Bon si je peux résumer, tu penses qu’une communication qui passe par la personne entière, parole, comportement, regard, etc. est plus authentique et humaine qu’une communication basée sur un échange de signes qui transitent sur des réseaux numériques. On ne peut pas te donner tort. Mais je ne suis pas sûr qu’il y a une différence si essentielle entre un texte qui passe sur internet, et le même texte dans un journal ou dans un livre. Ce que j’ai pu remarquer, c’est que les échanges en ligne sont souvent plus âpres que les échanges en direct. Parce qu’on ne s’exprime pas seulement avec nos mots mais aussi avec notre corps, notre regard etc. qui nuance et complète nos paroles. Par ailleurs, on a en face de soi une subjectivité, une personne. On a des indications sur la manière dont il reçoit les messages. On s’adapte alors, on précise, etc.
En tout cas, je ne pardonnerai jamais à internet d’avoir tué le courrier papier, et surtout les lettres d’amour. Un email d’amour, c’est vraiment ridicule. Il faut le papier, la trace de la main qui a écrit, l’attente du facteur, parfois un parfum ou une fleur séchée. Bachelard l’a dit merveilleusement :
"Notons d’ailleurs qu’une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l’écrire, l’écrire avec émotion, avec goût, en la revivant d’autant mieux qu’on la récrit. Nous touchons là au domaine de l’amour écrit. La mode s’en perd. Mais le bienfait demeure. Il est encore des âmes pour lesquelles l’amour est le contact de deux poésies, la fusion de deux rêveries. Le roman par lettres exprime l’amour dans une belle émulation des images et des métaphores. Pour dire un amour, il faut écrire. On n’écrit jamais trop. Que d’amants qui rentrés des plus tendres rendez-vous ouvrent l’écritoire ! L’amour n’a jamais fini de s’exprimer et il s’exprime d’autant mieux qu’il est plus poétiquement rêvé. Les rêveries de deux âmes solitaires préparent la douceur d’aimer. Un réaliste de la passion ne verra là que formules évanescentes. Mais il n’en reste pas moins que les grandes passions se préparent en de grandes rêveries. On mutile la réalité de l’amour en la détachant de toute son irréalité."