J’ai cru voir un hippopotame...
Allez, c’est la rentrée ! Une de plus ! J’ai mis mon short à carreaux et pris mon cartable snoopy. Elles sont où les jolies maîtresses ? Ils nous ont mis des gros barbus à la place ! Ah, et puis les enculés, ils ont supprimé les distributeurs de boissons et de friandises ! Je crois que je vais reprendre mes menottes et ma tenue en latex. Les rentrées, c’est plus ce que c’était !
Pourtant, ça démarre fort. Nicolas Sarkozy veut réduire l’indemnité chômage et forcer les chercheurs d’emplois à travailler bénévolement, François Bayrou veut instaurer une taxe sociale Tobin, François Hollande ne veut rien du tout à part être Président de la République, Marie-George Buffet, Oliviers Besancenot et Arlette Laguillet, impuissants, continuent de dénoncer les injustices de notre monde, la nouvelle patronne des patrons, Laurence Parisot, camoufle un discours de régression sociale derrière des valeurs positives de liberté (de s’en foutre plein les poches et de licencier), et une justification de la précarité, relevant des « lois de la nature ». Quant à notre Président Jacques Chirac, il met la France des médias en transe parce qu’il a mal aux yeux. Il était déjà à moitié sourd, le voilà qui ne voit plus rien. On se demande bien pourquoi un sondage semble indiquer que 70% des français sont pessimistes en cette rentrée 2005. Tous semblent se demander :« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? ». La France n’a pas de pétrole, mais elle a, parait-il, des idées. En cette rentrée de septembre, tout le monde se creuse la tête. Mais il y a bien peu de raisons de se réjouir. Les médias et les ministres font mine de s’enthousiasmer de la baisse du chômage durant l’été, omettant de préciser que celle-ci est habituelle à cette époque de l’année. A Paris, les maisons brûlent. A La Nouvelle-Orléans, elles boivent la tasse. Dans les deux cas, ce sont toujours les plus pauvres et les plus fragiles qui sont maltraités. Dans ces conditions, il y a lieu de se demander à quoi servent toutes ces lois que l’on nous chie à longueur de journée, qui sont censées nous assurer la liberté, l’égalité et la fraternité. Chanter La Marseillaise dans les écoles ou sur les terrains de foot, relève alors de quelque chose qui se rapproche de la méthode coué : nous sommes les meilleurs, nous sommes le plus beau pays du monde, l’univers entier nous envie, Dieu, lui-même, bande comme un hippopotame à la simple évocation du Pays des Droits de l’Homme.
Le cas particulier de Bourges, notre ville, ne donne pas matière à davantage de réconfort. Nous avons un maire qui fut épisodiquement ministre. Beaucoup de berruyers espéraient des retombées positives pour la ville, économiquement à l’agonie et qui a perdu beaucoup de son prestige ces dernières années. Au point de retomber au même niveau que des villes comme Châteauroux, Nevers, Moulins ou Montluçon. Mais le maire de Bourges a préféré travailler pour sa pomme. Il voulait « durer ». Et pour cela, il a surtout cherché à ne pas faire de gaffe, ne pas être au centre de polémiques. Il s’est fait si petit qu’aujourd’hui, il n’existe plus. Il a tout perdu. La France a tout juste eu le temps de le connaître qu’elle l’a déjà oubliée. Et la ville de Bourges n’a absolument rien tiré de son passage au ministère de l’écologie. Ici, on refait des routes avec du beau goudron. On coupe des arbres centenaires. On fait des campagnes d’affichages coûteuses pour souhaiter de « bonnes vacances » aux berruyers ou pour les inciter au recyclage de leurs déchets. On en est là. Mais la principale préoccupation du maire et de ses « amis » de l’UMP dans le Cher, demeure l’élection au Sénat. Bah, y’a quand même quelques belles indemnités de sénateur en bout de course. Mais l’orgueil des berruyers rend aveugle semble-t-il. Continuons donc à rêver que nous sommes les meilleurs, que nous sommes la plus belle ville dans le plus beau pays du monde et que Dieu lui-même se touche quand il voit une photo de notre cathédrale.
Cet été, j’ai reçu le mail d’un internaute, dont le contenu m’a paru assez révélateur de la situation actuelle à Bourges. Voici ce qu’il disait : « Cela fait 23 ans que j’habite Bourges. J’en étais amoureux de cette ville et ma famille, mes amis habitant ici, je souhaitais sincèrement y rester, ne pas en bouger. A l’aube de mes 22 printemps, à la suite du licenciement collectif dont j’ai fait partie (...) je me suis dit que j’allais monter mon bar sur Bourges. Le rêve... MA société dans MA ville. Que demander de plus ?! Mais c’était sans compter l’envers du décor. Une ville qui va très mal économiquement parlant (...) il faut créer une entreprise en janvier car après il n’y a plus d’aide, les caisses sont vides (lettre à l’appuis, honte de rien). Et tout cela sans oublier les banques qui ne veulent plus faire leur premier travail : investir (...) Par-dessus ça vous rajoutez une volonté de tuer les bars et discothèques par pétitions, contrôle abusif et fausse campagne contre l’alcool (...) et voila, vous avez LA VRAIE NUIT A BOURGES. Aucune possibilité de changement, d’évolution et une mort certaine d’établissements et par le futur d’un métier. » Ce mail était signé « Un jeune en colère de voir mourir sa ville ». Cela m’a rappelé le témoignage, quelques semaines plus tôt, d’une connaissance personnelle qui devait ouvrir un commerce à Bourges. Il m’expliquait que tout le monde - CCI, Préfecture, mairie, banques... - avait reconnu l’intérêt et le sérieux de son projet, mais que celui-ci ne serait pas viable... s’il se réalisait dans une ville en difficulté comme Bourges. Il lui a été conseillé de changer de ville !
Mais que s’est-il passé dans cette ville pour que l’on en arrive à un tel défaitisme, à un tel immobilisme ? Comment des gens dont le travail est de favoriser le dynamisme économique en arrivent-ils à torpiller à ce point les enthousiasmes locaux en allant jusqu’à leur conseiller d’aller voir ailleurs ? On est bien loin des dépliants publicitaires de la Communauté d’agglomération, ce nouveau monstre administratif et institutionnel qui coûte très cher au contribuable avec ses belles voitures de fonction « Bourges Plus ». Après ça, Alain Tanton, le premier adjoint de la ville pourra toujours dire que L’Agitateur et d’autres dressent un portrait très sombre de Bourges... il n’a que ça à dire ! C’est un peu court comme argumentation ! Il y a tout de même des faits objectifs, des indicateurs, qui ne trompent pas.
L’Agitateur entame sa neuvième saison sur le web. On peut dire maintenant que nous sommes vraiment des dinosaures du web. Je ne sais pas encore combien de temps ça va durer ces conneries ! En 1997, je me souviens que l’on avait monté L’agitateur très sérieusement, dans une optique de développement sur la durée, alors que beaucoup pensaient qu’il s’agissait d’un petit délire d’étudiant. Aujourd’hui, L’Agitateur est l’un des sites les plus fréquenté de la Région Centre, toutes catégories confondues. C’est aussi une référence nationale de la presse indépendante en ligne. Ça nous fait très plaisir parce que ce webzine a évolué sans déroger à son esprit originel. Cette année encore, n’hésitez pas à vous exprimer sur les forums, à nous proposer vos articles, à nous envoyer vos infos. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que c’est quand même bien d’avoir un site comme celui-là pour une ville qui ne dépasse même plus 70.000 habitants. Le petit succès de L’Agitateur, c’est aussi le signe que les berruyers aiment leur ville, petite mais costaude. Il faut juste que nos chers décideurs qui paradent dans les soirées avec des petits fours et du champagne à nos frais, se retroussent les manches et se bougent leurs gros culs d’hippopotames.