poster message en reponse
Ici la Banque Postale, bonjour - bombix - 20 mai 2013 à 10:22

Un article intéressant, quoique fort discutable dans certaines de ses affirmations, sur le suicide au travail. L’auteur, Marcela Iacub, s’interroge sur le lien qui semble évident — alors qu’il ne l’est pas — entre conditions de travail et suicide, comme si le suicide était une réponse qui va de soi dans des conditions de travail éprouvantes ou dégradées : « Si l’on songe aux conditions atroces d’exploitation de jadis ou à celles qui existent encore dans les pays pauvres, on se demande pourquoi et comment le suicide n’était pas ou n’est pas la réponse normale de ces victimes du travail. » A la suite de quoi l’auteur émet deux hypothèses : A) la mise en place d’une conception psychologique du travailleur, en lieu et place de sa conception politique, avec tous les dangers pour la lutte politique que cela représente : « demain une flopée d’experts en psychisme pourrait décider à la place des travailleurs ce qui est le mieux pour eux. » C’est le danger de la victimisation et de la "pathologisation" d’une lutte politique. La seconde hypothèse, c’est B) l’idée d’une métamorphose de cette lutte politique, par les moyens mêmes qui sont utilisés : en substituant le meurtre de soi-même aux moyens classiques de la lutte politique en démocratie, les suicidés au travail seraient des genres de terroristes, ni plus, ni moins.

A quoi l’on peut répondre qu’il y a quand même une différence importante entre terroriste et suicidé : le terroriste tue les autres alors que le suicidé ne s’en prend qu’à lui-même. D’autre part l’idée que la lutte politique ne doit passer que par les moyens pacifiques de la démocratie suppose 1) que nous sommes en démocratie — effectivement et pas seulement formellement — et 2) cela fait l’impasse sur l’histoire réelle des luttes qui n’ont jamais fait l’économie de la violence. "La violence est l’accoucheuse de l’histoire". Vieille affaire que l’angélisme de Marcela Iacub semble ignorer. L’article se termine sur une curieuse contradiction : alors qu’elle s’est attachée à trouver sinon des explications tout au moins des éléments de compréhension sur le phénomène "suicide au travail", Iacub voudrait que le phénomène demeurât à jamais dans le "mystère" ; elle fait même du silence sur cette question une prescription déontologique pour les journalistes. "Cacher ce suicide que je ne saurais voir" ? Expliqué ou pas, le suicide interroge et met mal à l’aise. Il place les survivants dans une position à jamais inconfortable. Il culpabilise ceux qui restent.

Ce qui manque encore à l’article de Marcela Iacub, c’est toute la dimension existentielle du geste. Il lui faudrait pour ça un peu d’empathie et la connaissance directe de la détresse des gens. Mais sa vie entre les soirées parisiennes branchées et les bureaux de Libération lui en interdise sans doute l’accès.

Le suicide, quel travail !


#37806



Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Qui êtes-vous ?