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2025, sur un malentendu, ça peut marcher... - epujsv - 8 janvier 2025 à 22:50

Début de la préface de " Que ma mort apporte l’espoir - Poèmes de gaza " Collection Orient XXI, Editions Libertalia, 2024
Sélection, traduction et préface de Nada Yafi, postface de Karim Kattan

" Octobre 1996. Il y a de cela près de trente ans. Le président Chirac, en visite dans les territoires palestiniens dans le cadre de sa tournée moyen-orientale, s’était arrêté dans la ville de Gaza. L’interprète officielle du président pour la langue arabe que j’étais alors se souvient encore de ce moment où il suivait attentivement les gestes du président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, balayant une grande carte dépliée devant eux. Celle d’un projet de port qui devait ouvrir de nouveau Gaza sur le monde, renouant avec son passé prestigieux de carrefour commercial des temps anciens. Projet qui ne devait jamais voir le jour. Faute d’un accord israélien. Nous étions pourtant dans la foulée des accords d’Oslo, qui avaient ouvert des perspectives de relative autonomie palestinienne, avec l’espoir d’un Etat palestinien à l’horizon. Du moins, c’est ce que les rêveurs avaient voulu croire. L’encerclement était déjà là, toutes les frontières étant sous contrôle israélien. Je ne me rappelle plus les détails de la carte...mais l’espoir qui rayonnait sur tous les visages autour de nous, cela, je ne puis l’oublier. C’est cet espoir insensé, indestructible, que j’ai retrouvé tout récemment à la lecture de quelques poèmes de Gaza, sur fond d’actualité tragique. Le dernier poème de Refaat Alareer, jeune poète tué dès le début des bombardements israéliens, à l’automne 2023, m’avait frappée par sa chute " Que ma mort apporte l’espoir".

Aussi lorsqu’Alain Gresh m’a demandé fin 2023 de participer à un projet de publication de poèmes gazaouis, dans la collection Orient XXI des éditions Libertalia, n’ai-je pas hésité un instant, malgré le défi que représente la traduction poétique, bien plus difficile à mon sens que la traduction diplomatique que j’ai longtemps pratiquée. C’est qu’il ne s’agit plus seulement de traduire le sens, aussi implicite soit-il, mais de faire appel à la sensibilité du lecteur, pour partager avec lui une émotion, à travers une autre langue, qui a sa magie propre, sa musique inimitable.

Si j’ai accepté ce défi, c’est parce que la poésie permet " d’humaniser l’histoire", selon les termes du grand poète palestinien Mahmoud Darwich. En prenant le contre-pied des tentatives de déshumaniser toute une population, la poésie permet d’entrer dans l’intimité de Gaza, de se frayer un chemin à travers des consciences individuelles pour en révéler la part d’universalité.

Dans la langue arabe, le même mot chahada signifie à la fois " martyre" et " témoignage". Face à une offensive qui s’en prend aux forces de l’esprit autant qu’aux moyens de subsistance, en visant tant les habitations, les hôpitaux, les services sociaux que les lieux de culte et de culture, écoles, universités, théâtres, archives et musées, et jusqu’aux cimetières, lieux de mémoire, en ciblant pareillement, parmi les civils, médecins, intellectuels et journalistes, eh bien, face à une telle entreprise éradicatrice, la pensée poétique est à sa manière un acte de résistance, qui s’oppose à la volonté d’annihiler un peuple, une patrie. La poésie est alors un message qui transcende la mort. [...]"


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