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ECONOMIE

Michelin : restructuration ou déstructuration ?

mercredi 11 octobre 2006 à 20:27, par Charles-Henry Sadien

Le plan de développement de Michelin a été diversement apprécié dans le Cher qui compte une usine à Saint-Doulchard. Certains s’alarment des centaines de suppressions de postes tandis que les autres ont les yeux qui brillent parce que Saint-Doulchard deviendra un site mondial de production de pneus d’avion « de haute technologie »...

Sur son blog, le socialiste Yann Galut a mis en ligne un communiqué dans lequel il dénonce la suppression de 365 postes sur le site de Saint Doulchard : « Une fois de plus, les salariés de Michelin sont victimes d’une restructuration qui n’a qu’un seul objectif, augmenter au niveau du groupe, la rentabilité financière exigée par les actionnaires », écrit-il, se prononçant en faveur d’une loi d’interdiction des licenciements boursiers en cas de victoire de la gauche aux élections présidentielles. Pour le député communiste Jean-Claude Sandrier, l’analyse est la même : « Tout pourrait se résumer à ces simples faits : suppression de 10 000 emplois en Europe, 10 000 en Amérique du Nord et record à la bourse de Paris : les actions de Michelin ont augmenté de 23,68% depuis le 1er janvier 2006 ».

De son côté, le Berry Républicain a adopté la « positive attitude » de Jean-Pierre Raffarin, avec une présentation des faits très orientée (sans doute l’effet « Nuit des Leaders »...), préférant mettre en avant les 17 millions d’euros d’investissement du groupe Michelin et la spécialisation de l’usine de Saint-Doulchard « qui va devenir un centre mondial de production et d’industrialisation de pneus avion radial de haute technologie ». Malgré les centaines de licenciements, ce serait presque une bonne nouvelle, donc. L’explication se trouve dans le magazine Capital qui annonce que « à terme », la capacité du site de Bourges, « sera doublée ».

La Nouvelle République, elle aussi, essaye de voir le bon côté des choses : « Michelin perd 365 postes et sauve sa tête à Saint-Doul’ ». La NR ne met pas en avant les 365 postes supprimés mais le fait que le site de Saint Doulchard « à terme, vers 2010, conservera 450 salariés ». Néanmoins, la NR prend soin de rappeler qu’en en 1985, le site Michelin de Saint Doulchard comptait 3.800 salariés ; puis 1680 en 2001, et qu’il n’en restait plus jusqu’à aujourd’hui que 815. Le journaliste Emmanuel Danielou rapporte par ailleurs que l’annonce de cette « restructuration » a été bien accueillie à la Bourse de Paris puisque l’action Michelin a atteint hier (mardi 10 octobre 2006) son second plus haut niveau de l’année, gagnant 1,37 %, tandis qu’un représentant syndical s’est exclamé : « On nous parle de 17 M€ d’investissement en cinq ans ; c’est la moyenne annuelle de ce qui est investi à Bourges ! »

Sources : Le Berry Républicain, La Nouvelle République, Capital, blog de Yann Galut, blog de Jean-Claude Sandrier.

commentaires
Michelin : restructuration ou déstructuration ? - Jean-Michel Pinon - 12 octobre 2006 à 08:28

Une autre façon malhonnête de présenter les faits sur boursier.com :

« Michelin a présenté un projet de développement de ses usines de Bourges et Cholet (...) l’équipementier entend créer à Bourges un centre mondial pour les pneus Avion radial de haute technologie, et renforcer la production de pneus camionnette à Cholet, en y ramenant les activités dédiées de Bourges. Michelin explique que les deux sites seront modernisés afin de devenir des centres de production de référence, dans leurs spécialités, en Europe. (...) A Bourges, 17 ME supplémentaires seront investis dès 2007 (..) »

Pas un mot sur les 365 suppressions de postes !


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Michelin : restructuration ou déstructuration ? - bombix - 12 octobre 2006 à 00:18

Michelin, quelques rappels :
L’entreprise française est un modèle pour le développement de ce que l’on appelle "le nouveau capitalisme." Lors de la mort brutale de sont PDG Edouard Michelin cet automne, les media nous ont vendu "un patron humain", qui laissait "sa ville orpheline". Le patron humain, à peine intronisé en 1999, annonce un plan de licenciement de 7500 salariés en trois ans, alors que l’entreprise affiche une hausse de ses profits semestriels de 17% ! L’action Michelin à cette occasion bondit de 12 % en une seule séance à la bourse. Selon les analystes financiers, les seuls résultats de l’entreprise justifiait une hausse de 6 % seulement. Ce sont donc les annonces simultanées du plan de licenciement et des bons résultats de l’entreprise qui ont fait gagner aux actionnaires 2 milliards de francs de plus-value potentielle. L’indignation est générale, mais Jospin, alors premier ministre, se tient coi. Le politique s’écrase devant "les lois impitoyables de l’économie."
Il y avait 30 000 employés Michelin à Clermont Ferrand en 1970. Il en reste 13 000 actuellement.
A Bourges, le site Michelin comptait en 1985 3800 salariés. Aujourd’hui 815. On vante une "restructuration" qui aboutirait à ... 450 salariés en 2010 ? De qui se moque-t-on ?
En réalité, Michelin, comme Danone, comme de nombreuses entreprises qui ont ouvert la voie sur le chemin de la mondialisation capitaliste maximise par tous les moyens la valeur de l’entreprise sous la pression des actionnaires. en particulier les fameux "fonds de pension." Pour faire encore plus de profits, il faut "dégraisser" : ainsi s’explique qu’un plan de licenciements coïncide avec des profits historiques et une hausse boursière.
Face à cette politique, quelle riposte ? Dans un entretien à Mariane, l’économiste Pierre Noël Giraud déclarait : "Imaginons que tous les syndicats de Michelin, dans le monde entier, ainsi que les syndicats des
deux grands concurrents de Michelin, soient unis, puissants et qu’ils tiennent à la direction le discours suivant : « Vous avez votre logique, imposée parla compétition globale. Vous voulez que la productivité croisse plus vite que la production en Europe, donc vous allez continuer à licencier. Soit. Mais vous devez vous-même financer des plans sociaux, vous, c’est-à-dire vos actionnaires... » Ils auraient alors les moyens de se faire respecter et les actionnaires, eux, paieraient. À firmes globales, syndicats globaux. Hier les négociations avaient lieu à l’intérieur d’un seul territoire, et un certain équilibre avait été trouvé. Les Etats-nations ne se contentaient pas d’être de simples arbitres, mais agissaient directement. Aujourd’hui, avec la globalisation
des firmes, le pouvoir de négociation des salariés s’est considérablement affaibli. C’est le fond du problème, et un Etat seul n’y peut plus grand-chose. Il est absurde, comme on l’a évoqué en France à propos de Michelin, de prétendre qu’un Etat isolé pourrait interdire de licencier à une firme qui fait des profits."

Une réponse par anticipation aux déclarations péremptoires de Galut, qui au demeurant ne l’engagent à rien.
Comme disait le vieux Marx, prolétaires de tous les pays unissez-vous ! C’est de vos luttes dont tout dépend. Mais va y avoir du boulot !

Sources :
 Pierre Noël Giraud,L’heure de la politique internationale a sonné ! entretien à Mariane 12-18 février 2001
 Pierre Noël Giraud, Les fonds de pension, vers un nouveau capitalisme ? Revue Etudes, T 394, n°2, février 2001

Ces deux textes se trouvent assez facilement sur le web, ils sont repris par plusieurs sites militants.

 Pathologies, le web de l’Humanité

 Attac, Colloque de Morsang, Le cas Michelin


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