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LEGISLATION

Décryptage du projet de loi sur l’économie numérique

dimanche 8 février 2004 à 14:15, par Gaëlle Py

Le 8 janvier 2004, l’assemblée nationale a procédé a une deuxième lecture du projet de loi LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique). Ce qui a donné lieu à quelques modifications et à l’adoption d’amendements.

Ce projet de loi recouvrant les domaines de l’audiovisuel et de la communication a été proposé dans le dessein de « dynamiser « ce secteur en pleine expansion mais aussi afin de renforcer la confiance des utilisateurs de nouvelles technologies.
Il s’articule sur autour de trois thèmes :
  Définition de la liberté de la communication publique en ligne.
  Règles et limites liées au commerce en ligne en terme de sécurité.
  Télécommunications par satellites.

Dans l’article 1er du premier thème, l’assemblée nationale a redéfini la communication publique en ligne comme étant la « transmission sur demande individuelle de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondances privées qui s’appuie sur un procédé de télécommunications permettant un échange réciproque d’information entre l’émetteur et le récepteur ».
En ce qui concerne le CSA, l’article fait référence à la télévision et à la radio en précisant qu’il sera considéré comme service de télévision et de radios « tout service de communication audiovisuelle accessible en temps réel et de manière simultanée pour l’ensemble du public…comportant des images et des sons ».
Ainsi le CSA pourrait obtenir un droit de régulation sur une partie de l’internet français. Justifier d’une telle intervention symboliserait une parfaite adaptation des communications publiques en ligne au droit de l’audiovisuel donc à l’application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication. Ce qui revient à minimaliser l’envergure et à véhiculer une image fausse d’internet. Alors que la logique serait une régulation et un contrôle par la loi.

La responsabilité des prestataires techniques a fait l’objet des articles 2,3,4 et 5. Sous cette appellation sont regroupés les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet.
Ils pourraient être mis en cause dès lors qu’ils auront eu « connaissance effective du caractère illicite d’un contenu, ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère illicite ».
De même, si les prestataires techniques « n’ont pas agi avec promptitude pour retirer ces données ou rendre l’accès à celle-ci impossible », alors une responsabilité pourrait être engagée et tout cela avant toute injonction et intervention judiciaire.
En d’autres termes, cette disposition confèrerait à un simple prestataire technique un premier degré de justice et un risque de censure.
Cette justice privée inquiète sérieusement les sites comme les ONG et les associations de consommateurs. Quant aux hébergeurs alternatifs, ils se verront choisir entre les clients et risquer une condamnation ou alors de fermer des sites à la moindre menace judiciaire.
Tout cela revient à porter atteinte à la liberté d’expression où chacun est responsable de ses propres propos mais aussi à la liberté d’information et de communication, ce qui remet en cause la définition d’un pays démocratique.
En réponse à ces atteintes, une pétition lancée par IRIS (imaginons un réseau internet solidaire) connaît un franc succès avec plus de 5000 signatures, 140 collectifs dont celui de la ligue des droits de l’homme.
Enfin, deux raisons sont sûrement à l’origine de cet article, la première étant une réponse à la pression des lobbies industriels désireux de ne plus passer par un procès pour obtenir la fermeture d’un site. La deuxième raison résulte de l’argument de la rapidité, il est plus efficace de qu’un hébergeur ou un fournisseur d’accès à internet fasse le ménage, la justice étant vu comme un processus lent à trancher.

La publicité n’a pas été épargnée non plus en vue des articles 10,11,12 et 13 (thème 2).
Conforme aux mesures européennes, le spam est interdit en France, mais il ne s’appliquera qu’aux courriers destinés aux particuliers.
Par ailleurs, « l’utilisation des courriers électroniques à des fins de prospection directe sera subordonnée à l’accord préalable du destinataire excepté lorsque les coordonnées ont été fournies par ce dernier à l’occasion d’une vente de bien ou d’une prestation de service ».
En résumé, seuls les internautes consentants pourront recevoir des mails publicitaires. La prospection ne pourra se faire qu’après avoir acheté en ligne et cette prospection devra être analogue au produit acheté, ainsi on ne pourrait être sollicité pour un voyage si l’on a loué une voiture.
Cette disposition remet en question les démarches des téléacteurs on line et tout ce qui touche au marketing direct. Concernant près de 90% des internautes français, il est normal que les organismes de vente à domicile s’inquiètent de voir réduire quasi totalement leurs fichiers clients. Cependant les internautes toujours plus agacés de voir leur écran rempli de publicité pourraient se voir rassurer en vue de cet article.

Enfin, il sera également interdit d’envoyer des messages électroniques dans lesquels « le nom de l’expéditeur » est masqué ou lorsqu’une « adresse de réponse est absente ».
Concernant le commerce électronique, l’article 14 (thème 3) prévoit une responsabilité des auteurs des offres, ceux-ci devront assurer la commande, la confirmation ainsi que l’accusé de réception, ils devront aussi mentionner leur identité sur le site.

De même, il sera possible de conclure la plupart des contrats via internet, la sécurité de ces transactions étant le souci majeur de ce texte, une libéralisation totale de la cryptologie sera donc effectuée. Ainsi, les marchands en ligne devront justifier « d’une garantie financière suffisante ou d’une assurance garantissant de leur responsabilité civile professionnelle ». Au cas échéant, les sanctions pour infractions seront renforcées.

Ce sera au tour du Sénat le 12 février prochain de plancher sur une deuxième lecture de ce projet de loi en vue d’être adopté prochainement.