Jules Ferry avec une belle équipe et des élèves réactifs ! J’ai rencontré des collégiens à Aubigny et à Jean Renoir à Bourges. Notamment des élèves de SEGPA, souvent considérés en difficulté. C’est vraiment très intéressant car l’atelier permet justement une autre ouverture pour aborder ensuite des matières plus "scolaires". S’exprimer, c’est important pour des gamins un peu en souffrance ou en échec ! J’ai aussi fait écrire les jardiniers de la ville du secteur sud de la ville de Bourges et puis les gens qui fréquentent le centre social du Val d’Auron. Cela a été passionnant de tenter de relever ce défi : Comment réussir à faire écrire des gens qui a priori ne veulent pas écrire ?

L’Agitateur : Comment travaillez-vous avec les personnes que vous rencontrez ?
Guth Joly : Mes ateliers d’écriture ou de dessin partent toujours de petites consignes qui ont pour but de me faire un peu découvrir les gens avec qui je suis et pour réussir à les orienter vers quelque chose qui est personnel. Pour les motiver, en quelque sorte, afin de faire l’effort d’écrire ou de dessiner. Il faut rassurer et montrer que le dessin c’est de l’écriture. On n’est pas doué ou non : on fait ! C’est l’acte qui prime. On se fait plaisir et on s’exprime !
L’Agitateur : Les participants ont-ils apprécié l’exercice ?
Guth Joly : Je pense qu’il aurait fallu que ça soit plus long... Mais le jour où ils vont entendre leurs textes, ce sera un moment important. Je ne réécris jamais les textes mais je les construis un peu différemment (je vais à la ligne ou j’enlève une petite répétition par exemple) et j’aime beaucoup les faire dire par un comédien parce que le texte prend alors une ampleur complètement différente. Et ceux qui ont écrit quelque chose de tout simple se sentent valorisés d’un seul coup. Le texte n’est peut-être pas bien énoncé, il peut y avoir des fautes mais peu importe ! Parfois cela peut même aboutir à des jeux de mots intéressants !
L’Agitateur : Tous ces gens ont travaillé sur le thème du jardin poétique avec une restitution qui doit avoir lieu en juin prochain…
Guth Joly : Oui, la plupart ont travaillé sur le thème du jardin. Quelques-uns ont dévié un peu car ce n’était pas leur préoccupation première, mais il fallait les laisser aller là où ils souhaitaient. De toute façon tout le monde a un jardin : un jardin secret, un jardin d’Eden, un jardin qui fait peur… Le jardin de Lazenay est intéressant à cet égard. Tout le monde a un regard très personnel sur ce jardin. Certains en ont peur ! Quand on creuse on se rend compte que ce n’est pas du jardin en lui même dont ils ont peur. C’est un lieu qui fait peur, qui dérange ou qui peut être magique. Et surtout on ne sait pas bien regarder ! Quand on visite le jardin en ce moment il y a de nombreuses de petites choses qui ne sont pas évidentes à observer. Il n’y a pas de fleurs et peu de feuilles, mais par contre les mousses et les lichens sont superbes et plein d’autres petits trésors qu’il faut aller chercher !
L’Agitateur : Combien de temps êtes-vous restée en résidence aux mille univers ?
Guth Joly : Trois mois. Je suis arrivée le 15 novembre puis après la trêve de Noël, je suis revenue tout début janvier et je repars le 3 mars prochain.
L’Agitateur : Comment avez perçu Bourges et ses habitants pendant votre séjour ? Connaissiez-vous déjà la ville ?
Guth Joly : Je ne me souviens pas être venue auparavant … Peut-être une fois étant enfant… J’ai trouvé le paysage très très plat tout autour (sourire)… J’ai beaucoup traîné dans le centre et encore plus dans les jardins c’est vrai. J’ai adoré les marais et tous ces jardins. Et puis cette proximité avec le passé dans le vieux Bourges. Les gens ne se rendent peut-être pas compte combien il y a des choses qui sont belles. Quand on voit des pancartes actuelles qui sont clouées sur des poutres qui ont près de cinq ou six siècles, ça fait un peu bizarre....
Sinon j’ai été bien reçue dans le quartier de l’Aéroport où je résidais. Des liens se sont même tissés.
L’Agitateur : Une dernière impression en guise de conclusion ?
Guth Joly : Eh bien, je suis un peu triste de partir... mais je suis sûre que je reviendrai !

[1] à l’invitation de Julie Potelune et Agathe Joffrin, étudiantes à l’IUT de Bourges, en stage au sein des mille univers, association organisatrice du projet et de la résidence, et avec le regard expert de Benjamin Junchat, jardinier municipal