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Le XXIème siècle commence à Fukushima - bombix - 28 avril 2011 à 20:56

Il faut malheureusement une catastrophe pour que les citoyens ou plutôt "les gens" se réveillent. Le problème, c’est que le soufflet retombe vite et les conclusions ne sont pas tirées pour autant.

Oui. Ce problème de la temporalité de la catastrophe nucléaire est essentiel. La catastrophe nucléaire n’est pas « ici » et « maintenant », elle est catastrophe continuée. D’où le très important problème de la mémoire. Je recommande vraiment le film de Alain de Halleux, Tchernobyl for ever, qui est très éclairant et très inquiétant sur la question. Surtout dans une modernité qui fonctionne à l’oubli systématique, dont le présent dévore le passé à une vitesse folle. La mémoire est une fonction vitale, même pour les vivants les plus rudimentaires. Elle ne peut devenir une injonction morale (le fameux "devoir de mémoire") que dans un milieu qui est comme "hors sol" d’avec la vie. C’est le cas de notre univers hyper-technicisé. La conjonction de cette mémoire oublieuse et de périls qui la requièrent pourtant impérativement pour être conjurés, comme le péril nucléaire, est sans doute une raison supplémentaire, un nouveau motif d’inquiétude, d’autant que les pouvoirs n’ont aucun intérêt à soutenir et réactiver cette mémoire.

Là il y a une vraie intervention « citoyenne » (j’aime pas vraiment ce mot, mais bon) à mettre en place. Et il ne faut pas trop compter sur les partis et les organisations politiques, même dits écologistes. Je suis sidéré par exemple en constatant l’énergie déployée par EELV 18 pour les élections cantonales (nous recevions des mails plusieurs fois par semaines à la rédaction de l’Agitateur), et par comparaison leur mutisme depuis Fukushima. Leur page sur le Japon nucléaire s’arrête toujours à 2007. C’est ça être écologiste ? Se battre pour un strapontin au Conseil Général du Cher, et fermer sa gueule quand la plus grande catastrophe environnementale se déclenche et que tous les organes de propagande du pouvoir minimisent le problème ou mentent sur la question ?

Quelque part, même si la thèse de cet article est inquiétante, il serait bon que la conscience que le XXIème siècle commence à Fukushila (avec tout ce que cela implique) soit partagée par le plus grand nombre. Cela voudrait dire que l’on a une chance d’éviter beaucoup de catastrophes ou du moins d’éviter beaucoup de difficultés prévisibles.

Mettre l’accent sur la catastrophe, ce n’est pas faire du catastrophisme, c’est à dire verser dans une sorte de délectation morbide devant l’imminence d’une espèce d’apocalypse. Encore une fois, je renvoie à JP Dupuis. Il s’agit de rendre présente à la pensée la possibilité de la catastrophe, justement pour que la catastrophe ne se produise pas. Pour que ça fonctionne, la catastrophe doit être conçue comme à la fois nécessaire et improbable. Or le discours habituel est plutôt l’inverse : improbable, donc non nécessaire. Pour concevoir un événement nécessaire et improbable, il faut casser nos habitudes logiques. Comme le dit encore Dupuis, « l’obstacle majeur au sursaut devant les menaces qui pèsent sur l’avenir de l’humanité est d’ordre conceptuel. Nous avons acquis les moyens de détruire la planète et nous n’avons pas changé nos façons de penser. »

Il faut anticiper, pour réagir. Il faut donc faire en quelque sorte que l’avenir soit cause du présent, pour que ce ne soit pas cet avenir-là précisément qui advienne. Il y a besoin d’imagination, de détermination et de volonté. Et la première des volontés : une volonté de vérité.


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