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2025, sur un malentendu, ça peut marcher... - epujsv - 8 janvier 2025 à 21:56

« Quand on se noie, on s’accroche à une brindille. »
Journal de bord de Gaza 68
28 décembre 2024
Rami Abou Jamous,
Orient XXI, 3 janvier 2025, en accès libre
Extraits :

"L’humeur générale, ces temps-ci, est à l’optimisme. Les gens veulent croire qu’un cessez-le-feu est proche. Et je les comprends. Ils ont tellement envie que la guerre s’arrête. Ils s’appuient sur les déclarations de Trump, qui a dit que ce serait l’enfer si la guerre ne s’arrêtait pas. On les voit comme un message adressé aux Palestiniens, et spécialement au Hamas, mais aussi à Nétanyahou.

[...]

" Après cette guerre, si des journalistes étrangers entrent dans la bande de Gaza, ils verront de leurs yeux ce qui s’est passé. Même les images épouvantables que nous arrivons à faire sortir de Gaza ne donnent pas une idée de la catastrophe que nous sommes en train de vivre, de ce que nous avons vécu, de la dimension des tueries. Ni de l’éventail des techniques de mort déployées contre nous par Israël. Après la guerre, on verra comment les Israéliens ont testé contre nous tout l’arsenal possible. On découvrira de nouvelles armes dont on n’avait jamais entendu parler auparavant. Ils ont testé leur système d’intelligence artificielle. C’est elle qui choisit la cible. Donc il y a plus d’humanité. Ce sont seulement des robots qui décident là où il faut frapper. Celui qui appuie sur le bouton est aussi devenu un robot. Nous servons de cobayes pour ces armes qui seront présentées dans les salons d’armement comme « testées sur le terrain »."

[...]

"Quand une famille entière est écrasée sous les décombres de sa maison, il se trouve des Gazaouis pour dire : « il devait y avoir un type du Hamas dans cette maison. Mais pourquoi est-il allé voir sa famille ? » Et quand les gens disent « un type du Hamas », cela veut dire aussi bien un membre de la branche militaire que de la branche politique, ou même un partisan du mouvement. Les Israéliens suivent l’homme qu’ils ciblent avec des drones, par les téléphones portables, par tous les moyens d’une technologie surpuissante. Ils pourraient l’éliminer quand il est seul. Mais ils attendent le moment où il arrive dans sa famille, dans une école, dans un hôpital, dans un camp de réfugiés."

[...]

"Et vous verrez que ces horreurs seront révélées par les Israéliens eux-mêmes. Aujourd’hui, ils sont dans l’adrénaline de la guerre, ils subissent l’effet de groupe qui les prive de leur conscience. Certes, beaucoup d’entre eux n’ont aucune pitié. Mais je suis sûr que d’autres sont restés des êtres humains. Cela s’est déjà passé après la guerre de 2014, quand l’ONG israélienne Breaking the Silence a publié des témoignages de soldats décrivant les atrocités qu’ils avaient vues ou commises eux-mêmes. Et l’on verra la même chose, en beaucoup plus grande. La guerre de 2014, c’était à peu près 10 % de ce que l’on vit aujourd’hui. Certains soldats ont commencé à parler. D’autres refusent de retourner à Gaza, parce qu’ils ont peur, mais aussi parce qu’ils sont restés des êtres humains. Nombre d’entre eux auront du mal à vivre avec le fardeau de ces monstruosités. On peut sans doute s’attendre à des suicides, comme cela se produit souvent dans de pareilles circonstances. Ces soldats savent ce que leur armée, aux ordres d’un gouvernement d’extrême droite, est en train de faire : un nettoyage ethnique dans le vrai sens du mot, un génocide. Ou, comme je l’ai déjà dit, un « gazacide », ce mot que j’ai inventé pour tenter de traduire l’aspect inédit des tueries et des destructions que nous sommes en train de vivre : un génocide « spécial Gaza », réservé aux Palestiniens de Gaza."

[...]

"J’espère que tous ceux qui défendent systématiquement Israël retrouveront leur humanité, et qu’ils sortiront du déni. Je ne leur demande pas de « condamner », ce n’est qu’un mot, et il faut des actes : arrêter la guerre, juger les chefs militaires et les politiciens qui leur ont ordonné de tout détruire, et de tuer le plus possible, pour qu’à la fin les habitants quittent en masse la bande de Gaza, ce qui sera présenté par les Israéliens comme des « départs volontaires ». On te tue, on te déplace sans cesse, on fait de ta vie un enfer, et puis on te dit « si tu veux partir, tu peux. Ce sera ta décision ». En niant une fois de plus la réalité, les Israéliens voudront ainsi éviter au monde la honte d’avoir vu un génocide en direct, 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Et personne n’a bougé. De toute façon, la vraie solution reste la même : un État palestinien, qui vivra en paix avec Israël."


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