Avis de KO social à Bourges
La direction du Printemps de Bourges avait évoqué sans beaucoup de précisions, le déroulement « d’actions diverses » autour du groupe Les Têtes Raides, invités d’honneur de l’édition 2004. Une de ces actions pourrait être la concrétisation du projet « Biturige Cubi 004 » : la création d’une radio éphémère rebelle mise en place par Antoine Chao, le frère de Manu et ancien musicien de la Mano Negra.
« Nous sommes en 2004 pendant J.C., toute la Sarkosie est occupée par le Medef. Toute ? Non ! Au Printemps, pendant que la balourde industrie du disque agonise et répand ses derniers produits formatés sur les ondes serviles et vénales de feu les radios libres - libres hier, libérales aujourd’hui - retentie en pays Biturige Cubi, une Onde courageuse et irréductible. Le jour et la nuit, une radio qui mord et qui fuit, assez mal dégrossie et encore pire à table. A vos postes !!! » Depuis que Nicolas Sarkozy fait parvenir des « notes aux rédactions » indiquant ce que les journalistes sont autorisés ou non à écrire, il devient risqué de publier ce genre d’information. Et pourtant, le prochain Printemps de Bourges qui se déroulera du 20 au 25 avril 2004, pourrait bien se transformer en lieu d’expiation du mécontentement social.
VIEUX SINGE. Chapeau bas, donc, au Directeur du Printemps de Bourges, Daniel Colling, qui a décidément bien préparé son coup. Après les menaces des intermittents du spectacle concernant le bon déroulement des festivals, notre grand Manitou, a préféré canaliser et cadrer la grogne, plutôt que de risquer des manifestations spontanées de mauvaise humeur, susceptibles de troubler l’épanouissement de son gros bébé de 28 piges. Beaucoup se souviennent encore que Jacques Chirac en 1995, avait eu droit à des tirs en rafale de pommes pourries. Après avoir prêté son Zénith aux Têtes Raides pour un concert-meeting contre les menaces qui pèsent sur la France d’en-bas, voici que Daniel Colling récidive en ouvrant les portes de son Printemps de Bourges. Serait-il un dangereux agitateur gauchiste ? Non, c’est un vieux singe à qui on n’apprend pas à faire la grimace. Si Jean-Louis Foulquier en avait pris un peu de graine l’année passée, il n’aurait sans doute pas eu besoin d’annuler ses Francofolies de La Rochelle en réagissant comme un vieux con de droite.
Bourges, ville aux mains d’un député-maire de l’UMP, élu à la faveur de collusions avec le Front National, va donc devenir du 20 au 25 avril un beau terrain de contestation face à la politique liberticide du gouvernement. Lors de la présentation du festival, Daniel Colling avait présenté pudiquement les Têtes Raides comme des « invités d’honneurs » chargés de mettre un peu de piment dans le festival et dans la ville, avec l’intervention de nombreux « invités ». Il ne fallait pas que le « festival le plus subventionné de France » - dixit son mentor - froisse dans un premier temps, la susceptibilité des pouvoirs publiques. Pourtant, le côté « contestataire » pourrait bien l’emporter sur le côté naïvement festif évoqué par Daniel Colling. Et c’est tant mieux car, dans le contexte actuel, il n’y a guère que la France d’en-haut qui ait envie de s’amuser.
CHAO(S) SOCIAL. Si on ne connaît pas encore les détails des exactions qui seront commises sous la bannière du groupe terroriste Les Têtes Raides, on sait déjà qu’une radio pirate rebelle devrait squatter les ondes du département du Cher pour y répandre sa bonne parole. Une aubaine dans cette zone radiophoniquement sinistrée où ne subsiste qu’une seule vraie radio locale, Radio Résonance, qui végète sans grands moyens depuis des années. Le projet a pour nom de code « Biturige Cubi 004 », et il est l’oeuvre de Antoine Chao, le frère de Manu et ancien musicien au sein de la Mano Negra.
Appelé en renfort par Les Têtes Raides, Antoine Chao est une des grosses têtes de Fréquences Ephémères, une association qui est à l’origine de nombreuses aventures radiophoniques à travers la France. A l’instar de José Bové en lutte contre la mal-bouffe, Antoine Chao aime se présenter comme un antidote au mal-ouïr et aux radios dites « libres » qui sont désormais assujetties au pouvoir de l’argent, des publicitaires et des maisons de disques. Après l’aventure de la Mano Negra, Antoine Chao a goûté au monde de la radio en étant nommé directeur de programmation de Radio Latina en 1994. Une radio qu’il a quitté quatre ans plus tard en claquant la porte parce qu’on lui demandait de diffuser des chansons de...Julio Iglesias.
Depuis la prise de conscience de la finalité racoleuse des radios commerciales, Antoine Chao n’en finit plus d’être présent « là où ça bouge », pour mettre en place ses radios commando et libérer un petit bout de la bande FM prisonnière du fric tout puissant et du conformisme ambiant. De Radio Triton en 1998 mise en place dans l’ombre du Stade de France, jusqu’à On broie Renoir en direct de la cité des 4000 logements, en passant par Radio des Suds durant le Festival d’Arles « pour que les ondes traversent les murs...en attendant de les démolir ! », le combat d’Antoine Chao pour une radio libre s’accompagne souvent d’un combat pour des hommes libres. Là où les Fréquences Ephémères passent, beaucoup de connards trépassent.
Et à Bourges, il y aura du boulot ! Car ne serait-ce qu’en matière de mal-musique, les bituriges sont particulièrement gâtés durant toute l’année. Car pour gagner quelques brouzoufs, Daniel Colling et sa méga société Bourges en Scène qui fait la pluie et le beau temps à Bourges nous a imposé Pierre Perret, Hélène Ségara, Natasha St Pier, Kyo et bientôt Pascal Obispo et Edith Mitchell. Et puisque Emmetrop, la dernière association rebelle du canton a vendu son âme au diable depuis belle lurette, Radio Biturige Cubi 004 pourrait bien être dans ces contrées un ultime rempart dans la « guerre contre l’intelligence ».
Il y aura beaucoup à dire sur le droit au logement bafoué, sur les entraves à la liberté de circulation, sur la paupérisation et la diabolisation des chômeurs, sur la réforme des retraites, les violences policières, la dégradation de notre système de santé, la mort programmée des intermittents du spectacle et sur toutes les autres mesures anti-sociales prises derrière le foulard / paravent de la loi sur la laïcité. Avis donc à tous les braillards, à ceux qui ont des choses à dire et à qui on ne donne pas la parole. C’est le moment ou jamais pour que, durant cinq jours à Bourges, ce soit la rue qui gouverne. De Gaulle beuglais comme un veau « Français je vous ai compris ». A vous de crier maintenant « Raffarin, on vous emmerde ! »…