Démocratie, j’écris ton nom
Il l’a promis, et il en a fait un axe fondamental de son programme électoral : Serge Lepeltier veut redonner un élan à la démocratie à Bourges.
Apparemment, les idées bouillonnent, des conseils de quartiers au développement des outils fournis par les nouvelles technologies. Il y a du travail : l’opposition se sent aujourd’hui réduite au silence, le P.R.U. s’est décidé rapidement sans que les habitants soient vraiment consultés, on boude le Hublot dans les quartiers Nord parce que les gens refusent des offres culturelles clés en main pensées pour eux, sans eux. Quant aux nouvelles technologies, les potentialités qu’elles ouvrent dans ce domaine demeurent pour l’instant très « virtuelles ».
Des propositions intéressantes, qui, on l’espère, ne resteront pas à l’état de promesses en cas de victoire aux municipales. Un dossier à suivre en tous cas.
Redonner un élan à la démocratie : concertation et nouvelles technologies
Une critique récurrente qui est formulée à votre encontre concerne votre sens de l’écoute et de la concertation. Il vous est reproché de prendre les décisions d’abord et de consulter ensuite. Qu’en pensez-vous ? Par rapport au Plan de Renouvellement Urbain (PRU) par exemple, et par rapport au projet Avaricum ?
Serge Lepeltier : Sur la critique elle même, je la conçois. Mais toute équipe municipale est, d’une façon ou d’une autre, confrontée à cela si l’on veut beaucoup avancer. On n’aura jamais autant fait de choses à Bourges que pendant ces deux derniers mandats. À un moment, si l’on veut faire des choses, on est obligé d’accélérer. Mais s’il y a un dossier sur lequel nous avons énormément consulté, c’est bien celui d’Avaricum. À partir de 2001, on s’est rendu compte techniquement que l’on ne pouvait pas réhabiliter. On est donc parti dans une concertation très longue pour savoir ce que l’on allait faire. On a pratiquement pris deux ans en réunions incessantes pour faire mûrir le dossier. La concertation, ce n’est pas prendre l’avis de l’autre. C’est avancer ensemble et mûrir un projet à partir des réactions des uns et des autres. Ensuite, la décision doit se prendre. Sur le PRU, la critique est plus légitime. Parce que les financements sont arrivés très vite. Imaginez 310 millions d’euros à dépenser en quatre ans ! Même si, en réalité, on va les dépenser en cinq ans. À titre de comparaison la ville de Bourges a investi dans son ensemble (routes, équipements, Conservatoire de Musique...) 30 millions d’euros pour 2008. Là, il nous tombe dix années d’investissements avec des délais très serrés ! Au départ, on a donc été obligés de prendre des décisions très rapides. Je peux vous dire que j’ai fait une réunion par groupe de cent logements. On a à l’OPAC environ 6000 logements. Comptez le nombre de réunions ! Ce qui ressortait, c’était l’état des immeubles. Il n’y avait pas d’autre solution que de casser et de refaire. Cependant, que cela ait heurté, et parfois même fait souffrir un certain nombre de personnes, je le conçois tout à fait. Si nous étions passés à des années de concertation, alors nous serions passés à côté du PRU. Et je pense que là, nous n’aurions pas fait notre boulot.
Quand vous mettez la démocratie au coeur de votre projet, c’est que vous avez conscience qu’il y a quand même quelque chose à travailler de ce côté ?
Serge Lepeltier : Oui. Je veux faire de ce mandat quelque chose de très innovant sur le plan de la démocratie. On a un problème en France à ce niveau. Lorsque vous faites une concertation dans un quartier, vous avez toujours les mêmes personnes face à vous : les trente personnes qui sont responsables du comité de ceci ou de cela. La question est de savoir s’ils représentent vraiment les habitants. C’est le vrai sujet de la démocratie directe. Comment est-ce que l’on fait ? Je souhaite innover, essayer de trouver des solutions. Je n’hésite pas à dire que quand Ségolène Royal a parlé de ce qui est apparu comme des jury populaires – ce qui n’était quand même pas tout à fait l’idée exprimée – elle posait un vrai problème de représentativité dans notre pays. Les élus se retrouvent face aux suffrages tous les six ans et on ne peut pas considérer qu’ils sont les détenteurs de toute la légitimité en terme de représentativité. Il faut autre chose. Je veux trouver au cours des six prochaines années, des solutions. Alors j’en ai déjà quelques unes avec la création de Conseils de Quartiers composés d’habitants. Nous sommes en train de réfléchir sur la manière de les constituer. Voyez les Conseils de Développement à l’Agglomération : cela fonctionne difficilement, parce qu’il n’y a jamais les mêmes représentants associatifs et que les dossiers ne sont donc pas bien suivis. Ces gens sont représentatifs de leurs associations respectives. Je pense qu’il est très important que l’on soit face à des personnes qui puissent être représentatives d’elles-mêmes. J’ai également l’idée d’un grand forum social par an. J’ai connu Porto Alegre. J’ai vu, durant cinq années consécutives comment cela fonctionnait. Il y a des choses qui en ressortent. On verra sous quelle forme nous organiserons ces forums. Mais je veux cela. Autre chose : les associations me demandent des forums par quartiers parce qu’elles veulent trouver la proximité avec l’habitant et estiment que le Forum des Associations n’est pas suffisant. Je ferai cela également. Je suis également en train de travailler sur la recherche autour de l’utilisation des nouvelles technologies pour poser des questions à la population sur un certain nombre de sujets, filmer les conseils municipaux par internet. Nous travaillons actuellement là-dessus.
Il y a eu un papier dans Le Monde du 8 janvier 2008 qui reprochait aux hommes politiques d’utiliser le web comme un moyen de propagande classique, et de ne pas utiliser les outils dynamiques qui existent et qui permettraient un échange réel.
Serge Lepeltier : C’est tout à fait juste. Mais il faut le temps de mettre en place tout cela. Ce que ces Messieurs du Monde et vous-même ne mesurez pas, c’est que nous avons des équipes de bénévoles qui sont prises également par la distribution dans les boites aux lettres et un certain nombre de choses. On me fait passer les réactions des internautes sur mon site et mon blog de campagne pour que je valide ou non les messages, car nous ne sommes pas dans un site interactif complet. Le temps que cela passe par moi, il y a une perte de temps inévitable.
Vous pourriez déléguer cela ?
Serge Lepeltier : Nous sommes en campagne municipale. C’est un site dont je suis responsable. Je suis donc quand même obligé de valider personnellement. Et puis, les municipales ne sont quand même pas la bonne période pour que l’on utilise nos outils pour faire dire des choses négatives sur nous.
Pourtant, sur votre site, n’incitez-vous pas les internautes à « parler sans tabou » ?
Serge Lepeltier : Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’on utilise les nouvelles technologies comme un outil de communication habituelle positive. Mon point de vue, c’est que hors période électorale, il faut que l’on parvienne à aboutir à des choses beaucoup plus fortes. Mon constat est que cela reste aujourd’hui assez confidentiel. Regardez les blogs. Je ne suis pas en capacité chaque matin de faire un blog. C’est aussi une question de réactivité personnelle. Chaque matin, je n’ai pas forcément le truc. Je rédige environ deux contributions par semaine. Cela a intéressé un petit peu au début, mais au bout d’une semaine, plus personne n’y va. Cela reste quand même par rapport à la presse écrite et par rapport à France 3, assez confidentiel. On va voir comment cela va évoluer. Mais je n’ai pas envie d’aller voir chaque matin ce que monsieur Tartempion pense de la journée de la veille. Le système du blog m’a beaucoup intéressé au départ, mais maintenant, cela m’use un peu. Je ne vais pas passer mon temps là-dessus.
Si on laisse les gens réagir sur le blog, si on prend des risques, à ce moment cela devient vivant. Si la communication ne va que dans un sens, il est certain que les gens se lassent.
Serge Lepeltier : J’ai validé récemment un certain nombre d’avis qui ne sont pas forcément positifs. Mais il faut comprendre que l’on est en période électorale. J’ai conscience que par la suite, il faut que l’on aille beaucoup plus loin. Ce qui est vrai, c’est que l’on n’est pas assez interactif.
Il y avait un slogan il y a quelques années : « Bourges, ville de l’internet ». Qu’en est-il aujourd’hui ?
Serge Lepeltier : Je ne crois pas sincèrement qu’aujourd’hui Bourges soit davantage une ville de l’internet qu’une autre ville. L’une des plus belles villes dans ce domaine, c’est Issy-les-Moulineaux (NDLR : où L’Agitateur a jusqu’à assez récemment été conçu). Le maire a fait énormément de choses dans ce domaine, il a filmé les Conseils Municipaux, bref, il a été un précurseur. Internet est rentré complètement dans notre vie quotidienne. Cela n’a donc pas beaucoup de sens de dire « ville internet plus qu’une autre ». Par contre, on doit faire en sorte que toute la population ait accès à internet. On va s’y attaquer dans ce troisième mandat, plus fortement qu’on l’a fait jusqu’à présent.
Avez-vous pensé à développer par exemple le Wi-Fi sur les aires publiques ?
Serge Lepeltier : Oui, nous réfléchissons à cela. Par exemple, au Parc Saint-Paul, lorsqu’il y a des foires-expos ou autres, les commerçants n’ont pas accès à internet. Donc il faut que l’on ait du Wi-Fi partout. Mais nous avons aussi pensé à des échanges, à de l’interactivité où la ville soit beaucoup plus impliquée. C’est-à-dire que l’on ait des forums permanents sur différents sujets. Il y a néanmoins deux problèmes par rapport à cela. Il faut que ce soit sécurisé pour qu’il n’y ait pas de manipulation possible. Je l’avais dit au Berry Républicain lorsqu’ils faisaient des sondages en ligne : nos militants manipulaient les réponses comme pas possible ! J’avais dit au Berry Républicain : « vous êtes porteur d’une crédibilité quand vous sortez le résultat d’un sondage, faites attention ».
Est-ce que vous comptez aussi développer des services sur le site de la ville de Bourges, qui est un site « ancienne manière », un site vitrine ?
Serge Lepeltier : J’allais vous dire tout de même que notre site a été considéré longtemps comme un très beau site. On l’a fait évoluer récemment. Moi je suis dans l’idée qu’il faut en permanence évoluer. Et vous mettez le doigt certainement sur quelque chose d’important, concernant les services de la ville qui peuvent être mis à la disposition des usagers sur internet ; nous travaillons dans ce sens.
En 2002, Aurélien Sallé voulait créer une élite de la sécurité informatique en France, voire en Europe. Est-ce qu’il y a un projet qui est en cours.
Serge Lepeltier : C’était au départ l’idée de la fameuse école internet qui est devenue une formation supérieure en terme de sécurité. Avec l’ENSI formations informatiques, on est vraiment là-dedans.
Aurélien Sallé voulait vraiment créer une formation spécifique ...
Serge Lepeltier : A l’ENSI vous avez deux filières, la filière risque et la filière informatique, qui est vraiment là-dessus.
Elle ne s’est pas développée ...
Serge Lepeltier : Oui, elle est moins développée que la filière risque. Mais on est quand même pointus. En terme de formation, on a travaillé à sa mise en place, en liaison avec Yann Galut, à l’époque.
Est-ce que vous êtes sensibilisé au logiciel libre ?
Serge Lepeltier : À titre personnel, pas tellement, je l’avoue. Je demande conseil dans ce domaine à mes services. J’avoue avoir peu investi intellectuellement sur cette question, personnellement.
Il y a de très bons articles dans l’Agitateur, et très pédagogiques ...
Serge Lepeltier : Ça me ferait peut-être du bien de les lire ... rires ... Ce que je sais c’est que nous, ici, nous sommes tenus à des précautions de sécurité juridique extrêmement importantes, parce que nous sommes des services municipaux et des services publics. Nous sommes tenus à l’achat de licences, avec derrière, si nous ne le faisions pas, des responsabilités concernant les personnels de la mairie qui les utilisent, mais aussi le Maire. Sachez que les licences nous coûtent cher.
Raison de plus pour passer au logiciel libre. De nombreux décideurs professionnels, dans l’industrie et les administrations ont sauté le pas. Les usines Peugeot cet été, l’assemblée nationale, la gendarmerie ... Le paysage a complétement changé en 2, 3 ans, concernant le logiciel libre, ses performances, sa simplicité d’utilisation ...
Serge Lepeltier : Sachez que l’on a complètement structuré notre service informatique. Nous avons fait faire un audit complet pour avoir un vrai projet en terme de système d’informations, et on est en train d’appliquer scrupuleusement les recommandations de cet audit, en restructurant notre personnel, nos équipements.
Des logiciels libres, comme OpenOffice.org remplacent avantageusement Microsoft Word, ils sont plus fiables, et en plus ils sont gratuits ...
Serge Lepeltier : Oui mais sachez que nous sommes obligés de nous couvrir, en ce qui concerne les licences
Mais vous êtes couvert. La licence GPL est une licence tout à fait fiable sur le plan juridique.
Serge Lepeltier : Il n’y a pas de soucis ?
Aucun. Non ensuite, le problème, c’est de « convertir » le personnel. Ça change certaines petites habitudes, et donc il y a un travail de communication et de formation derrière, à destination des utilisateurs.
Redonner un élan à la démocratie : laisser la parole à l’opposition, se mettre à l’écoute des usagers
Est-ce que vous allez enfin accorder une petite place dans le journal municipal à votre opposition, si vous êtes élu ?
Serge Lepeltier : rires ... Je précise que je la leur ai accordée, mais qu’ils n’ont pas voulu la prendre. Ils ne l’ont pas souhaité. C’est leur droit. Je considère que les Nouvelles de Bourges ne sont pas un journal de propagande. Dans les Nouvelles de Bourges, ce sont les projets de la ville, les services de la ville qui sont mis en avant, mais pas particulièrement les élus, hormis l’éditorial du Maire. Je ne veux pas, par une participation forte politique et seulement politique de l’opposition, que ce journal apparaisse comme un journal de propagande. Je suis très vigilant là-dessus. Néanmoins, je crois qu’on ne peut pas en rester là. Il faut qu’on trouve une formule. Aussitôt après l’élection, j’en discuterai avec eux pour essayer de trouver un accord.
Pour quelles raisons avez vous refusé ?
Serge Lepeltier : Je n’ai pas refusé. Il y avait une demi-page avec l’interview d’un élu. J’ai proposé à l’opposition d’y figurer. Ils ont refusé. Si j’ai refusé ce qu’ils demandaient, c’était pour ne pas donner ce caractère politicien aux Nouvelles de Bourges. Je veux que ces Nouvelles de Bourges soient d’abord le journal de la ville, pas forcément le journal des élus.
La concertation, c’est aussi le problème du Hublot. Vous aviez au départ souhaité associer les associations à la programmation, à l’utilisation de la salle, et puis vous avez eu un revirement et soudain, vous avez laissé la gestion de la salle à l’Agence Culturelle. Pourquoi ne pas avoir fait confiance aux associations ?
Serge Lepeltier : Quand on regarde l’évolution des structures de gestion des équipements municipaux, on constate quoi ? Les MJC par exemple étaient gérées par des associations. Progressivement, les associations se sont trouvées confrontées à des problèmes majeurs de gestion pure, et de gestion de problèmes de délinquance. Si bien que, dans les quartiers, on est passé progressivement à une gestion municipale. Les PRJ, ce n’est pas moi qui les ai montées au départ. Et les PRJ, c’est l’opposition totale aux MJC. Progressivement, ces équipements sont pris en otage par une partie de la population, en particulier les jeunes, et à partir de ce moment là, les associations ne peuvent plus rien gérer. La vraie raison, elle est celle-là. Il y en a une deuxième : je voulais que le Hublot soit l’équipement de toute la ville, et que l’ensemble des berruyers aillent au Hublot. Et vous remarquez que quand un équipement est géré par des associations de quartiers, il reste l’équipement du quartier, et à ce moment-là, on est dans le phénomène du ghetto. J’ai voulu essayer d’apporter des spectacles, des fonctionnements, qui soient proposés par la ville - en particulier bien sûr aux habitants du quartier - , mais aussi à l’ensemble de la ville.
Le système ne fonctionne pas très bien quand même. Il n’y a pas beaucoup de spectateurs ...
Serge Lepeltier : Si si, il fonctionne bien.
Les dernières fois que j’y suis allé, il y avait peut-être une trentaine de personnes dans la salle ...
Serge Lepeltier : Il monte progressivement en puissance ; on est à peu près en moyenne en taux d’occupation à une centaine de personnes par spectacle. Je parle des spectacles Agence Culturelle. C’est un peu plus si l’on englobe les spectacles des associations. C’est un très bon résultat, pour une salle qui accueille 220 personnes. Je vous rappelle quand je suis arrivé maire de Bourges, qu’à la Maison de la Culture - qui coûte dix fois plus cher, les spectacles avec vingt personnes dans la salle n’étaient pas rares. C’est moi qui ai beaucoup défendu l’idée du dimanche après-midi, parce que je suis un spectateur des spectacles « en matinée ». Vous avez des gens qui viennent pratiquement tous les dimanches après-midi de l’ensemble du département, parce que il y a une autre offre.
Vous n’avez pas le sentiment que la salle est néanmoins sous-exploitée ?
Serge Lepeltier : Elle n’est pas sous-exploitée en moyenne. Ce que je voulais, c’était la montée en puissance d’une autre offre, sans le phénomène de la ghettoïsation. Et on voit que l’offre commence à avancer.
Sans parler de ghettoisation, est-ce qu’on ne pouvait pas imaginer des procédures qui impliquent plus la population du quartier. Là, on a l’impression que c’est quelque chose qui est apporté de l’extérieur ...
Serge Lepeltier : De quelle population du quartier parlez-vous ? Quand vous avez des associations qui gèrent ce type d’équipement, vous avez à chaque fois cinquante spectateurs qui sont toujours les mêmes, qui ne sont absolument pas les populations irriguant le quartier. C’est ça le problème. Notre problème, il est de toucher la population vraiment, c’est à dire en fait de la sortir de la télévision pour la faire venir à un spectacle. C’est ça le truc compliqué.
J’ai eu l’impression que les gens recevaient ça comme quelque chose qui vient de l’extérieur. On pensait pour eux une solution culturelle, on la leur apportait dans un « package » tout-fait, mais finalement, n’aurait-on pas eu plus de succès pour atteindre les objectifs que vous déclinez si on avait imaginé des procédures pour impliquer la population dans le projet ?
Serge Lepeltier : Aujourd’hui, on a auprès de l’Agence Culturelle un comité de programmation, et l’idée, si vous voulez, de proposer ces hivernales, ces spectacles basés sur l’humour, c’est l’idée de proposer des spectacles de qualité qui soient accessibles. On n’est pas dans le spectacle élitiste où l’on va vous raconter que tout est beau ... et finalement tout le monde s’ennuie en dormant dans la salle. Moi, je ne veux pas de ça. La question, qui est très difficile, c’est comment toucher l’ensemble de la population. Mais il n’y a pas que celle des quartiers. C’est une question globale. Est-ce que la Maison de la Culture touche l’ensemble de la population de Bourges ? Ma conviction aujourd’hui, au vu de ce qui se passe (on aurait pu se tromper) c’est que le Hublot existe, dans sa programmation et dans sa vie, et la population des quartiers concernés est plutôt fière de ça.
C’est un vrai choix politique que nous avons fait. Je l’assume complètement. On pouvait donner l’outil, et puis ... Là, je n’ai pas voulu.
Vous n’avez pas également créé une équipe technique spécifique ?
Serge Lepeltier : Non. L’idée, c’est la mutualisation des moyens en personnels techniques. On a plusieurs équipements : Jacques-Coeur, le Hublot, et l’Auditorium. On a voulu créer une équipe plutôt polyvalente, plutôt que des équipes dédiées.
Ça pose un problème à partir du 21 juin, avec Un été à Bourges. La salle est fermée ...
Serge Lepeltier : Mais ça aussi c’est un choix qu’on a fait. On ne peut pas créer des structures en les faisant fonctionner toute l’année de A jusqu’à Z. On tombe dans des problèmes de fonctionnements majeurs. La MCB est fermée l’été, parce que les gens prennent des vacances. On ne peut pas avoir dans tous les quartiers à tous les moments de l’année une offre culturelle. Ce n’est pas possible pour des raisons de coût et de fonctionnement. Pour la période estivale, il y a Un été à Bourges : on ne peut pas se faire de la concurrence à nous-mêmes !
Au mois je juin, il y avait les Rencontres El Qantara, et justement, on a rencontré ce souci de voir les salles fermées.
Serge Lepeltier : Ecoutez, El Qantara, par combat politique, n’a jamais voulu rentrer dans les dates qu’on proposait. El Qantara, s’ils veulent faire, ils feront. El Qantara, ils sont partis du principe de s’opposer et de ne pas rentrer dans le jeu.
Non ...
Serge Lepeltier : A un moment donné un peu quand même.
Ils font quand même un travail remarquable El Qantara.
Serge Lepeltier : Ecoutez je considère aussi qu’ils font un travail remarquable, en plus je suis un amoureux de la musique arabo-andalouse. Mais, qu’on rentre un peu en discussion ouverte. On a vraiment eu l’impression que les dates proposées étaient celles qui ne marchaient pas.
Les rencontres El Qantara, c’est justement le moment où ça ferme. En dehors de ces dates là, ils n’avaient pas besoin de la salle.
Serge Lepeltier : On peut peut-être évoluer dans les dates. Est-ce que les rencontres El Qantara doivent systématiquement tomber au moment où le Hublot est fermé ? J’inverse la charge de la preuve.
L’objectif, c’était de faire un événement après le Printemps de Bourges et à la fin de la saison culturelle de la MCB.
Serge Lepeltier : Je vous donne la réponse : trouvons les dates ensemble. Mais à partir du 21 juin, on a Un été à Bourges, et nos équipes sont extrêmement mobilisées. Mais je suis entièrement d’accord, il faut qu’on trouve un compromis, si on peut dire, sur les dates.
C’est vrai que l’été, les quartiers nord ne sont pas vivants du tout.
Serge Lepeltier : Je me méfie beaucoup de ces offres dispersées. Je veux qu’il y ait une participation de l’ensemble de la ville à un certain nombre d’événements culturels. Le Printemps, il y a une unité de lieu. Les gens ont envie de venir sur le Printemps, en ville. Cette année, je crois qu’ils arrêtent la dispersion sur le département. C’est pareil pour le 14 juillet. Le 14 juillet, c’est un feu d’artifice dans la ville normalement. Mais on a le feu d’artifice d’Asnières, le feu d’artifice de la plaine du Moulon ... pour moi, la notion de ville est très importante. Le 14 juillet, ce doit être d’abord le feu d’artifice de la ville de Bourges. Un été à Bourges, c’est la culture l’été, à Bourges. Et en plus on s’approprie les lieux.
On a le sentiment que Bourges nord ne se sent pas concerné par Un été à Bourges
Serge Lepeltier : Pourtant je vous assure que quand on voit ce qui se passe au Pré Fichaux le soir, avec une musique jazz etc., une programmation qui devrait intéresser (et en plus on n’est pas loin de Bourges nord) ... vous savez ... ce n’est pas évident de faire sortir les gens de chez eux.
Justement la réussite, ce n’est pas forcément remplir de grosses salles, mais de faire venir aux spectacles des gens qui d’habitude ne sortent pas.
Serge Lepeltier : C’est vrai. Et je retiens ce que vous me dites sur les rencontres El Qantara. Vous les faites où actuellement ?
On le fait dans différentes salles, dans des églises, au CREPS ... On a fait la salle du duc Jean. Mais sur Bourges nord, on a eu énormément de difficultés à trouver des salles.
Faut-il remunicipaliser certains services publics ?
À propos du « Village de Noël », pourquoi la société Coulisse, qui gère toutes les salles de spectacles ...
Serge Lepeltier : Toutes les salles de spectacles, c’est une délégation de service public. Les délégations de service public sur les salles et sur les équipements, ce n’est pas du tout évident de trouver des sociétés qui le font. Le marché lui-même est global, pour des raisons de fonctionnement et de facilité, disons le très clairement. Donc là-dessus, il n’y aura qu’une société qui gérera l’ensemble, parce que c’est un fonctionnement qui doit être quand même cohérent.
Sur le Noël, le Village de Noël, c’est tout simplement parce que c’est Colling qui nous l’a proposé, et que ce type de professionnalisme, il n’existe pas beaucoup dans la ville.
Il y avait le Noël de la rue Bourbonnoux ...
Serge Lepeltier :C’est un Noël associatif qui n’a rien à voir. Dans le village de Noël de Colling, si vous voulez, l’intérêt c’est le professionnalisme. Si vous voulez atteindre une qualité comme celle du Noël – c’est les Noël alsaciens au fond qu’on essaie de copier – des associations ne peuvent pas prendre ça en charge. Le risque est trop grand. Je suis désolé de vous dire ça, mais ça ne peut être que des sociétés spécialisées qui peuvent faire ça.
Ça a quand même un côté très commercial ...
Serge Lepeltier : Bien sûr ça a un côté commercial.
Ce qui choque c’est de déléguer à des entreprises privées des missions de service public.
Serge Lepeltier : C’est la notion même de délégation de service public.
L’opposition justement propose une remunicipalisation
Serge Lepeltier : Remunicipaliser quoi ?
Sur les dossiers de la culture, mais d’autres encore.
Serge Lepeltier : Quand l’opposition était dans la majorité, je peux vous dire que beaucoup de choses étaient en délégations de service public. Les ordures ménagères, ils auraient pu les municipaliser. Les transports publics, ils auraient pu les municipaliser. Ils ne l’ont pas fait. C’est qu’ils devaient considérer que la gestion était peut-être plus facile en délégation de service public. Là, ce n’est pas le village de Noël, c’est quelque chose de plus important.
S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’il y a une gestion, un fonctionnement qui n’est pas forcément simple.
Mais enfin, le républicain que vous êtes entend le reproche – c’est un peu d’ailleurs une tendance de notre société, qui va au-delà des clivages politiques
Serge Lepeltier : La notion de délégation de services publics est extraordinairement française. C’est une gestion du service public par des entreprises privées. C’est exactement ce que l’on a pour les ordures ménagères. Moi je suis un pragmatique. Si on me démontre qu’on est capable de faire un village de Noël, nous mêmes, au même prix, je suis tout à fait d’accord. La question, c’est que nous avons nous géré les fêtes de Noël, on l’a fait. On a fait trois Noëls européens, qui ont remarquablement marché, avec subventions européennes, etc. Tant qu’on a eu de l’argent, ça a marché. Je me souviens : on avait fait venir l’un des grands responsables des associations de commerçants ... on a fait une grande réunion au Palais d’Auron avec les associations et les commerçants. Nous étions au mois de juin ou juillet et Andrée Depont, à l’époque adjointe, disait « comment est-ce qu’on peut organiser le noël prochain alors que les commerçants n’ont pas encore commencé à donner un euro » (ce devait être un franc à l’époque) et se plaçaient dans une position d’attente. Les gens disaient « ben on attend de voir le programme » ! Et j’ai dit « écoutez, cela fait trois Noëls Européens que l’on fait, qui sont un succès fantastique et vous attendez de voir le programme ? Comment est-ce que l’on fait si vous ne nous faites pas confiance ? » Le problème avec ce système est là : on attend et au bout du compte, on donne peu d’argent. C’est là où il faut un vrai professionnalisme derrière. Nous, collectivités, on sait faire quand on met beaucoup d’argent... et à l’époque cela coûtait beaucoup plus de 50.000 euros. Aujourd’hui, je sais ce que cela coûte. Cela coûte 50.000 euros. Et on en reste là. Je suis un pragmatique. Sur ce plan, c’est l’affaire des spécialistes. Je n’ai pas en interne les équipes pour le faire. J’ai mis en place un certain nombre de chose : un été à Bourges, le feu d’artifice à Noël... ça je sais faire. Mais je ne sais pas organiser et on n’a pas les équipes pour organiser un village de Noël. Du coup, on délègue. Autre exemple : on a les équipes pour gérer de l’eau. Je suis un pragmatique : je ne déléguerai pas l’eau. Ça fonctionne bien, les berruyers payent leur eau à un prix très correct sans gestion privée et en plus je reprends des délégations de service public gérées par des entreprises privées que nous passons en régie municipale. C’est le cas pour une municipalité comme celle de Saint Germain du Puy.
Oui, c’est très bien ça ! (rires)
Serge Lepeltier : C’est moi, Président de l’agglo qui la passe en régime public ! Je suis un pragmatique sur ce point. On sait faire ou on ne sait pas faire.
(A suivre...)