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Quand « Le Figaro » déshabille le Printemps

lundi 26 mars 2007 à 00:41, par Tourterelle des bois

« A tout Saigneur (de subventions publiques), tout Honneur ! ». La sortie de l’énorme catalogue de compliments pour l’immense PDB ( L’extravagante épopée du « Printemps de Bourges » de Bertrand Dicale, éditions Hugo & compagnie, 29,50 €) nous donne l’occasion de nous livrer à une très grosse analyse de ce système.

Soyons clairs : non seulement nous ne voulons pas la mort du PDB et ce long article évitera les raccourcis souvent justifiés du type « PDB mafieux » ; ce que nous souhaitons, c’est un festival dégagé de l’hégémonie commerciale et plus proche des gens... Notre critique s’effectuera donc calmement en reprenant mot pour mot des citations déjà parues : il se peut donc qu’il apparaisse parfois aussi ennuyeux que le gros bouquin de Dicale, journaliste au « Figaro »...Mais il fallait cela pour tenter de combler tous les mensonges par omission, tous les petits arrangements qui jalonnent cette « extravagante épopée ». Pour se faire, notre analyse s’appuiera sur une comparaison avec trois autres sources écrites : une très courageuse enquête de la « Nouvelle République » intitulée « A qui profite le PDB ? » (N.R. du 14 Avril 2005, articles de : Emmanuel Danielou, Caroline Eluard, Johan Guillermain et Louis-François Caillaud, directeur de ce journal) et deux très bons ouvrages : « L’Autre Chemin d’Alain Meilland » du regretté Maurice Pollein et « Bourges, Histoire d’un Printemps » de Pierre Favre et Christian Pirot.

Ces préambules établis, passons donc à ce nouvel avatar éditorial sur le PDB. en citant d’emblée Emmanuel Danielou de la N.R. qui écrivait en 2005 : « A qui profite le PDB ? Surement pas au public. Le festival de musiques actuelles le plus subventionné de France, semble ignorer son public. Le mot est-il trop fort ? Pas si sûr ! ». D’ailleurs, afin d’argumenter en toute objectivité, notre critique débutera par la table des matières du nouvel ouvrage... qui n’en contient pas. Un comble, un oubli fâcheux ou un signe de modernité ? Peu importe, mais cette amnésie de la récapitulation renvoie bien à une amnésie plus grave concernant le contenu même de ce catalogue bien fait, sorte d’addition habile de bien d’autres histoires de ce grand festival. Et la première impression qui ressort de « L’extravagante épopée... », c’est bien qu’il s’agit d’un ouvrage de notre temps : semblant sincère et précis, alignant des chiffres bien réels des montages financiers, n’évitant pas les innombrables conflits qui ont jalonné cet évènement en abordant même les oppositions politiques que le fondateur a su vaincre vaillamment...

Seulement voilà : à y regarder de plus prêt, on aperçoit mieux le procédé qui a consisté à aplanir tous ces faits en allant même jusqu’à supprimer quelques détails très gênants comme on le verra... Table des matières de : L’extravagante épopée du « Printemps de Bourges » de Bertrand Dicale, (Editions Hugo et Compagnie, Paris, Mars 2007, 29,50 €) : 1977-1981 : L’Eveil du Printemps : 1977 : Le Premier Printemps - 1978 : La preuve par deux - 1979 : Premiers craquements - 1980 : Printemps au combat, Printemps rock - 1981 : En attendant l’Etat - 1981-1989 : Les sommets et la chute : 1982 : L’Etat entre en scène - 1983-1984 : Vers les 10.000 spectateurs - 1985-1986 : « De » Bourges ou « A » Bourges - 1987-1989 : Les dangers du gigantisme - 1990-1998 : Vertiges post-modernes : 1990-1992 : La cure d’amaigrissement - 1993-1995 : Tribus et chapiteau - 1996-1998 : L’impossible intégrale - 1999-2007 : Le Printemps comme son nom l’indique : 1999 : Retour vers le futur - 2000-2002 : Le redressement - 2003-2005 : Le Printemps revenu à lui - 2006 -2007 : sans titre.

Quand L’Histoire s’accélère et que la précision cache souvent quelque chose...

Comme on peut s’en rendre compte à la lecture de cette table des matières absente de l’ouvrage, l’histoire semble s’accélérer : les premières années du festival sont traitées une à une pour les années 80 puis deux à deux pour les années 90 et enfin quasiment trois à trois pour l’entrée dans le XXIème siècle. Il en va de même pour le traitement des budgets de cet évènement : redoutablement précis au début de livre, ils disparaissent à partir de la page 133 correspondant au 25 millions de francs ( !!!) du festival 1995. Un manque de précisions regrettable, tant la progression budgétaire était bien mise en valeur dans la première partie où les chiffres s’alignent et donnent même le tournis : 750.000 F dans les premières années, 800.000 F l’année suivante, 1 Million 300.000 F en 1979, 10 Millions en 1985 ; 9, 2 million de dettes à rembourser en 1987 ; 24 Millions en 1989 ; 18,5 Millions en 1990 ; 25 Millions en 1995.... Les chiffres colossaux tombent en regard des grands combats pour faire augmenter la masse budgétaire : la bataille pour faire plier la Maison de la culture de Bourges, la lutte pour l’engagement de l’Etat, les pressions pour faire plier les Collectivités locales : Conseil général du Cher et Région Centre... 1 Million 500.000 F de l’Etat, 450.0000 F de la Région, 375.000 F du Département, 675.000 F de la Ville... Tant de précisions qui honorent Bertrand Dicale même si elles peuvent paraître indigestes pour des passionnés de culture...

Quoiqu’il en soit, on reste étonné de toutes cette litanie de chiffres qui non seulement disparaît à partir de 1995 (on s’arrête sur le super budget de 25 Millions de bons et gros nouveaux Francs !!)) et surtout : aucun détail sur l’affectation de cet argent... La question que l’on aurait aimé que Bertrand Dicale se pose concerne justement le nom des sociétés qui ont reçu tout cet argent qui, rappelons-le, frise aujourd’hui selon la « Nouvelle République » 5,3 millions d’Euros, soit : plus 34 Millions de francs !!! Et justement, le rapport de la Cour Régionale des Comptes publié en 1999 (voir sur ce site en Archives) au moment du redressement judiciaire de l’événement, souligne « cette incapacité à connaître effectivement la myriade de sociétés appartenant toutes au directeur fondateur du Festival ». Un fait à nouveau divulgué par la « Nouvelle République » qui reprenait la liste impressionnante des sociétés du PDB constituant un Empire totalement contrôlé par M. Colling ! Pour son livre, Bertrand Dicale aurait d’ailleurs pu consulter ce rapport de La Cour des Comptes et l’enquête de la « N.R. » insistant sur la Holding financière « Printemps de Bourges » qui rend opaque toute analyse. Puisqu’il ne l’a pas fait, rappelons les termes rapportés par l’enquête de la « Nouvelle République » en 2004 (ça fait toujours du bien) : l’Empire Colling-PDB comprenait les sociétés : SP Colling SARL, holding financière du groupe, dont Daniel Colling détient personnellement 99 % des parts, « Le Printemps de Bourges », « Coulisses », Speedi (première appellation de S.A. Daniel Colling Productions dite "D.C.P."), collectif (SNC) La Villette, société « Bleu Citron », la société Argos, divers Zéniths et une nébuleuse incroyable d’associations : « Réseau Printemps », « Tam Tam France », « Germinal », « Les Amis du Printemps de Bourges », etc, etc...Certes, M. Dicale nous présente bien « Tam Tam France » et quelques autres structures...

Mais, répétons-le : pas un mot sur les sommes qui leur ont été affectées. Alors pourquoi autant de précisions pour nous livrer les chiffres indigestes des budgets des années 77-95 et en regard : une absence totale de renseignements concernant leur destination vers les multiples sociétés et associations appartenant à ce festival ? Et enfin : peu ou pas de mots sur l’Empire Colling, sur les « Rives d’Auron » confiant au PDB la quasi-totalité des salles de spectacle de Bourges, quelques mentions des sommes colossales apportées par Coca Cola, TF1, EDF, France Télécom, Crédit Mutuel (« qui donne le La »), Europe1, M6, les fromages Rians, la Banque populaire, Kronenbourg, la Caisse Nationale de Prévoyance, Marlboro, la Seita, les Ailes bleues, la BNP, le « Club des entreprises du Cher »...autant de ressources qui « n’ont rien à voir avec une marchandisation de la culture » comme cela fut souligné lors du dernier Printemps de Bourges au cours d’un débat organisé par le Parti communiste : les puristes du vocabulaire apprécieront...

Quand un fondateur s’attribue tout et en veut toujours plus...

Excepté cette indigestion de chiffres très parcellaires, l’ouvrage de B. Dicale reprend largement les propos biographiques des nombreux livres abordant le sujet. Anecdotes cocasses, souvenirs endiablés de « l’extravagante épopée » émaillent son propos qui trace à grands traits le portrait du fondateur et de ses coreligionnaires : « En 1977, une bande de militants de la chanson nouvelle arrive dans une ville sans histoire... ». Là encore, si les événements et les rôles sont parfaitement respectés, la manière très vague de les présenter, rend peu crédibles les révélations annoncées. Ainsi, écrire que « Daniel Colling est l’inventeur du PDB » (p. 14-15) est quelque peu insultant pour tous ceux qui ont été de la partie. A commencer par Alain Meilland qui apparaît plus comme un chanteur anarcho, un rêveur à opposer au réalisme de Daniel Colling. « Colling n’est pas un artiste, ni vraiment un rêveur » précise B. Dicale qui semble reprendre avec moult précautions la présentation plus nette proposée par Pierre Favre et Christian Pirot en leur temps : « Le gestionnaire, l’entrepreneur - le Tapie - qui veut que cela marche, domine en lui. Le réaliste prend le dessus sur le rêveur, le show-bizman sur le soixante-huitard. L’homme (D. Colling) est ébranlé par l’individualisme forcené des artistes et déçu par le dépérissement du réseau associatif. » (Pirot-Favre, p. 134). Et même si le texte de « L’extravagante épopée » associe à son fondateur deux autres personnes (J.P. Moreau et Fr. Carré), cette phrase « Colling, Moreau et Carré inventent le Festival » laisse quelque peu rêveurs tous ceux qui ont connu le rôle majeur d’Alain Meilland.

Mais visiblement, M. Colling a la dent dure et semble n’avoir toujours pas pardonné à son ami chanteur anarcho de l’avoir quitté pour fonder un Centre Régional de la Chanson (unique véritable alternative à ce festival, alternative immédiatement perçue comme une menace par l’organisation du PDB...). Rappelons à M. Dicale certains propos qui firent très mal à l’époque : « Alain Meilland n’est à l’origine de rien. Ni du nom du PDB, ni de l’essence du PDB, ni des thèmes du festival, ni des idées, ni de l’organisation, ni même des créations Région ! » (Pirot-Favre, p. 226). Un propos d’une rare méchanceté qui n’est donc pas vraiment contredite par le texte de B. Dicale. Quelques lignes sur le Centre Régional de la Chanson créé par Meilland et des détails sur sa bio qui ne l’honorent pas vraiment...On rappelle ainsi son double jeu, écartelé entre la Maison de la Culture et le PDB, à un point tel qu’il dut créer en 1979 un Comité fantôme contre son directeur M. Dechico qui souhaitait reporter le festival d’une année...Une vérité, peut-être, mais combien d’oublis sur le rôle exact de Meilland qui tenta tant qu’il le put de résister à la commercialisation outrancière du Festival ? La médaille qu’il a reçu l’an passé n’y changera rien : la commercialisation est d’abord passée à l’époque par la Maison de la Culture de Bourges savamment maltraitée dans cette « extravagante épopée ». Présentée comme jalouse de l’événement, la vénérable institution en prend plein la poire : Dechico à nouveau ridiculisé après l’historique gifle morale de Guy Bedos, son remplaçant H. Massadau, pas vraiment mieux traité. Dicale rapporte en effet une anecdote croustillante sur l’arrivée de ce nouveau directeur persuadé que Colling et son équipe arnaquent la Maison de la culture : « Ces privés s’enrichissent indûment » (p. Dicale, p.58).... Comme peuvent le constater nos lecteurs : Bonjour l’ambiance de requin et ce, dès les années 80 !....Et justement, comme M. Dicale a adopté un plan chronologique pour son « Extravagante épopée... », nous allons nous-même tenter une contre-histoire respectant le même fleuve de la temporalité...charriant pas mal de cadavres idéologiques,il va sans dire !

1977-1981 : « Mettre à genoux les politiques locaux ! »

Dicale le rappelle à l’envi : les premiers PDB ont réussi à imposer la contestation d’un vieux système totalement bloqué si bien symbolisé par la société de la Droite giscardienne des années 70...ce qui explique d’emblée l’alliance du PDB avec le Parti communiste et le Parti socialiste que Dicale et M. Colling, fort ingrats, critiquent tout au long de leur nouvel ouvrage (par 3 fois, « L’extravagante épopée » répète l’accusation : « C’est paradoxalement de sa Gauche que le Printemps de Bourges subira pendant des années ses plus violentes attaques » - p.17, etc). Paradoxe évident : Meilland, Ferré, Béranger, Montant, Higelin...autant de grands chanteurs engagés qui vont permettre à l’organisation du PDB d’asseoir une Mythologie pour longtemps. Une véritable arme de combat qui démolira toutes les résistances de l’Institution, dont la première : la Maison de la Culture de Bourges. Le passage de Dicale racontant le ridicule de Massadau, nouveau directeur de la grande Maison est proprement ignoble, je cite (p. 58) : « Henri Masadau a accepté le festival avec son nouveau poste. Mais il a quand même une ou deux idées derrière la tête. Notamment, il est persuadé que (...) Colling et son équipe s’enrichissent indûment ». Massadau embauche un administrateur issu du théâtre populaire : Charles Robillard : « Ma première mission a été de flinguer le Printemps. J’ai épluché tous les comptes à la recherche de la malversation. Quand j’ai fini, je suis allé voir Massadau et je lui ai dit : « Il n’y a rien à leur reprocher. Et franchement, ils ne se payent pas assez cher » !!!! Or, que se passa-t-il ensuite ? Charles Robillard est débauché de la Maison de la Culture pour devenir l’administrateur du...PDB : système breveté Colling : acheter tous les dangers menaçant son organisation ! Car avec M. Robillard, la citadelle était prise ! Restaient les collectivités locales (Département et Région) à mettre à genoux...ce que Dicale décrit parfaitement dans son nouvel ouvrage.

Mais revenons aux fameuse « attaques paradoxales de la Gauche ». Journaliste au « Figaro », journal de Droite bien connu, il était certainement prévisible que Dicale charge la Gauche accusée de tous les maux contre le PDB. Reste à savoir pourquoi M. Colling, à quelques semaines des élections, a visiblement choisi son camp... Ses amis du Parti communiste et du Parti socialiste apprécieront ! Quoi qu’il en soit, Dicale indique laconiquement que le nouveau maire communiste Jacques Rimbaud « témoigne une véritable affection pour le festival » (...) « même si les couleurs du Printemps sont plus anarchisantes que franchement rouges » (p. 50) !! Là où Dicale se fout de nous, c’est qu’il refuse d’analyser les véritables raisons de ce soutien :

 d’abord, le P.C. a compris qu’il est débordé sur sa gauche et qu’il est donc impossible de critiquer cet événement de plus en plus populaire.

 ensuite, le P.C. utilise régulièrement le PDB pour distribuer gratuitement son organe de presse, soutien indéfectible et grand compagnon de route de Colling. Pour quelles raisons ? Dicale, pas plus que tous les autres « historiens » du P.D.B. n’osent avancer la moindre hypothèse excepté celle d’une stratégie politique...

Quant aux soutiens très financiers acquis grâce à Jack Lang - « le seul, l’unique vrai Ministre de la Culture après Malraux pour certains, grand fossoyeur des intellectuels affirment d’autres » - , Dicale reste très vague, si ce n’est en précisant la budgétisation énorme de l’Etat pour le PDB - selon la « Nouvelle République », je le répète : « Le Festival le plus subventionné de France » ! Encore une fois, Bertrand Dicale aurait pu aborder la stratégie de Jack Lang qui ancra définitivement les festivals de musique populaire pour mieux liquider les intellectuels français toujours emmerdants pour le Pouvoir. Dicale aurait dû lire les publications de Jean-François Bizot (fondateur de la revue « Actuel » et auteur d’un sublime livre : « Les déclassés ») ou de Guy Hocquenghem (« Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary ») ou plus nettement de Guy Debord (« La Société du spectacle ») ! Cela lui aurait permis de décrire comment le grand Jack Lang avec la complicité du PDB a réussi son coup afin de remplacer la pensée critique et les philosophes par des grandes messes populaires où les chanteurs sont désormais les seuls vecteurs de la pensée (un rôle écrasant que l’immense Léo Ferré en accord avec Alain Meilland refusaient et ce, au nom de leur conviction de rester des « Saltimbanques » !). Dicale clôt habilement le problème en citant Colling qui affirme avec un aplomb désarmant (p. 88) : « Chacun (Mairie, Etat, Conseil général, Région) a compris son rôle et ses intérêts et nous n’avons plus jamais parlé de politique depuis ». Cette phrase datant de 1985 devrait faire frissonner n’importe quel politique local ! Mais face à la toute puissance populaire du PDB, face à la masse des festivaliers, face aux menaces de quitter Bourges (le chapitre « A » Bourges ou « De » Bourges » est à cet égard lamentable, p. 80), tous les politiques de la Région, de la Droite à la Gauche, de la pire UMP au Parti Communiste : tout le monde se couche devant l’Empire depuis 1985...

Les années 90 : « Le malheureux retournement des Alternatifs »

« L’heureux retournement du temporel » aurait pu titrer Bertrand Dicale, pour mieux célébrer l’adéquation originelle du PDB avec ce soudain renouveau de la « Nouvelle-nouvelle chanson française engagée » (avec beaucoup de guillemets !). Car la césure des années 85-90 aurait pu être fatale à un PDB complètement dépassé par la vague rock alternatif. Et si « L’extravagante épopée » insiste sur le premier « Off » organisé par un collectif « Bonjour les hirondelles » en 1980, c’est pour mieux nous faire oublier le véritable « Off » menaçant, concocté courageusement par les alternatifs de Bourges, Garçons Bouchers à l’appui, dans une petite salle des fêtes de Saint-Germain-du-Puy, une bourgade avec une mairie communiste jouxtant l’orgueilleuse cité berruyère.

La contre-offensive de Colling fut brillante ! Dès l’année suivante, comme le souligne brièvement Dicale (sans citer une seule fois Emmetrop !!!), la soirée « Joyeux Merdier » était confiée aux alternatifs mais cette fois-ci dans le bercail très officiel du Printemps ! « Récupération ! » aurait dû écrire Dicale qui, sans aucune ironie, consacre un long passage de son livre sur les nouveaux programmateurs du PDB 1988 : Manu Baron, grand ami de la friche de Bourges puisque lui-même programmateur d’un autre lieu post-punk « L’Aéronef » de Lille...fut embauché par Colling lui-même ! Dicale, dans son long ouvrage, ne cite pas une seule fois Emmetrop pourtant désormais très lié aux sociétés satellites du PDB - : un oubli que l’on peut interpréter comme une marque de respect à l’égard des vaincus...Armé de ses nouveaux programmateurs alternatifs, on allait voir ce qu’on allait voir : non seulement Colling récupérait cette nouvelle contestation mais en outre, il mettait à genoux la seule association d’envergure capable de lutter contre ce festival devenu un immense appareil de la marchandisation culturelle...

Les années 2000 : « Récupérer, toujours récupérer ! »

Vous l’aurez sans doute constaté, B. Dicale dans son nouveau livre consacré au Printemps nous habitue à une forme nouvelle de procédé littéraire : l’ironie involontaire. Car titrer en haut des pages 170-171 : « L’Année des Têtes Raides » en fera pleurer plus d’un ! Comme le souligne fort bien B. Dicale, le PDB connaît en 2004 son premier « Conflit social ». Rappelez-vous : les revendications des intermittents du spectacle, les grèves, les manifs...les festivals annulés à la chaîne : Avignon, les Franco-Folies...Or, et c’est quand même fort de café, Dicale refuse de poser la question : quel est ce mystère pour que ce 27ème PDB ait été une Réussite complète en ayant échappé à l’annulation ??? Et notre rédacteur du « Figaro » nous livre la version officielle : Colling a rencontré les « Têtes Raides » à Paris pour conclure un « Avis de K.O. social » lors de ce PDB ! Un Printemps où toutes les revendications pourraient s’exprimer.

Attention, la contre-partie, le « deal » est simple : « A condition que mon festival ait bien lieu ! ». Dans ce passage, Dicale, au milieu d’une longue énumération d’événements contestataires, va même jusqu’à citer la radio FM éphèmère « Radio Biturige Cubi » sans aller jusqu’à préciser que le grand JMP de l’Agitateur tenait l’antenne avec Antoine Chao (ex Mano Negra et émission Là-bas si j’y suis sur France Inter) et les « Têtes raides » !!! On s’en rappelle encore : JMP et Antoine dénonçant « la mafia du PDB », la trahison des faux alternatifs de la friche berruyère... le tout béni par un Colling qui, définitivement, démontra cette année-là qu’il était bien le Roi de la récupération. Un art consommé qui lui fera dire lors de sa venue inopinée dans le studio improvisé (arrivée avec force photographes et bouteilles de champagne !) : « Après tout, le PDB est né de la contestation, voilà pourquoi je tiens à vous remercier de votre participation !... ».

Que dire enfin de titres ronflants du livre de Bertrand Dicale tels que : « Le Printemps invente la Mano Negra » (p. 98 : quelle prétention !!!!), d’encarts faussement révélateurs sur « Tam Tam France » p.139 : (une société autogérée ( !!) : la Cour des Comptes appréciera !), sur « le Printemps des Stands » p.26 (citons à cet égard l’excellente analyse de la « Nouvelle République » : « Ensuite, il y a les effets induits : les stands d’alimentation achètent leurs espaces 3.260 €, et les candidats sont nombreux : c’est très rentable ! »), « La Halle en fête totalement programmée par Colling » ( et Meilland dans tout ça ? ), le « débauchage de François Carré, régisseur de la Maison de la culture », « la démission de Meilland ne sachant pas choisir entre Prospective Chanson/Centre de la Chanson et PDB » (relisez « L’Autre chemin d’Alain Meilland » pour avoir une version moins romantique !), « la bataille des photos » (une version simpliste de la main mise autoritaire sur l’image du PDB !), p. 65 : « la venue de Bernard Faivre d’Arcier, fondateur du festival d’Avignon, véritable modèle pour Colling » (on croit rêver !! rappelons les propos de Favre et Pirot citant Colling, p. 189) : « Soit on s’ouvre au commerce et on ne touche pas à la politique du Printemps, soit on ne s’ouvre pas au commerce et on supprime les activités non rentables »...

Que dire d’ailleurs de l’absence de toutes critiques qui transforment ce nouveau livre sur le PDB en un outil auto-promotionnel de publicité ? Dans son article saluant la sortie de « L’extravagante épopée », « La « Nouvelle République » ne s’y trompe pas lorsqu’elle regrette l’absence de réflexions sur l’investissement du peuple de Bourges dans le festival. J’ai vainement cherché un passage final de remerciements citant les bénévoles, les correspondants, les techniciens de spectacle...Autant de détails qui n’ont pas compté aux yeux d’un journaliste parisien qui fait l’Histoire, la « Grande », de la chanson française...

Conclusion : un bilan artistique ?

Disons le franchement : le bilan artistique dans cet ouvrage hésite finalement entre justification des montages financiers et anecdotes choisies renvoyant à l’épopée... mais vraiment trop peu de propos sur les artistes, si ce ne sont les innombrables photos qui jalonnent l’ouvrage. Là encore, on répondra que si l’artistique y figure peu, c’est pour mieux refléter ce qu’est devenu cet événement : une usine à faire du profit. Rappelons tout de même que la presse locale (essentiellement la « N.R. » ) et la presse nationale s’en sont souvent courageusement émues. Ainsi, Jean-Claude Lévy dans le journal « Révolution » : « le PDB ? du bricolage inventif du début, de l’organisation artisanale et bon enfant où soufflait un vent frais venu du coeur, à s’éparpiller à l’excès jusqu’à en perdre son identité, à présenter un fourre-tout, une espèce d’hyper-marché, n’arrive-t-on pas à créer une nouvelle race de festivals aux contours incertains ? ».... « Le Point » : « Bourges revient au Show ce que le M.I.D.E.M. est au business. Tout se mélange l’artistique et l’économique »...« Paroles et Musique » : « On peut craindre une standardisation des spectacles au PDB et l’on se doit de dénoncer le terrorisme sonore »...

Reste que Dicale aura eu au moins le mérite d’écrire trois décennies d’histoire des musiques populaires, chronologie marquée par « le rêve d’un autre show-business », « l’avènement du rock », « le déferlement de la world music », « le Rap et l’électro » et finalement, « l’envolée de la nouvelle scène française ». En outre, on retiendra que Dicale explicite tout de même avec talent la stratégie imparable de son fondateur Daniel Colling. Une stratégie reposant sur la capacité à déléguer la programmation à de jeunes gens, débauchés de lieux branchés... mais une délégation absolue frisant parfois le désintérêt à l’égard de l’artistique que Bertrand Dicale aurait pu admettre... s’il avait enquêté un peu plus sur le terrain (principale critique de la « Nouvelle République »). Cela lui aurait peut-être permis de rencontrer un directeur de la culture locale qui n’en revient toujours pas de son étonnement après une discussion avec le fondateur du PDB et ce, à propos d’un jeune artiste africain programmé l’an passé sur la scène du Printemps. La réponse du grand fondateur fut cinglante : « Oh vous savez, cher ami, je ne sais même pas de quoi vous parlez ! ».

Une preuve supplémentaire et définitive qui nous fait conclure en accord avec de nombreux journalistes que le fondateur du PDB est bien « un meilleur gestionnaire qu’un passionné de musique » !

commentaires
Quand « Le Figaro » déshabille le Printemps - 31 mars 2007 à 20:19

Au fait, tout va bien pour les affaires : "Capleton" interdit de séjour de tous les festivals de France pour grave Homophobie....est programmé au "Printemps de Bourges" lors de la soirée Reggae le vendredi 20 avril prochain. Bon, on dira que pour faire du pognon, le PDB n’hésite devant rien...Allez sur le site de l’"Humanité" (www.humanite.fr/journal/2005-05-31/) : édifiant et lamentable : appels à flinguer des homos, et tout le toutim ! Si "Capleton" est bien programmé sur le PDB, il faut se mobiliser à Bourges pour éviter ça !!!! Que fait la Friche Emmetrop, partenaire du PDB depuiis longtemps et en même temps organisateur d’un festival homo à Bourges ??? Qu’attendent-ils pour rompre avec un festival qui n’hésite pas à programmer "Capleton" ?????


#6942
Quand « Le Figaro » déshabille le Printemps - babar - 27 mars 2007 à 13:30

Très bon article...très intéressant particulièrement quand on ne connait rien à la genèse de cet évènement.
Bravo et félicitations.
Babar


#6919
Quand « Le Figaro » déshabille le Printemps - 27 mars 2007 à 11:05

bon gestionnaire avec un quasi dépot de bilan comme résultat à un moment.... bon .... si vous voulez.....

bw


#6916
Quand « Le Figaro » déshabille le Printemps - 27 mars 2007 à  20:20

Ce n’est pas un quasi dépot de bilan, mais bien un réel dépot de bilan avec redressement judiciaire si je me souviens bien.

#6921 | Répond au message #6916
« Le Figaro » déshabille le Printemps ? ........................ c’est BEAU ......................tout NU .................... - XUEDOB - 27 mars 2007 à 01:48

<a href=http://img249.imageshack.us/img249/2015/pdbougressd2.jpg"

1 for the money, 2 for the show ............. !


#6914